Anne Soupa, théologienne bien connue[1], a fait connaitre sa « candidature » pour le « poste » d’archevêque de Lyon le 26 mai dernier. Elle ne demande pas l’ordination ; simplement une fonction de haute direction. Le hic, c’est que pour être évêque, il faut d’abord être prêtre.
Je n’apprécie guère le militantisme dans l’Église, quel qu’il soit, mais cette bravade, je l’avoue, m’a attendri. Je me suis sentie proche de ma sœur en Christ. Son texte, qui explique ses motifs, ressemble davantage à un cri du cœur.
Même si on n’est pas d’accord, ni sur le fond ni sur la forme, comment rester de glace devant un cœur qui pleure ? Son grand « désir de responsabilité » dans l’Église, son amour pour elle qui la pousse à vouloir « occuper une charge de gouvernement » en son sein, me touche.
Le moyen utilisé laisse à désirer, mais a le mérite de mettre en lumière la nécessité de la conjugalité, de la réciprocité et de la complémentarité entre hommes et femmes dans l’Église.
Un cadre à respecter
On ne « candidate » pas pour devenir évêque ; on est nommé, cela elle le sait. En plus, elle est femme, mariée, mère et grand-mère…
L’intention reflète en partie le souhait du pape d’augmenter le nombre de femmes dans la gouvernance dans l’Église (pas seulement au niveau de la coordination, de la pastorale, ou de l’administration).
Le pape François désire qu’on travaille à distinguer « pouvoir sacerdotal » et « pouvoir de gouvernance », mais dans le sens d’une autorité partagée, pas dans le but de les retirer.
Comment accroitre la présence des femmes dans la hiérarchie tout en respectant le cadre de l’Église ? Le moyen ne semble pas être du côté de la prêtrise.
La théologienne affirme que sa « candidature est interdite par le droit canon » simplement parce qu’elle est une femme, « que les femmes ne peuvent être prêtres et que seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Église catholique ».
L’encyclique Ordinatio sacerdotalis, et la lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui précisait le terme « definitive tenenda », confirment cette « interdiction », tout en admettant que « les motifs pour lesquels l’Église n’a pas le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale aux femmes pourraient être encore approfondis [2]», ce qui signifie qu’il ne s’agit pas d’obéir béatement au canon, mais qu’il importe d’en comprendre le sens.
Anne Soupa justifie son droit d’être évêque sans être ordonnée prêtre en distinguant « pouvoir sacerdotal » et « pouvoir de gouvernance ».
Encore là, on fait fi du cadre. L’évêque est prêtre de par sa nature ; le prêtre est à l’origine un apôtre ; un « petit apôtre ». Nous n’avons pas affaire à une « interdiction », on dirait, mais à une limite du pouvoir de l’Église.
Responsabilité partagée
Le pape François désire, en effet, qu’on travaille à distinguer « pouvoir sacerdotal » et « pouvoir de gouvernance », mais dans le sens d’une autorité partagée, pas dans le but de les retirer. Le prêtre porte ces deux pouvoirs, en soi, selon l’Évangile. C’est sa nature.
Le partage de responsabilité se vit déjà en regard de « pouvoir d’enseignement », mais requiert encore des efforts. Le cardinal Ouellet s’est exprimé à ce sujet ; pour lui, les séminaristes doivent être davantage en contact avec des femmes.
Au niveau de la gouvernance, on trouve Francesca Di Giovanni au Vatican, nommée sous-secrétaire à la section pour les Relations avec les États de la Secrétairerie d’État, un poste nouvellement créé par le pape. François affirme que l’Église « a besoin de plus de femmes aux postes de direction ».
Le « désir de responsabilité » et d’« occuper une charge de gouvernement » de ma sœur Anne se réalise, mais pas de la manière souhaitée ; il se situe dans un cadre, confirmé par tous les papes, y compris François.
Idées en tête
Dans ce cadre, où pourrait-on voir les femmes exercer une responsabilité/gouvernance partagée avec le clergé ?
Il y a la fonction de préfet, par exemple, qui n’exige pas la prêtrise.
Dans le passé, l’Abbaye de Fontevraud, mixte, offre un bel exemple. Robert d’Arbrissel, son fondateur, tenait à être assisté d’une grande prieure. De 1101 à 1792, une abbesse dirigeait les hommes et les femmes de cette abbaye.
Plus près de nous, on pense au cardinal Mazarin (1641) qui n’était pas prêtre. Le droit canon de 1917 précise qu’il faut être ordonné prêtre pour devenir cardinal, pas celui de 1983.
On sait que ce n’est qu’à partir du Concile de Trente (1542) que toutes les autorités dans l’Église ont été cléricalisées. Avant, beaucoup de papes nommaient leur frère, leur cousin ou leur neveu, lesquels n’étaient pas prêtres. Les cardinaux étaient séparés par le titre de cardinal-évêque, ou cardinal-prêtre, ou cardinal-diacre.
Des femmes cardinales… L’intérêt d’une telle nomination serait, en contournant l’impossibilité de l’ordination, d’offrir une responsabilité/gouvernance plus en valeur et plus concrète.
[1] Bibliste, journaliste, écrivaine, ex-présidente de la Conférence des baptisé-e-s, et présidente du Comité de la jupe.
[2] « Inter insigniores » (15-X-1976), approuvée par Paul VI, et dans différents documents de Jean-Paul II (comme l’Ex. ap. « Christifideles laici », 51 ; et la Lettre ap. « Mulieris dignitatem », 26), ainsi que dans le Catéchisme de l’Église catholique, n. 1577.
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