Dans une entrevue accordée au journaliste Patrice Roy sur les ondes de Radio-Canada, le Dr Karl Weiss, président de l’Association des médecins microbiologistes infectiologues du Québec, a tiré à boulets rouges sur le Dr Arruda pour sa décision de ne pas imposer le port obligatoire du masque.
Le Dr Weiss faisait partie de la trentaine de médecins et d’experts en épidémiologie qui sont intervenus la même journée pour que le gouvernement Legault rende obligatoire le port du masque dans les lieux fermés, les commerces, les transports en commun et les écoles.
Dans la lettre signée par 27 médecins, on retrouve en plus du Dr Weiss, Joanne Liu, sommité internationale en matière de lutte contre les épidémies, Mme Machouf, épidémiologiste, Caroline Quach Thanh, microbiologiste-infectiologue à l’hôpital Sainte-Justine, Amir Khadir, microbiologiste-infectiologue à l’hôpital Pierre-Legardeur, et Alain Vadeboncœur, chef urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal.
Le Dr Arruda leur a répondu qu’il voulait d’abord « regarder la littérature » et qu’il attendait l’avis des experts québécois, canadiens et internationaux avant de trancher la question. On se souviendra qu’au début de la pandémie, le Dr Arruda a déclaré que le port du masque était « dangereux ».
Dans l’entrevue accordée au journaliste Patrice Roy, le Dr Weiss a taillé en pièces les arguments du Dr Arruda. Ci-dessous la transcription de l’essentiel de l’entrevue.
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Le Québec, parmi les pires dans le monde occidental
Patrice Roy : Pourquoi rendre le masque obligatoire?
Dr Weiss : C’est la seule mesure qui a été démontrée comme étant particulièrement efficace contre un virus transmis principalement par les voies respiratoires. On encourage le lavage des mains, mais il n’y a aucune étude qui démontre qu’il est efficace pour réduire la transmission de la Covid-19. C’est très bon pour les virus de gastro-entérites. Il y a 126 pays qui ont instauré le masque de façon obligatoire. La majorité de ces pays ont bien maîtrisé, même très bien maîtrisé l’épidémie, ce qui est loin d’être le cas au Québec.
Il faut faire le bilan de la première vague. On est quasiment les pires dans le monde occidental ou certainement parmi les 2-3 pires. Alors, il faut se poser des questions sur ce qu’on pourrait améliorer. Si on n’a pas de vaccins, de médicaments, plusieurs organisations recommandent le masque.
On a le feu dans la maison et on se demande encore s’il faut appeler les pompiers. Si on veut continuer un déconfinement adéquat, il va falloir porter un masque.
Arruda joue sur les mots depuis longtemps
On dit obligatoire, ça veut dire très fortement encouragé. La Santé publique joue sur les mots depuis longtemps au Québec. On voit que cela n’a pas changé grand-chose sur le nombre de décès. On a vu des pays qui ont fait beaucoup mieux que ce qu’on a fait.
Faudrait pas que ça devienne un port policier du masque. Dans le sens que si vous ne portez pas votre masque, on va vous arrêter et vous donner une amende. Il va falloir que cela soit fait de façon intelligente de favoriser le port universel du masque. Et les policiers pourraient même distribuer des masques plutôt que de donner des amendes.
Il faut expliquer à la population qu’on ne veut plus retourner en confinement. On veut profiter de la réouverture à la vie normale et le masque est une façon de réduire considérablement la transmission.
On se pose des questions au Québec, alors que les réponses existent depuis déjà longtemps. Toronto va l’imposer le 12 juillet dans les transports en commun, Paris, New York l’imposent…
50 000 cas au Québec, dont beaucoup ont du mal à s’en sortir
Patrice Roy : Mais notre lourd bilan s’explique par la situation dans les résidences pour personnes âgées.
Dr Weiss : Il y a aussi des gens qui sont décédés qui n’étaient pas des personnes âgées. Parmi les 50 000 cas au Québec, il y en a beaucoup qui ont du mal à s’en sortir, qui ont besoin de soins de réhabilitation, qui ne sont pas retournées à leur état précovid. Ces gens ne sont pas comptabilisés, mais ils existent bel et bien.
50 000 cas, c’est beaucoup si on se compare à la Colombie-Britannique, à l’Alberta, et même à l’Ontario. Ce sont toutes des provinces canadiennes. On vit dans le même pays. On a des systèmes de santé qui sont similaires. Il y a des différences avec les États-Unis et l’Europe, mais pas beaucoup. Finalement, on a le même bilan que la Suède, avec une population similaire, mais qui a eu beaucoup moins de confinement que nous. On a beaucoup critiqué le système suédois. Si on les compare aux Norvégiens, aux Finlandais et aux autres pays scandinaves, ils ont très mal fait. Nous, on a aussi mal fait que les Suédois, mais en ayant confiné comme les Finlandais.
Faut se poser la question : qu’est-ce qui n’a pas fonctionné?
S’appuyer sur la littérature scientifique et des réussites ailleurs
Patrice Roy : La réponse du Dr Arruda ne vous satisfait aucunement?
Dr Weiss : Ce n’est pas une question qu’elle me satisfait ou ne me satisfait pas. L’idée, c’est d’exprimer son opinion, en regardant ce qui a été publié dans la littérature scientifique, en regardant ce qui a été fait dans des pays qui ont très bien réussi. Il faut prendre exemple sur ce qui a été fait ailleurs. Et, surtout, de dire que s’ils l’ont fait, il doit y avoir quelque chose qui fonctionne dans ces aspects-là.
On encourage le lavage des mains. Mais il n’y a aucune étude qui a démontré que c’était efficace pour prévenir la transmission de la Covid-19. On parle de la distanciation sociale. Vous voyez bien qu’en Europe, on parle d’un mètre, en Amérique du Nord, de deux mètres, aux États-Unis, on dit six pieds, ce qui n’est pas tout à fait un mètre.
Lavage des mains versus masque
Patrice Roy : Dr Weiss, vous me renversez. Parce que le lavage des mains, on en parle depuis 13 semaines ensemble. Les gens disent : on nous assomme avec cela. On n’a plus de jointures tellement qu’on se lave les mains. Là, jour 88, vous me dites : le lavage des mains, il n’y a rien qui dit que ça aide.
Dr Weiss : Je vais préciser. Regardez, le lavage des mains, c’est très important. On ne doit pas dire que le Dr Weiss a dit que ce n’était pas important. Le lavage des mains, c’est très important dans un ensemble de mesures qu’on prend et qu’on met en place pour réduire les infections de façon générale.
Mais pour la Covid-19, spécifiquement, si vous avez le choix entre vous lavez les moins ou portez un masque, il n’y a pas d’études qui ont démontré que si on compare les 200 personnes qui se sont beaucoup lavé les mains et les 200 qui ne se sont pas lavé les mains, que ces derniers ont attrapé la Covid. On sait que la Covid, ce n’est pas une transmission par contacts directs ou indirects. Dans le cas des maladies infectieuses – je suis spécialiste en maladies infectieuses – on apprend très rapidement que le lavage des mains, c’est surtout pour les maladies par transmission par contacts directs ou indirects. Donc, je touche des surfaces contaminées et je me contamine à mon tour.
Pour les infections respiratoires, le lavage des mains a un rôle moins important que le masque. Parce que la transmission se fait principalement par gouttelettes. Je suis proche de vous, je vous parle, je vous transmets des gouttelettes et, s’il y a des microbes, vous risquez de les attraper.
Il n’y a personne qui dit qu’il faut arrêter le lavage des mains. Mais le problème est qu’il n’y a pas de données qui disent que le lavage des mains va réduire de façon importante la pandémie de la COVID-19 transmise par des gouttelettes, qui est un virus respiratoire principalement.
Il y a des données qui disent que le masque a beaucoup plus d’efficacité et toutes les données semblent aller dans ce sens-là. Et 129 pays sur la planète, dont quasiment toute l’Europe, beaucoup de pays du Moyen-Orient, d’Amérique du Sud, en Asie ont institué le port du masque universel. Les pays qui ont le mieux fait ont imposé le port du masque universel.
Patrice Roy : Merci Dr Weiss. On va se reparler des tests, parce que c’est important.
(Fin de l’entrevue)
On attend avec impatience la discussion sur les tests parce que le Québec est très loin d’avoir atteint l’objectif qu’il s’était fixé de 14 000 tests par jour. On se rappellera que Legault s’était engagé à en faire une affaire personnelle.
Crédit photo : Radio-Canada.ca
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