Pour une laïcité globale

Pour une laïcité globale

L’auteur est étudiant au baccalauréat spécialisé en cinéma de l’Université de Montréal, ainsi que jeune membre du Parti québécois et du Bloc québécois.

Le 16 juin 2020 va marquer un an depuis l’adoption de la loi 21 par l’Assemblée Nationale. Si cette loi représente une étape non négligeable dans le dossier de la laïcité, il faut maintenant penser ladite laïcité au-delà de la question des signes religieux.

Après tout, force est de constater que plusieurs points d’achoppement demeurent avant de pouvoir affirmer que le Québec est une société laïque, nonobstant la loi 21. Le religieux trouve, encore à ce jour, le moyen d’exercer un poids — malsain, si l’on adhère à la thèse de séparation des pouvoirs — dans le domaine public, même si la foi relève du domaine privé.

L’État québécois doit agir face à des groupes confessionnels dont l’influence dépasse les limites de ce qui est acceptable dans une démocratie laïque. Cet enjeu est d’autant plus important, considérant que le fait d’avoir un rapport avec la religion différent de celui qu’entretient le Canada anglais avec cette même religion, a toujours été un élément fondamental du nationalisme québécois, autant au début du XXe siècle, quand la province entretenait un lien très étroit avec le catholicisme — à l’ère du clérico-nationalisme –, qu’aujourd’hui, alors que les considérations plus laïques dominent.

Un grave problème est que la religion demeure présente dans l’institution névralgique pour toute société qu’est l’éducation. La décision du gouvernement Legault d’en finir avec le cours d’Éthique et Culture Religieuse élimine certes une bonne partie du problème, ce cours ayant été bien souvent critiqué dans les médias comme étant trop complaisant par rapport aux religions.

Néanmoins, l’élimination d’ECR ne règle pas le problème des écoles confessionnelles, majoritaires dans le système privé. Parfois, elles sont mêmes illégales, dans le cas des écoles talmudiques de Montréal. Plus que supervisées, les écoles religieuses doivent être abolies. En effet, l’idée qu’il soit possible de donner un enseignement à la fois religieux et rationnel (voulu par le Ministère) est absurde.

Comment peut-on prétendre enseigner correctement l’Histoire et les sciences pures, tout en donnant en même temps de la théorie créationniste ? Certes, légalement, les élèves doivent être exposés au programme du Ministère de l’Éducation — même si ce n’est pas le cas dans les écoles talmudiques –. Sauf que les conceptions prescrites par le Ministère sont mises à égalité avec les conceptions mystiques religieuses.

L’idée même d’une éducation universelle repose sur le fait que tous les enfants, sans discrimination, reçoivent le même apprentissage et adhèrent aux mêmes connaissances. Certains argüeront que les parents doivent avoir le dernier mot concernant l’éducation de leurs enfants et qu’ils ont le droit de vouloir un enseignement croyant.

Suivant cette logique, pourquoi ne pas éliminer ce qui reste de la loi 101 ? Parce qu’il se trouve certaines institutions où la défense du bien collectif prime sur la liberté commerciale du citoyen, sa liberté de « magasiner » son institution. C’est le cas pour les services de police ou de pompier, où le privé (confessionnel) n’aura jamais sa place. Imaginerait-on une police religieuse privée ? Qui aurait pour mandat de protéger certains quartiers ? Qui règlementerait la consommation d’alcool sur la voie publique ? Bien sur que non. Pourquoi tolère-t-on un système croyant parallèle, chargé d’éduquer les jeunes Québécois ?

L’éducation étant si fondamentale, elle doit être gérée par l’État, gardien du bien commun. L’État est libre de poser alors les conditions d’enseignement considérées comme essentielles pour l’avenir collectivité. L’une est de donner un enseignement de langue française. Une autre est un enseignement laïc.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement doit arrêter de laisser des groupes religieux se soustraire aux contraintes de la loi. Le gouvernement devrait ordonner une vaste commission d’enquête publique sur les abus commis par l’Église catholique dans les dernières décennies. Chaque année, des scandales de viol et de pédophilie dans le clergé éclatent. Il est grand temps que le Québec se décide à faire face à ce chapitre sombre de son Histoire, pour enfin libérer les victimes et\ou leurs familles.

Le Québec devrait également se doter d’une loi antisecte comme la loi About-Picard française, d’autant plus que la prolifération de mouvements sectaires est importante dans la Belle Province. Cette loi devrait bien entendu être protégée par la clause dérogatoire, le régime canadien ne saurait probablement souffrir une conception lucide du phénomène religieux et sectaire.

Le Québec doit absolument mettre fin aux nombreux avantages fiscaux accordés aux religions. La question des services donnés et reçus à visage découvert doit également être discutée, de même que celle de l’interdiction du Kirpan dans certains lieux publics, puisque le visage découvert sera exigé des citoyens non pratiquants et le port d’arme leur sera interdit dans certains espaces.

Toutes ces propositions ont pour but de favoriser une vraie laïcité, où tous les organismes et toutes les personnes sont égales devant la loi. Il aura fallu jusque dans les années 1960 pour laïciser la majorité de la société, jusqu’en 1998 pour se défaire des commissions scolaires confessionnelles et jusqu’en 2019-2020 pour légiférer sur la question des accommodements religieux, puis mettre fin à ECR. Il est temps de finir le travail, de s’opposer avec encore plus avec encore plus de vigueur au multiculturalisme fédéral et à la condescendance anglo-saxonne. L’état d’esprit actuel des Québécois, par rapport à la laïcité, est propice à l’établissement d’une laïcité globale.

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