Les États-Unis utilisent le blé comme arme de guerre en Syrie
Par Steven Sahiounie, journaliste et analyste politique
Source : MidEastDiscourse, le 19 mai 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Des hélicoptères Apache des forces d’occupation américaines volaient bas dimanche matin, selon des habitants du village d’Adla, dans la campagne de Shaddadi, au sud de la ville syrienne de Hassaké, alors qu’ils lâchaient des « ballons thermiques », une arme incendiaire qui a détruit les champs de blé dans des explosions de flammes, tandis que les vents chauds et secs attisaient le feu qui faisait rage.
Après avoir largué leur charge enflammée, les hélicoptères ont volé près des maisons d’une manière agressive, si bien que les habitants et surtout les jeunes enfants craignaient pour leur vie. La manœuvre militaire délivrait un message clair : ne vendez pas votre blé au gouvernement syrien. Le chef de la direction agricole de Hassaké, Rajab Salameh, a déclaré dans un communiqué à l’agence de presse nationale SANA que plusieurs incendies se sont également déclarés dans les champs agricoles de la campagne de Tal Tamer.
Les bases illégales américaines en Syrie utilisent régulièrement des hélicoptères Apache. Le Président américain Trump se présente comme un champion des chrétiens américains, et il a des millions de partisans fidèles parmi les églises chrétiennes à travers les États-Unis. Cependant, la Bible chrétienne déclare dans Deutéronome 20:19 que c’est un péché contre Dieu de détruire la nourriture ou les cultures vivrières, même en temps de guerre.
Le pain est l’aliment de base le plus important en Syrie, et deux semaines après la récolte annuelle de blé, Damas tient à sécuriser son approvisionnement en céréales, tout en étant en proie à la pandémie mondiale. Le 4 mai, le Président Assad a déclaré lors d’une réunion avec son équipe COVID-19 que « notre défi interne le plus difficile est de sécuriser les produits de base, en particulier les denrées alimentaires ».
Depuis le début de l’attaque des États-Unis et de l’OTAN contre la Syrie en 2011, la production de blé est passée d’une moyenne de 4,1 millions de tonnes par an à seulement 2,2 millions de tonnes en 2019. La Syrie était jadis un importateur de blé mais est devenue un exportateur de céréales dans les années 1990.
Selon l’ONU, la Syrie a été frappée par une insécurité alimentaire aiguë en 2019, avec environ 6,5 millions de personnes considérées comme étant en situation d’insécurité alimentaire.
Les provinces du nord de Hassaké, Raqqa, Alep et Deir e-Zor, en plus de Hama dans le centre de la Syrie, représentent 96% de la production nationale totale de blé. Utilisant le feu comme arme de guerre, 85 000 hectares de céréales ont été brûlés par les Etats-Unis et leurs alliés en 2019, et le gouvernement syrien a été contraint d’importer 2,7 millions de tonnes pour couvrir les pertes. Détruire l’agriculture syrienne a été une stratégie de guerre utilisée par divers ennemis de la Syrie, et a entraîné une migration massive des habitants des villages vers l’Allemagne, via la Grèce, par le truchement de passeurs en Turquie.
Le « grenier » syrien, la région du nord-est, est désormais contrôlé par l’Administration autonome à dominante kurde du nord et de l’est de la Syrie. En 2019, près de la moitié de la production nationale de blé du pays a été produite sur ce territoire, qui a réussi à l’acheter aux agriculteurs à un prix inférieur à celui proposé par Damas, ce qui suggère que Damas pourrait également se voir refuser la récolte actuelle.
Le 9 mai, Raqqa a commencé sa récolte de blé et les photos des incendies se sont propagées rapidement sur divers réseaux sociaux. La concurrence entre l’administration kurde et Damas signifie que le gouvernement syrien sera obligé d’importer des céréales pour répondre à la demande intérieure d’environ 4,3 millions de tonnes.
Youssef Qassem, directeur général de la Direction syrienne des céréales, a déclaré que 200 000 tonnes de blé de Russie avaient été commandées et qu’un navire transportant 26 000 tonnes de blé russe était déjà arrivé au port de Tartous, avec d’autres expéditions à venir. Il a ajouté que le blé est immédiatement déplacé du port vers les moulins et a déclaré : « Les préparatifs sont en cours pour recevoir le blé lorsque la saison des récoltes commencera le mois prochain, et 49 centres ont été équipés pour faciliter la réception du blé et payer les agriculteurs », tout en rappelant que la réouverture de la route Alep-Damas a largement contribué à réduire les coûts de transport du blé.
Voir Nasrallah : la Syrie triomphe, Israël mène une guerre imaginaire
L’administration autonome kurde s’est entretenue à plusieurs reprises avec le gouvernement syrien à Damas concernant l’avenir du nord-est, mais les différends n’ont pas été résolus. Ilham Ahmed, coprésidente du Conseil exécutif de l’administration kurde, a négocié avec Damas, et elle travaille également en étroite collaboration avec les représentants du gouvernement américain en Syrie. Ilham Ahmed aurait récemment donné l’idée à l’armée américaine de cibler une ferme spécifique à Hassaké, après avoir rencontré des chefs de tribus arabes syriens et s’être opposé à une opposition à la vente de blé à l’administration kurde.
L’aile armée des Kurdes est les Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par la milice kurde des YPG, associée aux forces d’occupation américaines dans la lutte contre Daech qui a pris fin en 2017. Même si Trump a permis au Président turc Erdogan d’envahir la Syrie, l’armée américaine soutient toujours les FDS et l’administration kurde à plusieurs niveaux. Les Kurdes et leur allié américain considèrent le blé comme un atout dans les négociations en cours.
« Assad a besoin d’avoir accès aux céréales dans le nord-est de la Syrie pour éviter une crise du pain dans les régions de l’ouest de la Syrie qu’il contrôle », a déclaré l’analyste syrien Nicholas Heras. « Le blé est une arme de grande puissance dans cette prochaine phase du conflit syrien », a déclaré Heras, qui a ajouté que les Kurdes et leur allié américain « ont un stock important de cette arme qu’est le blé. Il peut être utilisé pour faire pression sur le (gouvernement syrien) et sur la Russie, pour forcer des concessions dans le processus diplomatique sous l’égide de l’ONU. »
En juin 2019, l’administration kurde a empêché le transfert de blé vers le territoire contrôlé par le gouvernement syrien. Trois provinces, qui représentent près de 70% de la production de blé du pays, sont principalement entre les mains des FDS. « Nous ne permettrons à aucun grain de blé de sortir » cette année (2019), avait déclaré Barodo dans une interview tenue dans la ville de Qamishli. Cependant, ce plan avait cédé face à la pression des agriculteurs, qui exigeaient de pouvoir vendre au gouvernement syrien à un meilleur prix que celui payé par l’administration kurde. Le gouvernement syrien gère trois centres de collecte de blé à Hassaké, ce qui donne aux agriculteurs le choix de vendre aux « autorités kurdes » ou au gouvernement syrien.
Les Kurdes sont une minorité en Syrie, et même dans la région du nord-est, ils sont une minorité, bien qu’ils en aient le « contrôle ». La population non kurde est un mélange d’Arabes syriens, de chrétiens syriens et d’Arméniens syriens, et beaucoup d’entre eux ont souffert sous l’administration kurde, qui a vu des non-Kurdes faire l’objet d’un nettoyage ethnique, car ils ont perdu des maisons, des magasins et des fermes saisis de force par les FDS.
Avant 2011, la Syrie était l’une des plus importantes sources agricoles de blé dur au monde. L’Italie, célèbre pour ses pâtes, a acheté du blé dur à la Syrie pendant des décennies. Pendant l’occupation de Raqqa par Daech, les stocks des magasins de blé ont été expédiés par convois de camions, ce qui équivalait à 8 ans de blé syrien. Daech s’est tourné vers son partenaire commercial de confiance, le Président turc Erdogan, et Erdogan leur a acheté le blé. Erdogan a ensuite vendu le blé syrien volé à l’Europe, et une fois de plus, l’Italie a pu utiliser son blé syrien préféré pour ses machines à pâtes industrielles. Les Italiens ont mangé des pâtes à base de blé syrien volé. Peut-être qu’il a laissé un goût amer dans leur bouche.
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L’ambassadeur syrien Ja’fari dépose une plainte officielle contre les États-Unis suite à l’incendie de champs de blé syriens
Source : Syria News, le 1er juin 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Le Représentant permanent de la Syrie auprès de l’ONU a adressé une plainte officielle au Secrétaire général Antonio Guterres et à l’actuel président du Conseil de sécurité des Nations Unies au sujet du récent incendie de champs de blé syriens par les États-Unis et la Turquie. Étant donné que le Klan de l’OTAN (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France) dirige le bastion de la paix et de la sécurité de l’humanité, il est peu probable que l’ONU tienne une réunion d’urgence pour exiger que ces trois pays cessent leurs propres violations de la Charte des Nations Unies et du droit international.
Le représentant permanent de la Syrie auprès de l’ONU, le Dr Bashar al-Ja’fari, a affirmé que les gouvernements américain, britannique, français, turc et israélien étaient passés de la guerre par procuration —via le soutien, l’armement et le financement des terroristes et du séparatisme des groupes armés en Syrie— à la guerre directe en lançant une agression et une occupation militaire directe, en pillant des ressources naturelles et des ressources énergétiques syriennes et en coupant l’accès à l’eau.
« Les forces d’occupation américaines et turques ont délibérément mis le feu aux cultures agraires dans les régions syriennes d’al-Jazeera afin de vider les greniers alimentaires syriens de leurs ressources, et ce crime représente un nouveau terrorisme économique perpétré par les forces d’occupation contre le peuple syrien. Cela équivaut à un crime de guerre », a déclaré al-Ja’fari dans une plainte officielle déposée auprès du Secrétaire général des Nations unies et du président du Conseil de sécurité contre les gouvernements américain, britannique, français, turc et israélien.
Al-Ja’fari a ajouté que les hélicoptères Apache des forces d’occupation américaines ont récemment largué des ballons thermiques sur des terres agricoles à l’approche des récoltes d’orge et de blé dans un certain nombre de villages entourant la ville d’al-Shaddadi au sud de la ville de Hassaké. De plus, des mercenaires de l’occupation turque ont incendié un certain nombre de champs de blé et d’orge dans les villes d’Abu Rasin et de Tal Tamr dans la campagne de Hassaké.
Il a souligné les dernières décisions émises par le gouvernement américain et l’UE de renouveler les sanctions imposées au peuple syrien, et ce malgré les appels internationaux pour lever ces mesures coercitives à la lumière de la propagation du coronavirus, tout cela se synchronisant avec ce que l’on appelle le « Caesar Act » (Caesar Syria Civilian Protection Act) déjà entré en vigueur, précisant que le fait de viser le peuple syrien par le siège n’est pas quelque chose de nouveau de la part des gouvernements américains successifs.
Al-Ja’fari a souligné que la Syrie espère que l’ONU et le Conseil de sécurité adopteront une position claire qui mettra fin aux ingérences américaines et occidentales dans les processus politiques et humanitaires et adopteront des mesures pratiques pour mettre fin aux sanctions économiques unilatérales imposées au peuple syrien.
« Les crimes et pratiques perpétrés par les gouvernements de ces États atteignent le niveau de crimes de guerre et constituent une violation des règles du droit international et une agression directe contre la souveraineté, la sécurité, l’indépendance et l’intégrité territoriale de la Syrie », a conclu al-Ja’fari.
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