Nous y sommes. Après deux mois de confinement, l’heure du dé-confinement a sonné. Avec la même précipitation, dans l’incohérence parfaite, sans organisation pensée, avec pour seule ambition remettre l’économie en branle pour ne pas être dépassés par nos concurrents notamment allemands. A coups de forcings : zones rouges passées vertes en 24h, un conseil scientifique étrangement muet, l’éducation nationale utilisée pour faire pression sur les parents obligés de retourner au turbin sans toutes les précautions nécessaires, pression abjecte du patronat automobile et de l’aviation, toujours pas de masques gratuits hormis ceux mis à disposition par des mairies, des collectivités locales et de nombreux particuliers, couturières souvent. Espérons que la deuxième vague n’apparaisse jamais. Saluons ici les efforts des personnels soignants qui au prix d’un lourd tribut ont permis de circonscrire la pandémie. Remercions les personnels de la distribution, des services publics, les salariés, ces premiers de corvée, qui ont permis de répondre aux besoins de la population. Leur esprit d’initiative, leur courage, leurs capacités doivent être soulignés et récompensés non pas par des breloques ou des applaudissements certes bien mérités mais par des politiques sociales sonnantes et trébuchantes. Le pouvoir a bien trouvé les milliards d’aides aux entreprises y compris celles qui n’ont joué aucun rôle dans la lutte sanitaire. On peut en donner pour les travailleurs. Non ?
De nombreuses vidéos, interviews, écritures ont rappelé la genèse de la pandémie : la globalisation de l’économie mondialisée, les dérèglements climatiques, la recherche du profit maximum, les délocalisations industrielles, le moins-disant économique quel qu’en soit le coût ont permis le développement ultra rapide de cette Covid 19 à travers le monde. Il s’agit d’en tirer les enseignements pour éviter de nouvelles catastrophes. La mondialisation capitaliste basée sur la financiarisation a fait son temps. Les États devraient en tirer toutes les conséquences, industrielles, environnementales, sociales, sanitaires, politiques. Ce n’est décidément pas leurs orientations.
Les voici qui prétendent faire payer leur crise aux peuples. Leur horizon se limite à faire payer la dette des financiers par des générations durant les décennies qui viennent. Ils nous préparent la grande purge austéritaire qui nous a déjà fait trop de mal depuis plus de trente années. Un seul slogan : travaillez plus ! C’est du réchauffé. Sarko l’a pratiqué il y a près de 15 ans et pour quels résultats ? On nous annonce maintenant que nous devrions donner nos congés payés aux hospitaliers. Et pourquoi pas nos payes tant qu’à y être ? Ils l’ont réalisé pendant le confinement en réduisant de 16% les salaires des salariés mis en chômage partiel. L’imagination des tenants du libéralisme financier est sans limites. Contradictoire également. Les voici qui préconisent de placer des salariés en pré-retraites alors qu’ils nous somment de travailler plus longtemps avec leur réforme de retraite à points. Faudrait savoir, c’est l’une ou l’autre proposition mais pas les deux en même temps. Il y a anguille sous roche.
Il en va de même avec les politiques salariales. Macron nous dit qu’il va construire une politique salariale qui tiendra compte de la valeur du travail accompli mais il décide d’amputer le pouvoir d’achat du plus grand nombre en rabotant les congés, en développant le télétravail qui accroît le travail produit sans compensation salariale. Dans les entreprises, le patronat appelle à travailler plus pour récupérer les pertes occasionnées par le virus mais sur les salaires, motus et bouche cousue. L’exemple marquant c’est le « Ségur de la santé » qui enregistre un déferlement d’idées vaseuses mais qui ne décide pas d’augmenter les salaires des personnels et qui chipote sur les moyens matériels et humains à mettre en place pour faire face aux besoins de santé.
Sur l’écologie, remarquons comment Macron évacue cette question en accélérant la course à la voiture et au développement de l’avion comme si c’était les priorités du moment. Aucune action sur les procédés industriels capables de réduire la consommation du pétrole. Il en va de même sur le kérosène. Pire dans ces secteurs le pouvoir injecte des milliards sans contre partie et laisse fermer des entreprises indispensables pour la reconversion industrielle qu’il faudrait amorcer. Plus fort ! Le gouvernement accepte le versement des dividendes aux actionnaires d’Airbus, de Renault, de PSA et de quelques autres.
Des révélations, il n’en manque pas. Prenons l’exemple des libertés. Avec le confinement, les atteintes à la démocratie ont franchi des pas. Parlement bâillonné, collectivités locales ignorées, rassemblements interdits, population muselée, lois répressives adoptées. Ça fait beaucoup en si peu de temps. mais le pouvoir veut aller plus loin. Il veut interdire toute contestation. il accompagne le dé-confinement de la loi Avia qui permet de suivre à la trace tout individu atteint du virus, ses amis, ses relations intimes, et même des gens qui ne se connaissent pas. Les attroupements de plus de 10 personnes sont toujours interdits tandis que les rassemblements religieux, les repas et fêtes de famille, l’évènement du Puy du Fou et d’autres sont autorisés. On voit bien ce qui se trame : empêcher les manifestations, les critiques, les oppositions. Rien n’y fait. Les personnels hospitaliers se rassemblent les jeudis, la manifestation pour exiger « Justice pour Adama » a rassemblé des dizaines de milliers de personnes. Le dé-confinement va rimer avec engagement militant.
Un mot sur le rassemblement « Justice pour Adama ». Les commentateurs en sont surpris. Moi aussi. Je savais le peuple français opposé au racisme mais je ne croyais pas au sursaut aussi important dans les conditions de sortie de la pandémie. Ce qui prouve la détermination des gens à ne plus accepter les brimades, les violences de la police, les dénis de justice. Depuis hier soir, les ignares qui nous expliquent qu’il n’existe pas de lien entre ce qui se produit aux EU et ce qui existe en France, déchantent. Comment, ces jeunes de banlieue contestent les bienfaits de la police ? Ils vont rejoindre les gilets jaunes dans leur fureur de vivre ? Des attifas, des gauchistes, des mélenchonistes ? Ces gens là, si brillants quand ils sont entre eux, perdent toute mesure, se trouvent désemparés devant l’irruption de la révolution citoyenne. Car il s’agit de la poursuite de cette révolution si bien caractérisée par le député Jean Luc Mélenchon. Après l’épisode épique des gilets jaunes, l’élargissement syndical de la réforme des retraites, nous constatons l’agrégation des mouvements qui aspirent à la justice et aux libertés. Le rassemblement se poursuit tel que j’en avais décrit les hypothèses durant mes rares passages télévisés (voir Youtube et RT france).
Bien évidemment, les évènements de Minneapolis aident à la mobilisation en France et dans le monde. Les situations ne sont pas identiques mais leur déroulé se ressemble beaucoup. Point de départ, l’assassinat d’un afro américain dans des conditions semblables à l’étouffement d’Adama Traoré dans le Val d’Oise. Mais les similitudes sont bien plus profondes : chômage massif, mal vie, violences racistes, politique anti-jeune, urbanisation difficile, élimination des services publics. La crise économique masquée par la crise sanitaire fait des ravages ici et aux EU. Pareil dans tous les pays. Et comme toujours, les méfaits du système se reproduisent sous des formes diverses et amènent les mêmes conséquences. Attendons-nous au surgissement massif des luttes sociales, économiques, politiques et écologistes.
Tout cela ne fait qu’un et prépare des rassemblements inédits. Les surprises ne sont pas terminées. L’espérance est devant nous. Ma thèse est la suivante : la crise sanitaire n’a pas réduit le mécontentement qui existait avant Mars. Depuis les incohérences du pouvoir, les mesures prises et celles annoncées vont mécontenter de nouveaux secteurs. Le désordre macronien engendre ses fossoyeurs. Courage pour toutes et tous. L’avenir est à nos espoirs. Travaillons-y avec confiance.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir