Soulèvement : Le récit de l’Amérique se heurte à la réalité de l’Amérique — Caitlin JOHNSTONE

Soulèvement : Le récit de l'Amérique se heurte à la réalité de l'Amérique -- Caitlin JOHNSTONE

Nous assistons à la collision frontale entre l’histoire que les institutions politiques, médiatiques et éducatives américaines racontent aux Américains sur leur pays, et la réalité de ce pays.

Voici une jolie petite histoire

Il était une fois une nation courageuse qui se libéra de la tyrannie de l’empire britannique et donna naissance à la liberté et à la démocratie dans le monde. Avec l’aide de héros tels que les abolitionnistes Abraham Lincoln, Martin Luther King Jr et Malcolm X, elle a surmonté les inégalités raciales systémiques. Aujourd’hui, elle est un brillant exemple de droits de l’homme, l’ami respecté des démocraties libres dans le monde entier et l’ennemi détesté de tous les régimes tyranniques. Elle n’est pas sans fautes et erreurs passées, mais elle est le meilleur leader et protecteur de l’ordre mondial libéral que nous puissions espérer avoir.

Voici une histoire moins jolie.

Il était une fois une nation qui s’était hissée au rang de leader après être sortie indemne de deux guerres mondiales qui avaient endommagé les infrastructures de ses concurrents. Les principales puissances mondiales se sont rapidement regroupées autour de cette nouvelle superpuissance et ont commencé à manœuvrer les autres nations pour former avec elle une alliance étroite de type empire. Après une longue et épuisante guerre froide, cet empire a réussi à renverser la seule autre superpuissance du monde et a commencé à œuvrer pour absorber toutes les autres nations dans une alliance avec lui. Si les nations résistaient, elles étaient subverties, sabotées et attaquées jusqu’à ce qu’elles s’effondrent ou se laissent dissoudre dans le bouillon impérial.

Les structures de pouvoir à l’échelle mondiale sont maintenant centralisées autour de cette nation, qui abrite la plus grande population de milliardaires de la planète et la force militaire la plus puissante de l’histoire de la civilisation. Une quantité insondable de pouvoir tourne autour de cette nation, des mécanismes ont donc été mis en place pour assurer la pérennité de son statu quo. Ces mécanismes comprennent le système de propagande le plus sophistiqué jamais conçu, un réseau orwellien d’espionnage domestique, une censure croissante sur Internet et, surtout, une force de police hautement militarisée.

La dernière ligne de défense

Les dirigeants de cet empire mondial ont toujours été parfaitement conscients que le point le plus faible de leur machine est la possibilité que les centaines de millions de personnes qui vivent dans cette nation décident un jour que le statu quo impérial ne les sert pas et qu’elles ne veulent plus être dirigées. Ils savent que la dernière ligne de défense contre cette éventualité est leur capacité à utiliser une violence extrême sur la population jusqu’à ce qu’elle cesse de se révolter, et ils n’ont donc pas l’intention de renoncer à cette capacité. Un empire planétaire entier en dépend.

Maintenant, si vous avez entendu toute votre vie la jolie version de l’histoire mais pas la moins jolie, vous penseriez naturellement qu’exiger la fin de la brutalité policière est la chose la plus raisonnable au monde. Vous vous attendriez naturellement à ce que, si un policier était surpris sur vidéo en train d’étrangler délibérément un homme à mort et qu’il n’était pas immédiatement arrêté et poursuivi pour meurtre, les gens seraient naturellement outrés et des changements systémiques drastiques seraient rapidement mis en œuvre pour apaiser leur colère. On s’attendrait naturellement à ce que la radieuse cité sur la colline se range du côté des citoyens face aux tendances meurtrières d’une force de police.

Si vous connaissez l’histoire moins jolie, vous ne vous attendriez à rien de tout ça. Vous comprendriez que les disparités raciales n’ont jamais disparu de la nation en question, et qu’une structure qui conserve le nom de J. Edgar Hoover sur le bâtiment du FBI n’a aucune intention de faire quoi que ce soit au sujet du rôle de la police dans ce domaine. Vous comprendriez que le rôle de la police n’est pas de protéger et de servir le peuple, mais de protéger et de servir l’empire, exactement comme c’est le rôle des militaires. Vous comprendriez que l’empire n’est pas plus susceptible de se défaire volontairement des pratiques violentes de ses forces de police de plus en plus militarisées que de se défaire de ses forces aériennes ou de ses ogives nucléaires.

Ils vous fourniront tous les mots creux et les séances de photos à genoux que vous voudrez, mais se désarmer volontairement face à leurs sujets ne fait pas partie de leurs plans.

Point de rupture

Cela ne signifie pas que ceux qui exigent ces changements sont idiots ou déraisonnables ; exiger que la police ne vous assassine pas est la chose la plus sensée et la plus raisonnable au monde, selon ce que les forces de police prétendent être et selon ce que l’Amérique prétend être. C’est juste que ni les forces de police ni l’Amérique ne sont ce qu’elles prétendent être. Le fossé entre les deux versions de l’histoire, la jolie et la moins jolie, ne pourrait être plus grand.

C’est ce à quoi nous assistons ici. Nous assistons à la collision frontale entre l’histoire que les institutions politiques, médiatiques et éducatives américaines racontent aux Américains sur leur pays, et la réalité de ce pays. La disparité entre l’histoire imaginaire et l’histoire réelle a finalement atteint un point de rupture, et maintenant le masque de la démocratie libérale se déchire devant le monde entier.

Nous voyons une population assiégée par le racisme institutionnel, les difficultés économiques et un virus pandémique franchir le seuil de rupture et se heurter à la partie la plus intransigeante d’un empire qui s’étend sur toute la planète. Les jolies histoires se dispersent lentement comme des gaz lacrymogènes, et la dure et froide réalité est de plus en plus visible pour une partie de plus en plus large de la société américaine.

Et maintenant, le dirigeant de cette nation menace ouvertement d’imposer la loi martiale et essaie de désigner les manifestants du Black Bloc comme des « terroristes ». Les images vidéo de la brutalité policière saturent les médias sociaux plus vite que les gens ne peuvent les regarder. Les violations du premier amendement [liberté d’expression] se répandent à travers tout le pays tandis que les chefs de police, les maires et les gouverneurs tentent de voir à jusqu’où ils peuvent restreindre les lois sur la liberté de réunion, et que de mystérieux hommes armés en treillis qui refusent de dire avec qui ils sont patrouillent les rues de la capitale. Des spécialistes en émeutes dans les prisons sont recrutés comme experts-conseils car, aux yeux de l’empire, les prisonniers sont en train de se révolter.

Nous observons tous, du monde entier, les citoyens du centre de l’empire affronter leurs oppresseurs dans une bataille de plus en plus violente. La violence arrache le mince vernis qui protégeait depuis tout ce temps la jolie version de l’histoire qu’on nous racontait à l’heure du coucher. Nous voyons tous les jolis rubans se défaire lentement les uns après les autres.

Celui qui contrôle la narration contrôle le monde. L’empire perd le contrôle de la narration. A long terme, cela ne peut être qu’une bonne chose. La lumière du soleil est le meilleur désinfectant, et la vérité est toujours supérieure à la fiction.

Caitlin Johnstone

Traduction « j’ai très tôt appris par coeur la version pas très jolie » par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

»» https://caitlinjohnstone.com/2020/06/03/we-are-watching-the-story-of-a…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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