Administrée à des personnes ayant été en contact étroit avec des individus infectés, l’hydroxychloroquine ne permet pas de prévenir l’apparition de la COVID-19, conclut un essai clinique effectué au Canada, dont au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), ainsi qu’aux États-Unis. Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé la reprise des essais cliniques qu’elle avait suspendus à la suite des résultats inquiétants la publication par le journal The Lancet de résultats indiquant que ce médicament était inefficace, voire néfaste pour traiter la COVID-19. Or, la revue médicale a fait part à ses lecteurs, mardi, de ses préoccupations quant à la qualité scientifique de cette étude.
Le New England Journal of Medicine publiait aujourd’hui les résultats de l’essai clinique conduit par l’Université McGill, l’Université du Manitoba, l’Université de l’Alberta et l’Université du Minnesota.
Dans cet essai clinique auquel ont participé 821 jeunes adultes asymptomatiques qui avaient été exposés à une personne atteinte de la COVID-19 à leur domicile ou dans un milieu de soins, 414 participants ont reçu par coursier dans les quatre jours suivant leur exposition des comprimés d’hydroxychloroquine qu’ils devaient prendre pendant cinq jours, tandis que 407 participants ont reçu pour leur part des comprimés d’un placebo. Autant les chercheurs que les participants ignoraient lequel des traitements, l’hydroxychloroquine ou le placebo, étaient administrés.
Parmi les 821 participants, 719 avaient subi une explosion à haut risque car ils étaient restés pendant plus de dix minutes en présence, plus précisément à moins de deux mètres, d’une personne infectée, et ce, sans aucune protection, c’est-à-dire sans porter de masque ou d’écran facial.
Au cours des 14 jours qui ont suivi le traitement, 49 des personnes qui avaient été traitées par l’hydroxychloroquine ont développé la COVID-19, soit 11, 9 % d’entre elles, et 58 parmi celles ayant reçu le placebo, soit 14,3 %. Puisque la réduction absolue du risque ne dépasse pas les 2,4 %, les auteurs de l’étude concluent à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine pour diminuer de façon significative le risque de développer la COVID-19 chez les personnes ayant été en contact avec une personne infectée.
La Dre Emily McDonald, qui a codirigé la portion de l’étude réalisée à McGill et qui est donc coauteure de la publication, fait remarquer qu’il s’agit « du premier essai clinique effectué en bonne et due forme, soit avec des « contrôles », c’est-à-dire en comparant le médicament avec un placebo, et où le traitement (le médicament ou le placebo) a été attribué au hasard aux patients (« étude randomisée »), et sans que les expérimentateurs et les participants ne sachent ce qui a été administré (à double insu).
La Dre McDonald tient également à souligner que le médicament n’a causé aucune complication grave, dont une arythmie cardiaque ou un décès, chez aucun des participants, « ce qui élimine nos préoccupations quant à la sécurité du médicament chez les personnes en bonne santé du moins ».
Directrice de l’Unité d’évaluation des pratiques cliniques du CUSM, la Dre McDonald explique que cette étude a été entreprise parce que l’hydroxychloroquine était connue pour son aptitude à diminuer la réplication du virus. « Après qu’une personne a été exposée au virus, il faut que le virus se réplique [et se multiplie] dans l’organisme pour que la maladie apparaisse. Or, nous pensions que ce médicament pourrait peut-être diminuer la réplication du virus et ainsi prévenir le développement de la maladie, ou du moins ses symptômes », dit-elle.
Volte-face de l’OMS
L’OMS annonçait aujourd’hui reprendre la série d’essais cliniques dénommée «Solidarité» qu’elle avait suspendue à la suite de la publication par le journal The Lancet de résultats indiquant que la chloroquine et l’hydroxychloroquine, avec ou sans l’azithromycine, étaient inefficaces, voire néfastes, pour traiter la COVID-19. Mais après avoir examiné l’ensemble des données disponibles et n’avoir décelé aucun effet sur la mortalité, « les membres du Comité de sécurité et de suivi ont estimé qu’il n’y avait aucune raison de modifier le protocole de ces essais cliniques ». L’OMS a donc approuvé la poursuite de ces essais.
Face aux importantes questions scientifiques qui ont été soulevées par un groupe de chercheurs, la prestigieuse revue britannique The Lancet a pour sa part émis un avis (« expression of concern »), mardi, dans lequel elle exprime ses préoccupations quant à l’intégrité des données de l’étude publiée par Mandeep Mehra et ses collègues qui portait sur 96 032 patients atteints de la COVID-19 et hospitalisés dans 671 hôpitaux du monde.
Le groupe de scientifiques qui a alerté les rédacteurs en chef de The Lancet a souligné des lacunes méthodologiques, et remis en cause « la validité et la provenance des données » utilisées dans cette étude.
« Nous sommes nombreux à remettre en question l’intégrité des données de cette étude, affirme la Dre Emily McDonald. Pour écrire leur étude, les auteurs ont utilisé les données que leur a fournies Surgisphere, une société privée [spécialisée dans l’analyse de données médicales] dont le directeur est aussi l’un des coauteurs de l’étude. Plusieurs erreurs ont été relevées dans les données de l’étude. Par exemple, l’étude fait mention d’un nombre de décès, en Australie, supérieur à celui de la totalité des décès survenus en Australie [durant la période de l’étude] ! Aussi, plusieurs hôpitaux à travers le monde ont affirmé ne jamais avoir fourni de données à Surgisphere. »
Et la saga sur la chloroquine et ses dérivés se poursuit…
Avec l’Agence France-Presse