Finalement, l’argent n’aura pas été le frein tant redouté. Malgré les 30 000 $ exigés pour se lancer dans la course à la chefferie du Parti vert, sept candidats ont réussi à se qualifier pour tenter de succéder à Elizabeth May.
Les candidats avaient jusqu’à mercredi soir pour loger leur premier versement de 1000 $ et les 100 signatures de membres, dont 20 jeunes, requises. Ils disposent de quelques jours de plus pour verser 9000 $ supplémentaires et jusqu’au 1er septembre pour accumuler la balance de 20 000 $. Ces frais d’entrée avaient été critiqués par certains candidats comme étant trop élevés. En 2006, les frais exigés étaient de 1000 $.
Le meneur présumé de la course est David Merner, un militant libéral de longue date qui a claqué la porte du PLC lorsque Justin Trudeau a acheté le pipeline Trans Mountain. M. Merner milite pour un recentrage du Parti vert afin de recruter des électeurs de tous les horizons politiques, pas juste ceux de gauche.
Une autre figure connue du milieu politique est Glen Murray, un ex-maire de Winnipeg et ancien ministre libéral ontarien. M. Murray propose notamment de rendre l’économie canadienne entièrement circulaire d’ici 20 ans. Ce politicien ouvertement gai s’est retrouvé dans l’eau chaude après avoir écrit sur les réseaux sociaux que la couleur de la peau ou l’orientation sexuelle ne devraient plus avoir de poids dans le choix d’un chef. Son propos a été interprété par certains comme une négation de la discrimination que les minorités vivent encore.
Il y a aussi dans cette course l’avocate internationale Annamie Paul, une femme noire militant pour plus de diversité et d’audace au Parti vert, et Amita Kuttner, une personne non-binaire d’origine asiatique et astrophysicienne axant sa campagne notamment sur la lutte aux discriminations systémiques.
Ces deux dernières candidatures ont reçu l’appui de la cheffe sortante, Elizabeth May. Mme May avait promis de rester neutre dans la course et prétend l’être encore, mais elle estime que les personnes racisées ont de moins bons réseaux et ont donc besoin d’un coup de pouce pour amasser des fonds lorsqu’elles se lancent en politique. Mme May a participé à plusieurs levées de fonds avec Annamie Paul déjà et accompagnera Amita Kuttner lors d’un événement à la fin du mois. Ces participations ont dérangé certains candidats s’estimant lésés, notamment David Merner.
Mme May a aussi parlé chaleureusement de Meryam Haddad, une avocate d’origine syrienne spécialisée en droit de l’immigration qui propose de camper le parti plus à gauche pour rallier les progressistes. Comme sa candidature n’a été confirmée que mercredi, on ignore encore si Mme May fera aussi campagne à ses côtés.
Enfin, il y a deux candidats du Québec dans la course, soit Dylan Perceval-Maxwell et Dimitri Lascaris. M. Perceval-Maxwell est un militant écologiste de la première heure, ayant ouvert des coopérations d’aliments biologiques dès le début des années 1990. Il s’était aussi fait connaître en roulant dans une voiture fonctionnant à l’huile végétale usagée à une époque où les biocarburants relevaient encore de la science-fiction. M. Lascaris, un avocat spécialisé dans les recours collectifs en matière de valeurs mobilières, pose comme un « éco-socialiste » voulant camper le parti résolument à gauche.
L’actuel chef du Parti vert du Québec, Alex Tyrrell, pourtant parmi les premiers à manifester son intérêt pour le poste de Mme May, a choisi de se désister de la course. Dans une longue lettre diffusée cette semaine, il explique son abandon par le sentiment que « l’ère Elizabeth May se poursuivra pour l’avenir prévisible ». M. Tyrrell estime que l’aide de la chef sortante à Annamie Paul et Amita Kuttner ainsi que la récente élection de son mari sur l’exécutif du parti assureront la main mise de Mme May sur la formation politique.
« Mme May et son entourage m’ont fait comprendre très clairement qu’ils feront tout ce qu’ils peuvent pour opposer ma candidature et mon programme politique qui vise à placer le parti à gauche, et qu’ils mineront vigoureusement mon leadership dans le cas où je remporte la course à la direction du parti », écrit M. Tyrrell. M. Tyrrell a été récemment contesté dans les rangs du Parti vert du Québec à cause de son attitude jugée trop autoritaire.
Mme May a rejeté ces allégations mercredi. « Ce n’est pas vrai. […] Je n’ai pas nommé mon mari. Il a été élu lors d’un processus démocratique au sein du parti. » Selon Mme May, Alex Tyrrell « ne comprend pas la structure du Parti vert et sa constitution ».
Les quelque 20 000 membres du Parti vert commenceront à voter pour leur nouveau chef le 26 septembre. Malgré la pandémie, il est encore prévu que le résultat soit divulgué lors du congrès devant se tenir à Charlottetown du 2 au 4 octobre.