Le virus Barrette

Le virus Barrette

Ex-coordonnateur de la Coalition solidarité santé.

Bonjour madame Lacoursière,

Je salue d’abord votre excellent travail journalistique depuis des années dans la couverture de ce qui se passe dans le réseau public de SSS.

Je veux seulement ici réagir à votre article de ce matin avec le Dr Barrette.

J’aurai toujours de la misère à comprendre qu’on aille demander à cet homme son avis sur ce qui ne fonctionne pas dans le réseau qu’il a démoli et refaçonné à sa façon. Demande-t-on au loup pourquoi le système de sécurité du poulailler qu’il a installé fonctionne mal? 

C’est comme demander à Donald Trump pourquoi la pandémie a déjà tué plus de 100 000 personnes aux É.-U., et qui en est responsable!

J’ai dénoncé cette attitude des médias il y a déjà un mois et demi en écrivant à votre collègue Patrick Lagacé. Dans les jours qui ont suivi, des journalistes de divers médias ont fini par soulever des questions sur le rôle de la réforme Barrette dans les difficultés, voire l’inefficacité, du réseau public de SSS à faire face à la crise de la COVID.

Peut-être est-ce la fameuse marotte journalistique qui veut qu’on donne la parole également aux deux parties qui vous a guidée. Malheureusement, ce ministre-docteur a eu la parole sur toutes les tribunes pendant quatre ans, et il a écrasé tout le monde, les a empêchés de parler, n’a écouté personne, citoyen.ne.s ou spécialistes, aucun des avis contraires à sa réforme, aucun des avertissements sur les dangers qui s’en suivraient, sur l’inefficacité que cela entraînerait, sur la lourdeur, etc. LUI seul savait, et à lire votre article de ce matin, LUI seul le sait encore!…

On ne peut que s’estimer chanceux que ce ne soit pas LUI qui soit encore en place. Pendant quatre ans, chaque problème ou mauvais fonctionnement relevé par des intervenant.e.s, par des groupes ou par des citoyen.ne.s qui usaient ou non des soins et services, n’engageait jamais sa responsabilité, toujours celle des autres, des syndicats, voire de l’opposition ou du gouvernement précédent qui avait duré 18 mois! LUI n’avait fait que de bonnes choses, que des choses correctes, sensées. Il aurait ajouté « extraordinaires » qu’on aurait pu échanger ses déclarations et ses Tweets avec ceux de Trump! D’ailleurs, il pratiquait au besoin les « faits alternatifs » !

Ça suffit!

On ne peut rien faire contre Trump: le monde entier doit souffrir tous ses mensonges, ses provocations et ses inepties, en espérant que le peuple américain finisse par comprendre et agisse au plus tard en novembre.

Mais on peut agir contre le Dr Barrette: de grâce, cessez de lui prêter votre micro, votre plume. Il nous a assez fait de mal en fragilisant au maximum notre réseau public de SSS, un réseau dont nous aurons encore beaucoup plus besoin dans la crise climatique qui s’avance à grands pas et qui nous fera souffrir.

D’ailleurs, ce qui est le plus grave, c’est que ça ne va pas s’arranger puisque la ministre actuelle, Danielle McCann n’a aucune intention de régler ce problème fondamental, ce qui a inspiré cette courte lettre d’opinion parue dans le Devoir du 27 mai par Denis Bourque, professeur à l’UQO:

« Structure et culture
La ministre Danielle McCann a déclaré dimanche à Tout le monde en parle qu’elle préférait s’attaquer à la culture plutôt qu’à la structure afin de régler les problèmes du réseau de la santé et des services sociaux. Malheureusement, il ne sera pas possible de faire une telle économie, car les structures déterminent directement les cultures dans les organisations. Les structures en place dans le réseau de la santé sont précisément celles qui génèrent une culture comme l’hypercentralisation (au lieu de la décentralisation), l’hospitalo-centrisme (au lieu de santé communautaire), la privatisation avec les groupes de médecine familiale et leurs transferts de travailleurs sociaux (au lieu du service public), la gouvernance autoritaire (au lieu de sa démocratisation avec la participation des usagers, citoyens, producteurs de services, partenaires et communautés territoriales au sein de conseils d’administration locaux). Si les structures avaient si peu d’importance sur la culture des organisations, pourquoi le Dr Barrette aurait-il mis autant d’énergie à les bouleverser en profondeur ? Il n’y aura pas de changement durable de culture sans transformation des structures malsaines qui régissent le réseau de la santé et des services sociaux. »

J’ose imaginer que vous avez peut-être écrit votre article par obligation, par demande de votre média ou de votre chef d’équipe de rédaction.

À la prochaine demande, faites-lui lire cette courte lettre-analyse.

Ou alors, trouvez-vous une excuse : un quelconque maudit virus, par exemple…

Bien à vous,

Jacques Benoit
Ex-coordonnateur de la Coalition solidarités

 

Crédit photo : Radio-Canada et Assemblée nationale du Québec

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