Par Jean-Luc Baslé – 26 mai 2020 – Source IVERIS
L’élection présidentielle américaine qui aura lieu en novembre, se déroulera dans un climat international tendu. Les médias n’y prêtent guère attention, préférant se concentrer sur la pandémie et ses conséquences. Ce faisant, ils ont peut-être donné l’impression aux lecteurs que les choses étaient calmes. Il n’en est rien. Qu’on en juge ?
Donald Trump a qualifié le Covid-19 de « virus chinois », accusation quelque peu surprenante et dangereuse quand les Américains sont dépendants à 80% des Chinois pour leur approvisionnement en médicaments et appareils hospitaliers. De son côté, la Chine a utilisé son expérience et ses stocks à des fins de propagande auprès des nations européennes pour tenter de les « découpler » des États-Unis.
Répondant aux pressions de Washington, Taiwan Semiconductor Manufacturing Company ne livrera plus de semi-conducteurs à Huawei – ce faisant les Etats-Unis touchent un nerf sensible de la Chine qui voit en Taiwan une province chinoise. Cela ne peut qu’aggraver une guerre froide sino-américaine larvée.
Des manifestations ont eu lieu à Hong Kong le 24 mai en réaction à la loi de « sécurité nationale » que Péking entend imposer à cette ville au statut bien particulier de cité internationale et chinoise à la fois.
Donald Trump a annoncé son intention de se retirer du traité « Ciel ouvert », entré en vigueur en 2002, au prétexte que la Russie n’aurait pas respecté ses engagements – accusation que la Russie réfute notant que les États-Unis n’ont fourni aucune preuve.
Fin avril, les États-Unis réaffirment leur intention d’accorder une part plus importante aux armes nucléaires à faible rendement dans leur stratégie de défense – politique que certains dénoncent comme une incitation à leur utilisation.
Après l’échec de la « Paix du siècle » de Jared Kushner, gendre de Donald Trump, la décision de Benjamin Netanyahu d’annexer la Cisjordanie – terre de 2,8 millions de Palestiniens et de 400.000 colons israéliens – ne peut qu’envenimer l’atmosphère dans la région.
L’Iran a lancé un satellite à 465 kilomètres dans l’espace.
Les États-Unis dépêchent une partie de leur flotte dans la mer des Caraïbes au motif que le Venezuela est engagé dans un trafic de narcotiques.
Les États-Unis s’apprêtent à intervenir militairement pour interdire aux pétroliers iraniens l’accès au Venezuela où sont stationnés des militaires russes.
Il n’est donc pas exagéré de dire que la tension sur la scène internationale s’accroît. Cet accroissement a lieu alors même que les scientifiques du Doomsday Clock (l’horloge apocalyptique) ont tenté en janvier dernier d’alerter l’opinion publique, les chefs d’état et de gouvernement de la dangerosité du monde dans lequel nous vivons en rapprochant l’aiguille de l’heure fatidique. Elle n’est plus qu’à 100 secondes de minuit – elle n’en a jamais été aussi proche depuis sa création en 1947 ! C’est dans ce contexte tendu que va se dérouler l’élection présidentielle américaine.
Or, les États-Unis sont au bord d’une crise économique d’ampleur doublée d’une crise politique sans précédent. Alors que l’économie donnait des signes de faiblesse dès septembre 2019, loin de prendre l’épidémie du coronavirus au sérieux, Donald Trump l’a ignorée. En conséquence, le chômage est passé de 3,8% à 14,7% en moins de deux mois, et le produit intérieur brut a accusé un déficit de 4,8% au premier trimestre. Compte tenu de l’évolution de l’épidémie, la performance de l’économie américaine ne peut que se détériorer dans les mois prochains et entraîner dans son sillage l’économie mondiale – elle-même fortement affaiblie par la pandémie. Le monde se rapproche donc d’une crise de type-1929, voire plus grave puisque toute l’économie mondiale sera concernée cette fois ce qui n’était pas le cas en 1929.
Politiquement, les États-Unis sont plus divisés que jamais. Russiagate s’effondre – il ne reste rien ou presque des accusations levées contre le président et ses acolytes, et le rôle supposé de la Russie. Plus grave, il apparaît qu’il s’agit d’une machination organisée au plus haut niveau de l’état alors que Barack Obama était président. Les « deplorables » d’Hillary Clinton tiennent leur revanche. Ils font profiter de l’élection présidentielle pour le faire savoir. Mais les choses sont loin d’être gagnées pour le camp républicain en raison de la personnalité du président sortant, de ses maladresses dans la gestion de la pandémie, et de l’effondrement brutal de l’économie.
Pour autant, les démocrates auraient tort de se réjouir trop vite. Ils sont aussi à la peine. Après avoir éliminé les candidats compétents, ils se trouvent collés avec un homme, Joseph Biden, « Joe » pour les intimes, connu pour ses bourdes à répétition. La dernière dans laquelle il accuse les noirs qui ont l’attention de voter pour Trump de ne pas être « noirs », pourrait lui coûter cher politiquement. Par ailleurs, le fameux « impeachment » mené tambour battant par Adam Schiff de la Chambre des représentants qui devait sanctionner Ukrainegate – une autre « affaire » dans laquelle aurait trempé Donald Trump – et le renvoyer à ses casinos et ses immeubles a fait « pschitt ». Il n’en plus question. Pire, l’inénarrable « Joe » est impliqué dans une troisième « affaire » aussi liée à l’Ukraine, une affaire de chantage. Il a reconnu avoir soudoyé Petro Porochenko, alors président de l’Ukraine, pour épargner à son fils une enquête judiciaire. Un vaudeville.
Ainsi donc, alors que la tension s’accroît sur la scène internationale, les Américains ont le choix entre un électron libre et un incompétent. Cela n’est pas de bon augure.
Ancien directeur de Citigroup New York, auteur de L’Euro survivra-t-il ? (2016) et du livre Le système monétaire international : Défis et perspectives, (1982).
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone