Ce portrait ( paru en juin 2018 dans Rébellion) donne des clés pour comprendre l’énigme Mélenchon.
Maître es-radicalité déclamatoire soutenu localement par les débris municipaux du stalinisme (il faut savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur), le candidat de la France insoumise (FI) Jean-Luc Mélenchon, a recueilli 19,58 % des suffrages exprimés lors du premier tour des élections présidentielles, coiffant au poteau les porte-drapeaux de Lutte ouvrière, du Nouveau parti anticapitaliste et du Parti socialiste (PS), respectivement crédités de 0,64 %, 0,83 % et 6,36 % des voix.
Alors que la presse du Système, du Figaro à L’Humanité – quotidien le plus subventionné par l’État capitaliste français – ne cesse de l’attaquer ad hominem (écran de fumée pour masquer les idées qu’il défend), ce sont précisément ces dernières qui nous intéresse. D’abord, leur origine. Ensuite, leur actualité à travers des extraits (succincts, faute de place) de deux textes. Premièrement, son autobiographie parue en septembre 2016 : Le choix de l’insoumission1. Deuxièmement, le programme de la FI paru au trimestre suivant2.
Un néo-lambertiste
En politique, davantage peut-être que dans d’autres domaines, il faut se méfier des apparences. Pour preuve cette déclaration, que de prime abord on pourrait penser extraite d’un récent document du Parti de gauche ou de la FI : « Il combat pour la reconnaissance de la lutte des classes, pour la laïcité de l’école et de l’Etat, pour l’abrogation des institutions antidémocratiques de la cinquième république et pour l’indépendance réciproque des partis et des syndicats ». Exhumée par Karim Landais dans le cadre du séminaire Approches sur la sociologie et l’histoire des trotskistes organisé par l’Institut d’histoire contemporaine UMR CNRS 5605 de l’université de Bourgogne, elle a pour origine la charte de fondation à Paris, les 10 et 11 novembre 1991, du Parti des travailleurs (PT) de Pierre Boussel dit Lambert, qui entendait également porter le fer « pour la convocation d’une Assemblée nationale constituante (…)3. » On ne saurait expliquer la parfaite concordance entre ce programme vieux d’il y a vingt-six ans (vingt-six ans) et les déclarations de Jean-Luc Mélenchon, sans revenir sur son parcours politique. Inscrit à l’université de Besançon à l’automne 1969, il adhère à l’Union nationale des étudiants de France, rejoint l’Organisation communiste internationaliste (OCI) de Pierre Boussel dit Lambert et s’initie au marxisme en lisant L’Idéologie allemande, ouvrage que Marx et Engels avaient, comme il le rappelle à juste titre, abandonné « à la critique rongeuse des souris ». De 1972 à 1979, sous le pseudonyme Santerre (du nom d’un général de division sous la Révolution française), il aurait dirigé la section bisontine de l’OCI4. Le doute est néanmoins permis, puisque l’intéressé déclare dans son autobiographie avoir rejoint le PS dès 1977. Difficile de faire la lumière sur cet épisode : il peut s’agir d’une erreur typographique (d’autres sources parlent du mois de septembre 1976) ou d’entrisme, conformément à une pratique fort répandue chez les lambertistes5. De même que les disciples de Pierre Lambert ont toujours avancé masqués, ils ont toujours été farouchement antistaliniens, quitte à nouer des alliances contre-nature pour contrer l’influence du Parti communiste français (PCF)6. Or, de son propre aveu, lors du congrès du PS organisé à Metz en 1979, Jean-Luc Mélenchon prit fait et cause pour…François Mitterrand, lequel se présentait comme un ardent défenseur du Programme commun, mais devait, par la suite, déployer quantité d’astuces pour marginaliser le PCF.
Débute alors une longue, très longue, très très longue carrière même, chez les « socialistes » : ni le tournant de la rigueur (1983), ni le Traité de Maastricht (1992), ni même le référendum français sur le traité établissant une constitution pour l’Europe (2005) ne l’inciteront à claquer la porte : l’homme, malin, opiniâtre, attend qu’une fenêtre de tir lui soit offerte.
Le 16 janvier 2008, Pierre Lambert rend son dernier souffle. Le PT – qui avait une audience certes faible, mais réelle –, ne lui survit qu’un semestre. Six mois plus tard, le 1er février 2009, Jean-Luc Mélenchon annonce la création du Parti de gauche. Sans céder aux sirènes de l’hypercritique (causalités fictives), on est en droit de s’interroger quant à la succession de ces micro-événements, d’autant que l’intéressé déclare avoir été « obnubilé par la forme du Parti des travailleurs au Brésil », organisation dirigée par Luis Inácio da Silva qui faisait figure de modèle pour les lambertistes7.
Ce qui, in fine, distingue Pierre Lambert de Jean-Luc Mélenchon, ce n’est pas le fond (leur programme est identique), mais la forme. Tous deux ont manœuvré contre le PCF et le PS. Le premier était un homme de l’ombre, un spécialiste du jeu à trois bandes diffusant ses idées via des réseaux d’influence, notamment au sein du Grand orient de France (GODF)8. Quant au second, il a choisi de jouer la carte des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.) et des mass medias.
Mais Jean-Luc Mélenchon n’est pas qu’un néo-lambertiste : c’est aussi un passeur d’idées d’un genre un peu particulier.
Un universaliste
Dès les premières pages de son autobiographie, le Grand insoumis, né le 19 août 1951 à Tanger, « entre deux caps, le cap Spartel, qui donne sur l’Atlantique, et le cap Malabata, sur la Méditerranée », dresse un parallèle entre sa jeunesse et celle de l’Europe (sa vie épouse le sens de l’Histoire). Réitérant avec aplomb les propos qu’il avait tenus à Marseille sur la plage du Prado le 14 avril 2012, il déclare à son interlocuteur, le doctorant en sociologie et journaliste Marc Endenweld, que les Arabes se sont penchés avec bienveillance sur le berceau du nouveau-né européen et lui ont généreusement tendu un biberon comprenant « (…) la science, les mathématiques, tout ça… ». Et de conclure, péremptoire, qu’il n’y aurait « (…) pas d’avenir possible pour la France sans les Arabes et les Berbères. »
Que le fondateur de la FI fasse des yeux de Chimène aux ressortissants de la terre qui l’a vu naître, c’est, disons, son droit (il a le mal du pays), mais puisqu’il adopte volontiers un ton professoral, on nous permettra ici de faire de même. Ne lui en déplaise, Pythagore était grec. Quant aux prétendus « chiffres arabes », ils sont d’origine indienne. Philosophe de formation, et non historien, l’homme serait bien avisé de jeter ne serait-ce qu’un œil à Aristote au mont Saint-Michel : les racines grecques de l’Europe chrétienne9.
Comme l’écrit l’éditeur – crypto-fasciste à n’en pas douter – du médiéviste Sylvain Gouguenheim : « Si le terme de « racines » a un sens pour les civilisations, les racines du monde européen sont donc grecques, celles du monde islamique ne le sont pas. »
Avec force malice et un brin d’ironie, on serait presque tenté de déceler dans la prose du Grand insoumis une allusion à la conquête de la péninsule ibérique par le califat omeyyade en 711. Las, Jean-Luc Mélenchon a fort peu d’humour.
Certes, le monde arabe a connu un âge d’or entre les VIIIe et XVe siècles, mais (détails d’importance) au Proche-Orient avec des érudits tels que les frères Banou Moussa ou le polymathe Abū al-‘Iz Ibn Ismā’īl ibn al-Razāz al-Jazarī, et non au Maghreb. C’est donc à dessein, par calcul électoral, que le candidat de la FI dont les racines plongent en terre arabo-musulmane, fait mine d’ignorer que les « Arabes éducateurs de l’Occident », n’étaient ni des candidats au Revenu de solidarité active, ni des chômeurs algériens, marocains ou tunisiens attablés des heures durant à la terrasse des cafés en misant sur la barakah via la Française des jeux10. Las, gageons que pour lui, tout cela n’est que vétilles : la France, qui déjà avait un passé arabe – il l’a dit et répété – n’a aucun avenir sans arabité11.
Par un saisissant phénomène de transfert, le Grand insoumis évoque ensuite les youyous de sa progéniture Maryline Camille, qui aurait – curieux atavisme – quelque esprit tangerois dans les veines, déclarant de façon faussement anecdotique : « (…) dans la foule, on entend monter des youyous (…). Le plus beau moment, c’est quand je baisse les yeux, et que, parmi les gens qui youyoutaient, il y avait ma propre fille, qui n’a jamais vécu un seul jour de sa vie, sinon en vacances, en Afrique du Nord12. »
S’il va de soit, en tant que socialistes ethno-différencialistes, que les borborygmes des Français administratifs et des européens enamourés du monde arabe nous laissent de marbre, le fait que le leader de la FI s’enthousiasme de la nord-africanisation de sa descendance nous interpelle.
Connaissant depuis plusieurs années déjà les identitaires « radicaux » de « droite », nous assistons sans surprise à l’avènement des post-identitaires « radicaux » de « gauche ». Les premiers, on le sait, n’ont que faire de la lutte des classes et sont mus par le syndrome d’Astérix. Quant aux seconds, tonitruants sur la question du peuple jusqu’à la caricature, leur pensée est ainsi résumée par Jean-Luc Mélenchon : « L’universalisme est (…) un acte de foi contre (souligné par nous) l’évidente diversité13. »
Un acte de foi. Autrement dit une arme idéologique brandie tel un bouclier pour parer les mauvais coups du Réel. Or, cette arme, Jean-Luc Mélenchon la tient du GODF. Si son ex-mentor entretenait des relations avec les loges, lui en est membre14. Rien d’étonnant donc à ce qu’il fasse si souvent référence à des penseurs de la Révolution française (Stanislas de Clermont-Tonnerre, etc.) puisque la devise de la République, « Liberté, égalité, fraternité », est celle du GODF (même si contrairement à ce qu’affirmait l’abbé Augustin Barruel, les loges n’ont nullement fomenté de complot contre l’Ancien régime).
Le Grand insoumis apportera d’ailleurs une nouvelle preuve de sa religiosité en déclarant le 9 octobre 2016 sur la chaîne télévisée Toute l’histoire à propos de la Révolution française : « Elle accouche de principes qui permettent à l’humanité universelle de communier dans une unité républicaine (souligné par nous). Vous voyez, j’en suis tout rempli encore. »
En toute honnêteté, nous éprouvons quelque difficulté à imaginer un ingénieur allemand de Stuttgart « communier dans une unité républicaine » avec un berger de Tanzanie, mais passons.
Au cours de cet entretien avec Marc Endeweld, le Grand insoumis apporte des précisions quant à la genèse de son projet politique : « Emerge l’idée qu’il y a cet acteur spécifique dans l’histoire de notre temps qu’on appelle « le peuple ». Ce n’est pas une euphémisation d’un mot difficile à assumer, comme prolétariat ou classe ouvrière (c’est nous qui soulignons, NDLR). On ne peut pas dire que ce sont les salariés qui se mettent en révolution, auxquels on ajoute d’autres catégories satellites. Non, ce n’est pas cela. Ils se perçoivent en tant que peuple et non en tant que salariés. Dans leur dynamique révolutionnaire, les Vénézuéliens se constituent d’ailleurs en comités de quartiers et cette forme d’organisation spontanée se reproduit dans tous les processus révolutionnaires de notre époque. Ces invariants nous intéressent. Nous avons commencé à faire le tour de l’Amérique latine, et à emprunter à chaque pays. C’est de l’Equateur que j’ai tiré le concept de « révolution citoyenne ». C’est le mot d’ordre de Rafael Correa. » « (…) il applique la stratégie révolutionnaire de la Constituante. Pour que les choses soient claires, il installe le siège de la Constituante à un autre endroit que la capitale. Commence alors un immense mouvement de gens qui vont en délégations, en processions, vers le lieu de la Constituante pour présenter, exactement comme en France en 1789, les demandes, les pétitions15. »
Jean-Luc Mélenchon fait mine d’oublier une chose essentielle : si les Vénézuéliens se « perçoivent en tant que peuple et non en tant que salariés », c’est qu’ils vivent dans un pays dominé par l’impérialisme étasunien. Ce qui n’est pas, loin s’en faut, le cas de la France16.
Par ailleurs, l’assemblée constituante étant son alpha et oméga, rappelons que notre pays a déjà expérimenté ce système à trois (trois !) reprises (du 17 juin 1789 au 30 septembre 1791, du 4 mai 1848 au 26 mai 1849 et du 12 février 1871 au 7 mars 1876) sans que ne soit mis fin à l’exploitation des travailleurs par les capitalistes. Il est vrai que pour le Grand insoumis – pour qui « prolétariat » et « classe ouvrière » sont des mots difficiles à assumer – là n’est pas la question. Ce qui compte, ce n’est pas l’exercice du pouvoir par les travailleurs, mais le droit à la parole pour le peuple, en clair que ce dernier présente poliment ses doléances à l’Etat, de la même façon que le chien remue la queue pour que son maître le sorte avant qu’il ne regagne sa niche. Ce qu’entend négocier Mélenchon (avec le patronat comme avec l’Europe de Bruxelles), c’est la longueur de la laisse. Le programme de la FI – que seule une minorité de ses électeurs a dû lire – est on ne peut plus clair.
Un para-syndicaliste
Comme tout document de cette nature, il est surtout intéressant par ce qu’il ne dit pas. Or, la grande inconnue de ce texte est – pour emprunter un concept à Karl Marx – la superstructure. Inutile de chercher : on n’y trouvera aucune occurrence du mot « Etat ». La question du pouvoir (quelle classe sociale décide au sommet ?) est éludée. Par contre, il nous est donnée à lire une foisonnante liste de propositions, assez précises, quant à l’infrastructure (conditions de production, forces productives et rapports de production) dans une optique para-syndicale de « gauche ».
On lit ainsi page 7 : « Interdire les licenciements boursiers ». Quid des salariés « simplement » mis à la porte parce que leur patron a décidé de délocaliser « son » entreprise dans un pays tiers ? C’est simple : qu’ils se débrouillent, en prenant garde de rester dans le droit chemin. En cas contraire, ils seront ravis d’apprendre page 8 que l’« augmentation des effectifs des agents pénitentiaires » garantira « la dignité en prison » (on sent bien que les rédacteurs du programme se sont mordus les lèvres pour ne pas écrire les mots « bien-être » ou « confort »). A moins qu’ils ne commettent des larcins qui, finalement – gauchisme/libéralisme obligent – ne relèvent que des « droits individuels à conquérir » comme la liberté de se droguer. Autre proposition qui figure d’ailleurs quelques lignes plus loin : « Mettre fin au tout carcéral par des peines alternatives ». En clair, il faut supprimer de la liste des infractions sanctionnées par des textes – forcément attentatoires aux libertés – les comportements qui relèvent de choix personnels. Et la FI d’enfoncer le clou par cette proposition : « Désencombrer l’action policière par la légalisation du cannabis et le contrôle de la vente par l’Etat ». Gageons que cette mesure devrait permettre à de sympathiques « jeunes des cités » d’envisager plus sereinement l’avenir via un nouveau type de commerce – équitable, cela va de soit – et ravir le Syndicat de la magistrature17.
Fermons cette parenthèse pour revenir aux travailleurs qui ne feraient pas l’objet d’un licenciement boursier. Page 53 de son programme publié aux Editions du Seuil, la FI dresse ce constat : « 85 % des contrats signés sont aujourd’hui des contrats précaires (CDD, intérim, etc.). Sans compter les temps partiels contraints, quasi exclusivement occupés par des femmes, qui ne permettent pas une paye suffisante pour vivre dignement. Cette vision jetable des salariés dévalorise le travail, nie les métiers et les savoir-faire. C’est humainement destructeur et économiquement nuisible. » Et que préconise cet « extrémiste » et ce « révolutionnaire » que serait Jean-Luc Mélenchon ? Il faut (entre autres mesures) « instaurer un quota maximum de contrats précaires dans les entreprises », « faciliter la requalification en contrat de travail salarié des auto-entrepreneurs à client unique et des collaborateurs exclusifs des plateformes dites collaboratives (Uber…) » et« régulariser les travailleurs sans-papiers pour assurer l’égalité sociale entre travailleurs ».
Vous avez bien lu : il ne s’agit nullement d’interdire les contrats précaires et l’ « ubérisation » (du reste dissociés par la FI), mais simplement d’encadrer leur recours par les entreprises. Quant à ceux qui se sont installés ou se sont maintenus illégalement sur le territoire national après l’expiration de leur titre de séjour, ils se verront – version moderne du tonneau des Danaïdes – accueillis à bras ouverts.
Sur le plan économique stricto-sensu, Jean-Luc Mélenchon (page 10 de la version numérique de son programme) se fait le chantre de propositions assez surprenantes, telles que la « séparation des banques d’affaires qui spéculent et des banques de détail qui aident aux investissement dans l’économie réelle ». Cela revient à dire qu’il existerait de mauvais capitalistes et des « capitalistes citoyens » qui tirent profit du travail d’autrui mais dans des proportions raisonnables. Souhaitant ardemment moraliser la finance (et non combattre le capitalisme puisqu’il n’est pas anticapitaliste), le Grand insoumis estime qu’il est vital de « contrôler les mouvements de capitaux pour terrasser la fraude et l’évasion fiscales et empêcher les attaques spéculatives » : autant demander à des lions de devenir végétariens…
C’est ce même Jean-Luc Mélenchon, beaucoup moins véhément, qui entend, page 15, non pas supprimer, mais « réduire la TVA sur les produits de première nécessité ». Sans doute la suppression de cet impôt inique est-elle au-delà de ses capacités de « révolutionnaire »…
Néo-lambertiste, universaliste, le Grand insoumis est aussi altermondialiste : il faut « adhérer – nous dit-il page 21 – à la banque de développement des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et bâtir une nouvelle alliance (…). » En clair, il faut devenir altercapitaliste, c’est-à-dire établir des passerelles avec les pays où le capitalisme est en phase de développement afin que l’économie française tire demain son épingle du jeu.
Un ennemi de l’Europe réelle
Ceux qui se sont laissés berner par ce beau parleur doivent ouvrir les yeux. Tout comme il y a des idiots utiles, il y a des ennemis utiles. Jean-Luc Mélenchon est l’un deux : il nous a certes rendu service en néantisant un peu plus le Parti des crapules et des fourbes et en contribuant à l’émiettement du PS, bref en blessant (mortellement ?) des formations nuisibles aux intérêts des travailleurs Français. Nous lui savons gré du travail accompli. Comme le disait un célèbre moustachu : « C’est de l’intérieur que les forteresses s’enlèvent le plus facilement ». Pour autant, nous ne sommes pas dupes : si certaines propositions de son mouvement (rejet des traités CETA, TAFTA et TISA, sortie de l’OTAN, etc.) vont dans le bons sens, elles n’ont qu’une seule fonction : hameçonner des électeurs.
Fort de quarante ans de vie politique, c’est-à-dire d’alliances et de blabla, quand d’autres suent sang et eau pour « gagner leur vie », Jean-Luc Mélenchon est avant tout un stratège, un calculateur avide de pouvoir qui n’a pas hésité, et ce dès l’automne 2017, à tendre la main au candidat du PS Benoît Hamon.
Répétons-le : le Grand insoumis est un ennemi. Ni de l’Europe de Bruxelles, ni du Capital, mais de l’Europe réelle et des travailleurs Français.
Il n’y a dès lors qu’une seule alternative pour ceux qui veulent rompre avec l’Europe de Bruxelles, mais sont rebutés par la réaction lepéniste : travailler à un projet de société conciliant patriotisme et socialisme.
Franck Canorel
Note :
1MELENCHON J.-L., Le choix de l’insoumission. Entretien biographique avec Marc Endeweld, Paris : Editions du Seuil, 2016, 373 p.
2MELENCHON J.-L., L’avenir en commun. Le programme de la France insoumise et Jean-Luc Mélenchon, Paris : Editions du Seuil, 2016, 128 p.
3LANDAIS K., De l’OCI au Parti des travailleurs. Analyses et interviews d’ex-militants trotskystes « lambertistes », Paris : Ni patrie ni frontières, 2013, 2e édition, p. 531
4THIERRY M., Cinq hommes dans la vie de Mélenchon, Le Nouvel observateur, 15-21 décembre 2011, n° 4458, pp. 52-58
5CAMPINCHI P., Les lambertistes : un courant trotskiste français, Paris : Balland, 2000, 329 p.
6Ils sont par exemple syndiqués à Force ouvrière, bien que cette organisation ait été créée, pour affaiblir la CGT, avec l’appui financier et logistique d’Irving Brown, membre de la CIA et dirigeant de l’American Federation of Labour – Congress of Industrials Organisations.
7MELENCHON J.-L., opere citato, p. 269
8CHARPIER F., Histoire de l’extrême gauche trotskiste de 1929 à nos jours, Paris : Editions n° 1, 2002, pp. 333-340, XXe siècle
9GOUGUENHEIM S., Aristote au mont Saint-Michel : les racines grecques de l’Europe chrétienne, Paris : Editions du Seuil, 2008, 288 p. L’Univers historique
10Si un lecteur peut nous apporter la preuve – si ténue soit-elle – que les découvertes et inventions des Français comme Nicolas Joseph Cugnot (1725 – 1804), les frères Montgolfier, Joseph Nicéphore Niépce (1765 – 1833), Louis Pasteur (1822 – 1895), Louis Lumière (1864 – 1948) ou encore Etienne Oehmichen (1884 – 1955), à savoir l’automobile, la montgolfière, la photographie, la vaccination contre la rage, le cinéma ou l’hélicoptère, doivent quelque chose aux Arabes, qu’il nous la communique sans tarder.
11Ironie de l’histoire, ceux qui jadis aspiraient à l’indépendance, veulent aujourd’hui un visa pour l’ancienne puissance coloniale…
12MELENCHON J.-L., op. cit., p. 43
13Ibid., p. 49
14ALEMAGNA S., ALLIES S., Mélenchon le plébéien, Paris : Editions Robert Laffont, 2012, 378 p.
15MELENCHON J.-L., op. cit., pp. 276-277
16Un ancien militant de Jeune Europe nous fait savoir que cette analyse doit être nuancée, notamment au regard de l’accord Blum-Byrnes de 1946 sur la diffusion des films américains et du Plan Marshall de 1947. Il conviendrait en effet de creuser la question de l’impérialisme culturel, de la seconde guerre mondiale (Coca-cola et rock’n’roll) à aujourd’hui (fast food et rap).
17Mis sur orbite à la suite des événements de mai 1968, le Syndicat de la magistrature est une organisation gauchiste. Un de ses fondateurs, le substitut du procureur de la République de Marseille Oswald Baudot, signera en août 1974 un texte demeuré célèbre, Harangue à des magistrats qui débutent, dans lequel on lit : « Ayez un préjugé favorable pour (…) le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »
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