Les directives suédoises sur la façon de traiter les personnes âgées de Covid-19 ont causé un nombre considérable de morts
Par Jon Tallinger, médecin suédois et militant des droits de l’homme.
Source : RT, le 28 mai 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
L’absence d’une stratégie cohérente en Suède pour traiter le coronavirus a causé des souffrances inutiles chez les personnes âgées, et les médias ne semblent pas disposés à dénoncer les échecs.
Début avril, dans une interview accordée au journal Svenska Dagbladet, le Premier ministre Stefan Lofven a admis que « La Suède n’a pas réussi à protéger ses personnes âgées ». Il a demandé au pays de se préparer à des milliers de décès dus au Covid-19, une prévision qui s’est malheureusement réalisée.
PAYS | Total des cas | Total des décès | Cas par million d’habitants | Décès par million d’habitants | Population |
Suède | 37 113 | 4 395 | 3 677 | 435 | 10 093 745 |
Norvège | 8 435 | 236 | 1 557 | 44 | 5 417 490 |
Finlande | 6 826 | 316 | 1 232 | 57 | 5 539 987 |
Danemark | 11 633 | 571 | 2 009 | 99 | 5 790 443 |
France | 186 835 | 28 714 | 2 863 | 440 | 65 261 155 |
Etats-Unis | 1 797 044 | 104 633 | 5 432 | 316 | 330 832 890 |
Brésil | 468 338 | 27 944 | 2 205 | 132 | 212 426 274 |
Statistiques du Covid-19 au 30 mai 2020, qui montrent que la Suède a près de 10 fois plus de décès par million d’habitants que ses voisins scandinaves qui ont confiné leur population. Les seuls pays qui ont plus de décès au million d’habitants que la France sont la Belgique, l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Italie (ainsi que les principautés de Saint-Marin et d’Andorre).
La déclaration du Premier ministre m’a attristé. En tant que médecin, je fais de mon mieux pour protéger mes patients, quel que soit leur âge. Mais je ne peux pas tolérer les directives officielles émises sur la façon de protéger les personnes âgées.
26 mai : La #Suède a le plus grand nombre de décès quotidiens confirmés dus au #Covid19 par habitant en Europe, sur une période continue de 7 jours. Et elle occupe la deuxième place au monde, près du Brésil. L’Immunité de groupe ne fonctionne pas, Tegnell [épidémiologiste d’Etat suédois].
Le monde entier devrait connaître ces directives, car elles donnent un aperçu de ce qui s’est passé en Suède en ce qui concerne les soins aux patients atteints de Covid-19.
En essayant de comprendre ce qui s’est passé, il est également important que les gens sachent qu’il existe une certaine éthique primaire que les médecins jurent de ne jamais violer lorsqu’ils traitent les patients, afin de respecter leur dignité d’êtres humains.
Il y a une perspective adéquate pour les connaissances médicales, et c’est pourquoi, par exemple, je refuse de « planifier les soins » des 2000+ patients qui sont sous ma supervision. Ils me font confiance pour faire tout ce que je peux pour leur sauver la vie. C’est pourquoi je trouve les directives suédoises absolument odieuses.
Les directives me demandent essentiellement de me débarrasser de toute personne malade. Est-il éthique de demander aux médecins de prescrire d’abord de la morphine plutôt que de l’oxygène ? Est-il éthique de refuser l’oxygène aux patients âgés dans la plupart des situations ? Comment vous sentiriez-vous en apprenant que vos parents en EHPAD ne recevront pas de soins critiques, ni de soins curatifs, ni d’oxygénothérapie, car ils sont jugés quantité négligeable ? Pourquoi est-ce le cas ? La Suède ayant cinq usines produisant de l’oxygène, l’approvisionnement en oxygène en dehors d’un hôpital ne devrait pas être un problème.
Laisser les personnes âgées mourir
Des histoires d’horreur se sont déroulées à travers le pays. À l’hôpital universitaire Karolinska de Stockholm, un médecin a déclaré au quotidien Dagens Nyheter que le triage était devenu si difficile que « nous sommes obligés de laisser des patients mourir sous nos yeux ».
Un autre journal suédois, Aftonbladet, a vu des documents officiels ordonnant que les patients âgés de 60 ans et plus souffrant de multiples affections, et tous ceux âgés de plus de 80 ans, se voient refuser les soins intensifs, même si la Suède a apparemment beaucoup de lits en soins intensifs.
Et il existe de nombreuses preuves anecdotiques d’un nombre inacceptable de décès survenus sans assistance médicale. Quelle est la stratégie derrière cela ?
Même l’approche de base est confuse. L’épidémiologiste d’État suédois en chef, Anders Tegnell, a déclaré que l’immunité collective n’est pas une politique mais un statut réalisable, bien que l’Organisation mondiale de la santé se soit déclarée très sceptique quant à une telle stratégie. Pourtant, Tegnell a déclaré : « Nous voulons que le moins de personnes possible soient infectées, à un rythme lent, afin que le système de santé puisse faire face. »
De plus, le port de masques, de gants ou d’autres équipements de protection en public n’a pas été recommandé.
Tragédie des victimes
C’est seulement lorsque vous entendez les histoires des victimes que l’ampleur de ce scandale est vraiment apparente. Eva Alinder, 96 ans, est décédée en EHPAD parce que le personnel a refusé de l’emmener à l’hôpital. On a dit à sa fille Catharina qu’Eva était « trop vieille ».
On l’a laissée étouffer, agonisant toute la nuit, jusqu’à sa mort. Le seul personnel de traitement offert était une aspirine et le fait de laisser la fenêtre ouverte. Sa fille a essayé de la faire tester pour le Covid-19, mais cela ne s’est pas produit parce qu’il n’y avait ni temps ni personnel disponibles. Pour ajouter l’affront à la blessure, Eva ne sera même pas incluse dans le bilan suédois de Covid-19, car elle n’a pas été hospitalisée [rappelons qu’en France, fin avril, l’Ordre des médecins estimait à 9000 le nombre de décès covid-19 à domicile, donc non inclus dans les statistiques officielles].
Catharina a déclaré : « Ils ont laissé ma mère souffrir pendant tant d’heures sans oxygène, sans être admise à l’hôpital. Elle a travaillé toute sa vie, payé des impôts, et voici les remerciements qu’elle a reçus. Elle était à 60% de sa capacité respiratoire. C’était horrible pour moi et ma sœur de la voir souffrir durant ses dernières 24 heures. »
Hanna Altinsu, 81 ans, n’avait pas de problèmes de santé sous-jacents, mais quand elle a attrapé le Covid-19 et que ses symptômes ont empiré, on lui a refusé des soins respiratoires malgré les lits de soins intensifs disponibles à l’extérieur de Stockholm. La Turquie a même transporté par avion Emrullah Gulusken, un citoyen de 47 ans, plutôt que de le laisser soigner en Suède.
Pour avoir une idée encore plus claire de ce qui s’est passé, j’ai interviewé Latifa Lofvenberg pour un témoignage, que j’ai partagé sur ma chaîne Youtube. Latifa est une infirmière qui travaillait dans un EHPAD financé par le gouvernement à Gävleborg, mais en a été licenciée car elle a parlé publiquement de ce qu’elle y a vu.
Elle a raconté que des personnes âgées étaient laissées étouffer à mort pendant des jours et qu’elle avait reçu pour instruction d’administrer de la morphine et un relaxant musculaire, le midazolam, qui aident à soulager l’anxiété pendant que les patients suffoquent lentement.
Si un patient âgé perd finalement le combat contre le Covid-19, je pense qu’il est beaucoup plus humain de le laisser mourir de narcose due au dioxyde de carbone après avoir fait de notre mieux pour le sauver, plutôt que de recourir principalement à la morphine qui entraîne des complications respiratoires, tout en leur refusant l’oxygène.
Donc lorsque nos politiciens disent qu’ils ont fait tout ce qui est imaginable pour réduire le nombre de décès, c’est un mensonge flagrant.
Un silence médiatique assourdissant
Ce qui est également clair, c’est que signaler les manquements n’est pas bienvenu. Les scientifiques qui critiquent de manière pertinente des éléments de la stratégie de la Suède ont été écartés par les principaux médias. Au lieu de répondre à leurs critiques, les médias les ont même appelés des saboteurs de la nation.
Ces universitaires ont été contraints de se tourner vers des médias internationaux pour se faire entendre. Par exemple, le professeur Cecilia Soderberg-Naucler, chercheur en immunologie virale à l’Institut Karolinska, a dû se tourner vers The Guardian. Le professeur émérite d’épidémiologie des sciences publiques, Marcello Ferrada de Noli, a publié ses articles d’opinion critiques sur le traitement des personnes âgées sur RT.com.
L’épidémiologiste d’État norvégien, Frode Forland, a confirmé que les médias suédois ne semblent pas intéressés par la publication d’avis critiques approfondis sur la stratégie de la Suède. Il a expliqué son expérience avec les médias suédois : « J’ai été interviewé par plusieurs d’entre eux, et ils posent tous des questions sur les éléments qui soutiennent la stratégie de la Suède. C’est comme s’ils voulaient soutenir leur propre gouvernement, mais la Suède va à l’encontre du monde entier à ce sujet. »
Je suppose que c’est pour cette raison que les experts suédois en virologie se sont sentis obligés de ne parler des actes épidémiologiques d’Anders Tegnell que dans un fil de discussion privé, plutôt que de rendre leurs opinions publiques.
La vérité est que le Covid-19 n’est pas une maladie mortelle. Il est traitable et non insoluble dans les pays du premier monde, malgré l’absence de vaccin. Il ne doit pas devenir une condamnation à mort pour les personnes âgées. La vie des gens n’est pas des statistiques, des extraits sonores ou des expériences. Quels sont les taux de mortalité réels de la Suède ? Et l’immunité collective par les infections naturelles est-elle la méthode à suivre?
Le nombre le plus élevé de décès de Covid-19 par habitant en Europe et l’approche actuelle du traitement des personnes âgées en Suède ne sont pas des chiffres dont on peut être fiers. En fait, cette réalité devrait être condamnée haut et fort.
Mon métier est de sauver des vies, pas de sauver des (hommes) politiques. Mais confronté à ces horribles vérités, je ne peux pas sauver des vies à moins que quelque chose ne change de façon urgente et complète. En dénonçant les politiques en vigueur dans les EHPAD du pays et en tenant pour responsables ceux qui commettent des violations criminelles des droits de l’homme par le biais de ces directives absurdes, nous pouvons aider tout le monde en Suède.
***
Le traitement honteux des personnes âgées est une preuve supplémentaire que la Suède a tout faux dans sa stratégie anti-Covid-19
Par Marcello Ferrada de Noli, professeur suédois émérite des sciences de la santé publique, spécialité épidémiologie, et ancien chercheur à l’Ecole médicale de Harvard.
Source : RT, le 19 mai 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Avec un taux de mortalité dû au coronavirus qui figure parmi les pires au monde, et de choquantes histoires de négligence qui émergent des EHPAD du pays, les dirigeants politiques et sanitaires de la Suède ont beaucoup de comptes à rendre.
L’une des caractéristiques les plus notables de la pandémie de Covid-19 a été la manière dont les pays du monde y ont réagi. Cela a évidemment abouti à des résultats différents. Certains pays se sont relativement bien débrouillés. D’autres beaucoup moins. Et certains, comme la Suède, ont vécu des moments terribles.
Le 14 mai, la Suède a atteint le record peu enviable d’avoir le plus grand nombre de décès quotidiens confirmés de Covid-19 par habitant signalés sur une période continue de sept jours.
L’épidémiologiste en chef de l’agence de santé publique suédoise Anders Tegnell a admis qu’un nombre de morts aussi élevé était « horrible », un changement radical de cap depuis le début de la crise, lorsqu’il a affirmé que le décompte des corps n’était peut-être « pas la chose la plus importante ».
Ces résultats proviennent, rappelez-vous, d’un pays qui visait l’immunité collective et, selon son ambassadrice aux États-Unis, Karin Ulrika Olofsdotter, pensait qu’elle pourrait être atteinte au cours du mois de mai à Stockholm.
Malades et mourants
Outre le nombre dramatique de décès, ce qui émerge en Suède est un catalogue affreux de soins de santé inappropriés fournis aux personnes âgées, les malades et les mourants se voyant refuser des ressources qui devraient être largement disponibles.
Il convient de noter que 90% des décès totaux dus au Covid-19 dans le pays sont des personnes âgées de 70 ans et plus, et que la moitié de ces décès sont survenus dans des EHPAD. Il y a, par exemple, un cas faisant l’objet d’une enquête du procureur, à savoir un foyer de soins à Stockholm où plus d’un tiers des personnes âgées qui y vivaient seraient décédées après que le coronavirus s’y soit déchaîné.
Dans un article intitulé Le traitement des personnes âgées et vulnérables de la Suède est une « catastrophe », le Telegraph britannique rapporte l’histoire d’un politicien local de Stockholm, Bjorn Branngard, qui a reçu un appel de l’infirmière en charge du foyer de soins où se trouvait sa mère. L’infirmière lui a demandé s’il accepterait que sa mère soit déplacée dans une autre section. « Pourquoi ? » s’enquit Branngard. « Parce que il n’y a qu’elle et une autre personne qui sont toujours en vie. Tous les autres sont morts », a-t-elle déclaré. Finalement, sa mère est également décédée quelques jours plus tard, a indiqué le rapport.
À leur crédit, certains agents de santé sont prêts à s’exprimer sur le traitement choquant réservé aux personnes âgées. Comme je l’ai signalé dans The Indicter, l’infirmière titulaire Latifa Lofvenberg a été témoin du décès de nombreux patients vivant en EHPAD et a expliqué qu’on leur a refusé de l’oxygène pour soulager leurs problèmes respiratoires, entraînant des décès « horribles ». Sa bravoure en révélant cela l’a amenée à être renvoyée après la publication de ses révélations sur YouTube.
La confirmation de cette pratique macabre a été donnée par un professeur respecté de médecine gériatrique, Yngve Gustafson, dans une interview sur la chaîne de télévision 4. Il a admis : « Ce qui se fait le plus souvent avec les personnes âgées dans les EHPAD, après avoir décidé de ne pas les emmener à l’hôpital, c’est de leur prescrire des palliatifs comprenant généralement de la morphine et du midazolam. Cela signifie que l’on étouffe rapidement les patients, car les deux médicaments détériorent la respiration. »
Plaintes en hôpital
Mais ce n’est pas seulement dans les EHPAD que l’on observe des comportements de santé discriminatoires à l’égard des personnes âgées. Cela a également eu lieu dans les hôpitaux, selon un nombre croissant de rapports déposés auprès de l’Inspection suédoise de la santé et des services sociaux (IVO).
Ces plaintes concernent des patients privés de traitement dans les unités de soins intensifs (USI) des hôpitaux de la région de Stockholm, malgré la disponibilité de places (ce qui est toujours le cas). IVO a qualifié les rapports – qui concernent également l’hôpital universitaire Karolinska de Solna – de « sérieux ».
Une plainte déposée auprès d’IVO a également été publiée dans le journal Expressen. On peut y lire :
« Nous sommes préoccupés par le processus de sélection pour les soins respiratoires chez les patients atteints d’une infection grave de Covid-19 dans la région de Stockholm. Nous avons constaté à plusieurs reprises que les patients qui sont considérés comme ayant besoin de soins respiratoires pendant une longue période (par exemple quelques semaines) se voient refuser des soins intensifs avec l’argument qu’un patient plus jeune avec un meilleur pronostic de survie pourrait avoir besoin de la place dans quelques jours. »
Selon le Dr Elda Sparrelid, médecin-chef de la région de Stockholm, il n’y a pas de données sur les patients au sujet desquels des médecins ont déposé des réclamations. « Par conséquent, on ne peut pas faire d’enquête sur ces cas, que les mauvais soins allégués soient réels ou non », a-t-elle ajouté.
La situation est apparue après que le Conseil national de la santé et du bien-être social a donné des instructions – décrites dans un article précédent – pour gérer les priorités au cas où les unités de soins intensifs atteindraient le mode « catastrophe », c’est-à-dire si les ressources étaient épuisées et n’étaient plus disponibles pour tous.
Mais les hôpitaux suédois ne se sont jamais trouvés dans cette situation critique, et des lits de soins intensifs sont toujours restés disponibles. Le chef des soins intensifs de l’hôpital de Karolinska, le Dr Bjorn Persson, a admis le 5 mai que seulement « 115 des 140 lits de soins intensifs disponibles sont actuellement occupés ». Néanmoins, alors que le médecin-chef Persson a nié que les patients « qui avaient encore une chance de survie n’ont pas été traités », les membres du personnel médical ont apporté un témoignage différent, et l’avocate en chef de l’IVO, Linda Almqvist, a admis qu’elle avait ouvert une enquête.
Retards dans la consultation des médecins
Un autre problème est que de nombreux Suédois âgés atteints de Covid-19 ont dû attendre pour recevoir des soins de santé dans les hôpitaux, ou se sont simplement vu dire de rester à la maison pendant une durée inappropriée. Certains sont même morts sans avoir eu l’occasion de voir un médecin.
Une autre preuve de la négligence des personnes âgées en Suède est la volonté apparente des autorités locales de manipuler, voire de dissimuler, l’étendue du scandale. Les révélations d’un journal régional, Ekuriren, l’ont mis à nu : dans huit des neuf municipalités de Sormland (au sud de Stockholm), les autorités « ont délibérément empêché la publication d’informations afin d’empêcher l’examen des médias et la transparence auprès du public » concernant le nombre de personnes âgées infectées au Covid-19 dans les EHPAD.
En résumé, la gestion de la pandémie par les autorités suédoises de santé publique est non seulement un affront à l’épidémiologie scientifique, mais compromet également l’éthique médicale et les droits de l’homme d’un pays qui se considère comme une « superpuissance humanitaire ». Il est heureux que d’autres pays n’aient pas suivi son exemple de non-confinement.
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