Victoria est travailleuse sociale. On pourrait facilement dire qu’elle n’est pas « au front », elle, mais après l’avoir écoutée parler de ses clients et de leur détresse pendant 30 minutes, on change d’avis.
« Au début de la crise, les appels tournaient autour de la crainte d’attraper le virus, de perdre son emploi, ou encore de mourir. On était en gestion de l’anxiété. Avec le temps, j’ai constaté que le confinement provoquait encore plus de détresse. »
« Quand on arrive à ce niveau-là […] de la crise, on entre dans les choses beaucoup plus profondes. Ce n’est plus de l’ordre de la santé mentale. Là, depuis six semaines, je peux dire que je suis dans le domaine de l’âme. »
Son activité étant considérée comme un service essentiel, chaque matin depuis le début de la crise, Victoria enfile ses écouteurs et ouvre son ordinateur pour faire ses consultations.
Être là pour tous les deuils
Lac-Mégantic, déluge du Saguenay, anciens combattants, intervention auprès des personnes en choc posttraumatique, c’est sa spécialité.
« Toutes les études le montrent. Quand on arrive à ce niveau-là, au deuxième stade, si tu veux, de la crise, on entre dans les choses beaucoup plus profondes. Ce n’est plus de l’ordre de la santé mentale. Là, depuis six semaines, je peux dire que je suis dans le domaine de l’âme. C’est-à-dire de ce qui donne sens à la vie. »
« L’être humain n’est pas fait pour vivre isolé. On est des êtres de relations. Les gens sont en période de deuil actuellement. Deuil de style de vie, deuil de relations, mais deuil aussi du sens moral de notre société. Savoir, par exemple, que des personnes meurent toutes seules dans des CHSLD, sans être entourées des ceux qu’elles aiment, ça blesse nos valeurs morales. C’est là où j’en suis avec mes clients. »
Qu’est-ce que tu leur dis ? « Honnêtement ? Je les écoute. Après, je valide ce qu’ils vivent. Je ne dis pas que ça va bien aller, je leur dis que c’est normal de souffrir. Je leur dis que oui, on est tous dans la même tempête, c’est vrai, mais qu’on n’est pas tous dans le même bateau. La crise frappe ton bateau différemment de celui de ton ton voisin. Quelqu’un de sédentaire vit la crise différemment de quelqu’un de très actif, par exemple. Je me dis toujours, la personne devant moi, c’est quoi son bateau ? Je les aide à se repositionner pour prendre le contrôle de leur bateau. Les gens ont tendance à se comparer aux autres. Certains étaient prêts à envoyer leurs enfants à l’école, d’autres non. »
Aider les autres et être aidée par Dieu
Après une tragédie comme Mégantic ou Saguenay, Victoria dit qu’il faut, en moyenne, au moins deux longues années pour s’en remettre psychologiquement et affectivement.
« Il faut comprendre que pour bon nombre de personnes, le retour sur les lieux de vie ou de travail sera traumatisant. Imagine : tu retournes à l’école, et tu réalises que la moitié du monde n’est plus là. Des préposés, des infirmières, dans les CHSLD ou ailleurs, vivent ce traumatisme. Un évènement traumatique, habituellement, survient, puis se termine. Mais là, avec la COVID-19, on se demande quand ça finira. Ça, c’est très difficile psychologiquement pour beaucoup de gens. »
T’arrive-t-il de ne plus savoir quoi faire, quoi dire, devant quelqu’un qui fond en larmes ? « Avant de parler à un client, et puis en l’écoutant, je prie. Je sais que Dieu est là avec moi. Je ne dis jamais que je suis chrétienne ; ça pourrait créer une barrière chez certaines personnes. Le Seigneur est fidèle. Il me montre toujours quoi dire, quoi ne pas dire. Je vais toujours au rythme de la personne… »
Comme Dieu avec chacun de nous ? « Justement… Tu sais, c’est tellement beau de laisser quelqu’un aller dans la profondeur de sa tristesse, sans se presser, sans le presser, sans parler… Pour moi, c’est un cadeau de Dieu. »
Pouvoir être accueilli et écouté dans le silence de nos larmes ? Une denrée rare.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe