Rifa’at Al Assad devant la justice française: Un procès biaisé. Un procès de diversion à usage exclusif de l’opinion interne française

RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.

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Sauf contretemps, la justice française devrait rendre en avril 2020 son verdict concernant M. Rif’aat Al Assad, ancien vice-président de la République syrienne, qui a comparu le 9 décembre devant le tribunal correctionnel de Paris pour blanchiment et détournement de fonds publics, à la suite d’une plainte initiée par l’association Sherpa (1).

Au delà du verdict, quel qu’il soit, la comparution de Rif’aat Al Assad, oncle de l’actuel chef de l’état, le président Bachar Al Assad, apparaît à bon nombre d’observateurs comme un procès biaisé; Un procès de diversion à triple niveau:

  • Un procès de diversion à usage exclusif de l’opinion interne française.
  • Un procès de diversion sur la trahison des élites syriennes des idéaux baasistes au profit des pétrodollars du Golfe, particulièrement trois caciques du régime: Rif’aat Al Assad et Abdel Halim Khaddam, ainsi que Firas Tlass, fils aîné de l’ancien ministre de la défense, Moustapha Tlass.
  • Un procès de diversion sur la trahison des élites françaises des idéaux de la République par le rôle calamiteux assumé par la caste politico-médiatique dans le désastre de Syrie..

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DÉMONSTRATION

La première question, fondamentale, est de savoir pourquoi un tel procès a lieu en 2020, alors que l’ancien vice président syrien séjourne en Europe depuis près de quarante ans, dont une quinzaine d’années à Paris et qu’il a déjà défrayé la chronique. Longtemps résident parisien, Rif’aat a émigré en Espagne avant d’opter pour Londres.

La deuxième question, non moins fondamentale, est la différence de traitement entre deux caciques du régime baasiste, désormais opposants transfuges Rifa’at Al Assad et Abdel Halim Khaddam, tous deux vice présidents de la République syrienne sous la mandature de Hafez Al Assad, tous deux réfugiés à Paris.

Abdel Halim Khaddam (88 ans) est décédé, le 31 Mars 2020, à Paris des suites d’une crise cardiaque. Mais sa mort ne modifie en rien la problématique juridique du cas de M. Rifa’at Al Assad en ce que le procès de l’oncle du président syrien a eu lieu du vivant de l’ancien vice président Khaddam.

Éloigné de Syrie, évincé de la vie politique, Rifa’at est zappé depuis belle lurette du paysage politique syrien, d’autant plus aisément que lors des dix ans de guerre contre son propre pays, -dont la Syrie est le théâtre depuis 2011-, l’oncle du chef de l’état syrien n’a pas volé au secours de son neveu Bachar, en pleine tourmente. Au mépris des règles de la solidarité clanique, il a même caressé le rêve de servir de solution de compromis.

Rifa’at Al Assad traîne certes une sulfureuse réputation tant par sa sévère répression de la révolte de Hama, en 1982, que par ses frasques, que par ses méfaits à la tête des «Brigades de la défense», les «Saraya ad Difa’a» ces fameuses panthères roses identifiables à leur tenue qui constituaient les troupes de choc de l’armée syrienne.

Pour aller plus loin sur la révolte de Hama, cf ce lien:

Hafez Al Assad, redoutable autocrate, mais à la vie frugale quasi monacale, était indigné par la réputation scandaleuse que traînait Rif’aat, au point de l’exclure du cercle décisionnaire du pouvoir et de l’éloigner du pays à la suite d’une tentative de coup d’état du cadet contre son aîné.

1 – Le Procès Rifa’at est un procès biaisé; un procès de diversion à usage exclusif de l’opinion interne française.

Un procès par hologramme du régime baasiste.

Des deux vice présidents de la République syrienne qui ont choisi Paris comme lieu d’exil, l’un, Rif’aat Al Assad, a été la cible de la justice, alors que l’autre, pourtant 1er vice président de la République syrienne en titre, Abdel Halim Khaddam, a fait l’objet d’une prodigieuse amnésie, quand bien même il a été un grand prédateur de l’économie libanaise du temps de la tutelle syrienne sur le Liban (1976-2005).

Le procès de Rif’aat Al Assad (82 ans) est ainsi apparu comme le procès d’un cadavre politique destiné à bonifier le palmarès de la France dans son combat contre la corruption étatique, en y associant le nom patronymique du président de la Syrie, alors qu’elle abrite un transfuge baasiste, allié des Frères Musulmans de Syrie, partenaire affairiste du milliardaire saoudo libanaise Rafic Hariri, mais curieusement épargné par les foudres de la justice.

Le fait de sortir de la naphtaline un personnage en état de putréfaction politique avancée pour faire le procès par hologramme du régime baasiste relève d’une grossière manœuvre de diversion, démagogique. Les biens saisis serviront-ils à dédommager la Syrie des dégâts infligés par la France ou au contraire à dédommager la France des dépenses inconsidérées engagées dans la destruction de la Syrie, à l’exemple du schéma emprunté par les Occidentaux en ce qui concerne la Libye?.

Parent par alliance avec le Roi Abdallah d’Arabie, Rifa’at doit une part de sa fortune au monarque saoudien. Il passe en outre pour avoir arrondi ses fins de mois par des transactions en tous genres.

François Mitterrand lui avait accordé l’asile politique dans l’espoir de calmer le président Hafez Al Assad , ulcéré par le soutien accordé par la France à son rival baasiste irakien Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran, de même qu’à son soutien au Liban, au président phalangiste Amine Gemayel, allié d’Israël.

2 – Un procès de diversion sur la trahison des élites syriennes des idéaux baasistes au profit des pétrodollars du golfe particulièrement Rif’aat Al Assad, Abdel Halim Khaddam, Firas Tlass.

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A -Abdel Halim Khaddam

Que l’un de ces accusateurs soit Abdel Halim Khaddam paraît quelque peu pathétique.

Pro consul de la Syrie au Liban, durant la guerre incivile libanaise (1975-1990), celui qui présentait un courant nationaliste et laïc du Monde arabe s’appliquera, durant son mandat libanais, non à promouvoir les idéaux du progressisme, du socialisme et de la laïcité dans un pays gangréné par le confessionnalisme, mais à consacrer l’affairisme sunnite tant en Syrie qu’au Liban, via son alliance avec le chef du clan saoudo américain au Liban, le milliardaire saoudo libanais Rafic Hariri, et son féal féodal, Walid Joumblatt, le chef druze du Parti Socialiste progressiste (PSP).

Grand dignitaire du régime baasiste sous la mandature présidentielle de Hafez Al Assad (1970-2000), Abdel Halim Khaddam est, chronologiquement, un précurseur: le premier dans l‘ordre de la trahison en Syrie, anticipant de six ans le grand basculement vers le mercenariat pétromonarchique de la cohorte des pseudo intellectuels syriens supplétifs avérés des équipées islamo-atlantistes contre leur patrie d’origine.

Son forfait accompli, le fossoyeur du «printemps de Damas» en 2001 qui redoutait une évolution de la Syrie selon le schéma de Boris Eltsine en Russie, vit en exil à Paris depuis près de vingt ans. Dans ce qui apparaît comme une juste rétribution de ses prestations, il réside depuis 2011 à l’avenue Foch dans l’ancienne résidence du richissime armateur grec, Aristote Onassis, sans être nullement inquiété, sur ce bien…. bien ou mal acquis?

Pis, Abdel Halim Khaddam a même été soupçonné d’avoir trempé dans la conjuration visant à liquider son bienfaiteur, tant sont légendaires sa fourberie et sa cupidité.

Le journaliste Richard Labévière, à l’expertise reconnue sur le Moyen Orient, soutient que Rafic Hariri, «l’ami de Jacques Chirac avait été vraisemblablement tué par des Syriens, certes, mais pas par ceux que l’on croit».

«A la mort d’Hafez al-Assad, Abdel Halim Khadam est devenu président par intérim du 10 juin au 17 juillet 2000, puis vice-président avant de faire brusquement défection et de s’installer avec sa famille à Paris.

Plusieurs sources autorisées soupçonnent ce grand dignitaire sunnite d’avoir préparé un coup d’État contre Bachar avec l’aide de Ghazi Kanaan et de plusieurs généraux de l’armée syrienne…«Avec l’appui de plusieurs services étrangers, ce cercle pro-saoudien aurait monté l’assassinat de Rafic Hariri, persuadé qu’un tel événement permettrait le renversement de Bachar al-Assad et leur prise de pouvoir», écrit Richard Labévière.

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B-Firas Tlass

Quant à Firas Tlass, le fils aîné de l’ancien ministre inamovible de la Défense de Syrie pendant quarante ans, est passé à la postérité pour son rôle d’intermédiaire dans l’affaire dite du financement de Daech par la firme Holcim Lafarge. Le récit de cette ténébreuse affaire est sur ce lien.

3 – Diversion sur la trahison des élites françaises des idéaux de la République par le rôle calamiteux de la caste politico médiatique française dans le désastre de Syrie.

Chef de file de la coalition islamo-atlantiste au début de la guerre de Syrie, en 2011, à la tête d’un groupe des amis de la Syrie qui regroupait plus de 120 pays, la France se retrouve réduite, neuf ans, après au au rang de «pays affinitaire», aphone, marginalisée du fait du rôle particulièrement pernicieux de ses islamophilistes, des idiots utiles du terrorisme islamique.

Comble du paradoxe, la France qui a été la principale usine occidentale à produire des terroristes, aura été la principal victime du terrorisme islamiste, selon l’expression du selon du politologue américain William Mc Cants.

Non moins paradoxale –c’est là une singularité française-, les deux fossoyeurs de la France en Syrie, les deux plus capés de la méritocratie française, ayant eu néanmoins maille à partir avec la justice de leur pays, -le post gaulliste Alain Juppé pour son rôle dans les marchés d’Ile de France, le néo-socialiste Laurent Fabius, dans l’affaire du sang contaminé-, trônent désormais au Conseil Constitutionnel, le temple de la vertu républicaine, vraisemblablement sans doute en signe de reconnaissance pour leur éminente contribution au naufrage français en Syrie.

Engagée dans une sarabande mortifère -Toulouse-Montauban (2012), Charlie Hebdo, Isère et Paris-Bataclan en 2015, puis Nice et Saint-Etienne du Rouvray, banlieue de Rouen, en 2016, la France aura été l’unique pays au Monde, paradoxalement, à avoir donné quitus à l’organisation terroriste «Jabhat an Nosra», qui «fait du bon travail en Syrie».

Pour aller plus loin sur ce sujet,

La France qui a déjà perdu durablement la Syrie, est entrain de perdre le Liban. A-t-elle voulu donner des gages au président Bachar Al Assad en condamnant une ancien brebis galeuse du régime baasiste, qui plus est membre de sa coterie familiale?

Cf à ce propos

Un tel geste suffirait-il à calmer les aigreurs du pouvoir baasiste, alors qu’il parachève la reconquête de la quasi totalité du territoire national, animé d’un sentiment de victoire face à un pays désormais déconsidéré par son désastre syrien, la France, doublement responsable tant de l’amputation de la Syrie au XX ème siècle, par rattachement du district d’Alexandrette à la Turquie, que de la destruction de ce pays anciennement sous son mandat par la curée djihadiste qu’il a encouragée au XXI me siècle ?.

Quel fieffé service a pu rendre à la France M. Abdel Halim Khaddam pour bénéficier d’une telle mansuétude? Est-ce son partenariat affairiste avec Rafic Hariri le milliardaire libano-saoudien, l’ancien premier ministre libanais et grand pourvoyeur de bienfaits à la France? Ou son alliance avec les Frères Musulmans, le paravent à l’intervention de l’Otan contre la Syrie?

Sur le partenariat entre Jacques Chirac et Rafic Hariri, cf ce lien

Le salaire d’un ministre syrien dans le dernier quart du XX me siècle, même bonifié de primes et autres indemnités de fonction n’excédait pas les 10.000 livres syriennes, soit l’équivalent de 2.000 euros. Une telle somme, modique, ne saurait justifier la location de l’Opéra Garnier pour le mariage de sa petite fille, une soirée qui a coûté la somme de 5 millions de dollars, ni permettre l’acquisition de la résidence Onassis sur la prestigieuse avenue Foch à Paris, d’une valeur de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Cf; le lien du fastueux et surréaliste mariage de la petite fille d’Abdel Halim Khaddam à l’0péra de Paris (Palais Garnier), en novembre 2017, aux frais des contribuables libanais et syriens qu’il a outrageusement ponctionné; indice des graves préoccupations sociales de ce grand humaniste protégé de la France.

De telles extravagances devraient inciter le parquet financier à témoigner de l’intérêt pour ce nouveau rentier syrien, dont l’étalage paraît quelque peu impudique face aux malheurs de son pays.

Une justice sélective favorise-t-elle la cause de la lutte contre la corruption étatique? De la transparence financière internationale? De la moralité publique? De l’exemplarité de la justice?

Le fait de condamner un membre de la famille Assad, quand bien même désavoué par le clan, et d’épargner, dans le même temps, un des grands conspirateurs de la guerre contre le président de son pays d’origine, favorisera-t-elle un rapprochement entre Paris et Damas ou au contraire accentuera la suspicion de la Syrie vis à vis la France en ce qu’une telle disparité de traitement entre deux anciens caciques du régime baasiste nourrirait le procès de la duplicité française?.

Il est à craindre que le désastre de Syrie n’ait des effets comparables que la désastreuse expédition de Suez, en 1956, contre le président égyptien Gamal Abdel Nasser: Une rupture complète et totale des relations entre la France et l’Égypte pendant une décennie, offrant à l’Union soviétique l’occasion de combler le vide.

Dans le cas de la Syrie, la Russie, la Chine et l’Iran trois bêtes noires de l’Occident, déjà sur place, seront difficilement déracinables d’un pays qui fut un des points d’ancrage de l’influence française au Levant.

Dans cette perspective, le procès Rifa’at Al Assad par la France aura été finalement l’ultime baroud d’honneur d’un pays signant symptomatiquement la fin d’une époque… la fin d’une certaine forme de présence française en Orient.

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NOTES

1 – L’ordonnance de renvoi répertorie notamment deux hôtels particuliers dans les beaux quartiers de Paris et un château trônant dans un domaine de 45 hectares dans le Val-d’Oise, le tout pour une valeur estimée à 90 millions d’euros.

L’ancien chef des forces d’élite de la sécurité intérieure syrienne ne détient pas ces biens directement, pour la plupart, mais via des sociétés offshore siégeant à Curaçao, dans les Caraïbes, ou au Luxembourg.

Toujours selon les enquêteurs, la famille al Assad s’est taillé un empire immobilier plus impressionnant encore en Espagne, où ses centaines de propriétés sont évaluées à 691 millions d’euros, et fut propriétaire de la deuxième plus vaste résidence privée de Londres, derrière Buckingham Palace.

Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec

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