En tant que réactions face à la COVID-19, les théories du complot font beaucoup parler. Reptiliens, francs-maçons, Illuminati, sionistes et groupes « pédosataniques » ont vite été accusés d’être à l’origine de la pandémie. Ce n’est toutefois pas un hasard si ces théories ont proliféré : elles répondent au sentiment d’impuissance et au vide spirituel.
La pandémie de COVID-19 aura eu pour effet de révéler des réalités qui étaient trop longtemps restées dans l’ombre, comme la déroute du système d’hébergement des ainés au Québec. Parmi elles se trouvent aussi certaines inégalités économiques que nos États devront prendre en considération et des nationalismes qu’on aurait crus enfouis sous le bazar de la mondialisation.
La présente crise nous aura aussi fait voir à quel point les théories du complot étaient bien implantées au Québec et ailleurs. Comme personnalité publique, j’ai été moi-même surpris de constater que plusieurs de mes propres abonnés en étaient adeptes.
Nos sociétés sont en manque de mystère : elles cherchent des réponses à des questions qu’elles pensaient ne plus avoir à se poser.
Reptiliens, francs-maçons, Illuminati, sionistes et groupes « pédosataniques » ont vite été accusés d’être à l’origine de la pandémie. Les milliardaires George Soros et Bill Gates ont également été pointés du doigt. Sans oublier le régime chinois, évidemment, sur lequel pèsent toutefois des soupçons plus sérieux.
Les boucs émissaires de la COVID-19
Ce n’est pas un hasard si ces théories ont proliféré : elles répondent au sentiment d’impuissance dans lequel nous avons tous été plongés. Tout d’un coup, nous avons redécouvert l’incertitude dans un monde qui pensait être en mesure de tout contrôler, ou presque. À l’ère du transhumanisme et de ses projets d’immortalité, un virus né dans une obscure région de la Chine est venu nous rappeler nos limites.
Alors que même la science — ce nouveau Dieu de l’homme — ne pouvait plus nous sauver, des gens ont ressenti le besoin de trouver des explications rapides et, pourquoi pas, des boucs émissaires à la crise. L’humanité a repris conscience de sa fragilité, ce que de nombreux observateurs ont appelé le retour du tragique.
La nouvelle vague de scepticisme face à la science dans son ensemble n’est pas étrangère à tous ces mouvements, dont certains inquiètent de plus en plus les autorités. La foi dans le progrès et la technologie a diminué au fur et à mesure que les bilans se sont alourdis et que les scientifiques ne se sont pas entendus sur les remèdes à administrer. L’absence de consensus autour des mesures de confinement à adopter ou non aura aussi largement contribué à cette désacralisation de la science.
Il existait une époque où les Occidentaux se seraient tournés vers Dieu pour tempérer leur malheur et chercher des significations à l’épreuve. Sans surprise, ce réflexe millénaire n’est jamais vraiment venu durant la présente crise.
Chercher un remède à l’incertitude
Sans Dieu ni la science, que pouvaient-ils maintenant espérer ? Angoissés, apeurés par la mort, dépouillés de leur sensation de contrôle, les Occidentaux ont fait la démonstration du vide spirituel qui les habitait. En plus de la rupture grandissante entre le peuple et l’élite, le complotisme jette la lumière sur ce profond malaise.
Il faut lire ou relire Michel Houellebecq pour réaliser à quel point nous vivons dans un monde privé de sens. Nos sociétés sont désenchantées : coupées des repères chaleureux de la tradition, elles créent des substituts au cadre spirituel et moral qu’elles ont laissé tomber.
Les théories du complot apparaissent comme des religions compensatoires dans lesquelles certaines personnes tentent de trouver un sens à leur vie. Au lieu de se retourner vers la tradition chrétienne, nombreux sont ceux et celles qui se fabriquent des exutoires pour échapper au vertige ambiant. Peut-être par rejet de lui-même, l’Occident préfère encore s’inventer de nouveaux dieux plutôt que de retrouver celui qui était le sien.
Ces exutoires sont aussi nombreux que divers. Extrémismes politiques, retours à la terre, survivalisme, sports extrêmes, consommation de drogue et de pornographie, dépendance aux jeux vidéos : ces pratiques peuvent toutes servir, dans une certaine mesure, à combler le vide.
Le complot comme quête de sens
Historien des idées, Pierre-André Taguieff a habilement dressé les contours de ces théories dans les ouvrages qu’il leur a consacrés. Selon lui, elles répondent d’abord « à un besoin psychologique d’ordre et d’intelligibilité qui ne cesse d’augmenter ».
« La pensée complotiste se fonde sur un postulat ; tout ce qui arrive a été voulu par des puissances invisibles. Elle consiste avant tout à attribuer des intentions conscientes et des intérêts réels aux sujets supposés conspirer et qui auraient atteint leurs objectifs, et ce, afin d’expliquer certains évènements troublants ou traumatisants, lesquels peuvent être inventés de toutes pièces », résume-t-il dans un entretien avec le magazine L’Express en mai 2018.
À lire certains leadeurs complotistes, j’ai l’impression d’être plongé dans un roman de Dan Brown, auteur du célèbre Da Vinci Code. Nos sociétés sont en manque de mystère : elles cherchent des réponses à des questions qu’elles pensaient ne plus avoir à se poser. Les théories du complot ne se penchent généralement pas sur l’origine de la vie, mais recréent une série de mythes destinés à générer du sens, un récit sur le fonctionnement du monde.
Les adeptes du complot ne sont pas les idiots que certains décrivent. Ce serait trop facile de nous en tenir à cette caricature. Ils sont plutôt les victimes d’un monde qui a perdu ses repères, mais qui cherche maladroitement à les retrouver.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe