Être au bord du gouffre, frôler l’hécatombe, passer proche du précipice. Que ce soit en tant qu’entrepreneur, père ou époux, plus d’une fois Éric Bergeron a senti le sol se dérober sous ses pieds. Le Verbe rapporte ici le témoignage bouleversant d’un homme qui a traversé nombre d’épreuves financières et personnelles. Et chaque fois, Dieu n’était pas bien loin.
Il y en a qui se contentent d’une Mustang. D’autres arrivent à se payer une Porsche. Éric Bergeron n’en avait que pour l’Aston Martin, la voiture du mythique James Bond. Il faut dire qu’à plus de 300 000 $ pièce, le bolide a de quoi faire rêver. Le posséder lui aurait peut-être offert un petit velours, une image de son succès.
Peut-être.
Heureusement pour lui, le Dieu de la sagesse ne donne pas satisfaction à toutes nos aspirations.
« Dieu a toujours été présent, affirme Éric Bergeron. J’ai été élevé dans une famille québécoise traditionnelle. Quand j’étais petit, j’allais à l’église. » On pourrait dire que sa vie laissait présager un parcours plutôt standard.
Puis, soubresaut : il fait sa première communion. « Cette journée-là, je sentais l’amour en moi, comme une flamme, c’était vraiment fort. » Malgré cela, peu de temps après, Dieu sort de sa vie. Ses parents ont cessé d’aller à l’église et tout le reste de la famille a suivi. Lui inclus. Il a environ 11 ans.
En première toute !
Au milieu de son secondaire, il quitte son école qu’il déteste pour intégrer le Petit Séminaire de Québec. Toutefois, pas facile au PSQ ; il faut bosser fort pour réussir. Or, il avait toujours été premier de classe sans rien faire. « J’ai vraiment vu le fond du tonneau. »
Mais une phrase l’accroche. Une phrase prononcée par l’animateur de pastorale : « Mettez Dieu dans votre vie et votre vie sera transformée. » Ces mots le marquent à tout jamais, lui donnent de l’espoir pour réussir et avoir une belle vie. Et celui qui les prononce est l’abbé Denis Bélanger, un homme qu’il a continué à côtoyer jusqu’à ce jour.
Cet article provient du numéro spécial Apocalypse paru au printemps 2020.
N’ayant rien à perdre, le jeune Éric tente sa chance et s’adresse à Dieu. « Ç’a été une transformation majeure. C’est vraiment là que Dieu est revenu dans ma vie pour de bon. J’ai recommencé à aller à l’église et à lire la Bible. C’est également à cette époque-là que j’ai connu mes grands amis qui le sont toujours. »
En quatrième secondaire, un autre évènement influencera toute sa vie : une retraite à Oka, où se trouvait alors la communauté de moines trappistes. « Encore aujourd’hui, je vais faire des retraites là-bas, deux fois par année. Je suis resté près de cette communauté-là. Donc, pendant tout le reste de mon secondaire, j’ai vraiment eu la foi et Dieu était très présent dans ma vie. » Les adolescents ne sont pas toujours comme ça…
Feux de détresse
La vie suit son cours, « une vie standard, de petite bourgeoisie, tranquille ». En dépit de cela, il vit dans l’anxiété. « Dans les années 1980, j’avais peur de deux choses : la guerre nucléaire et la mort de mon père. Les deux peurs étaient à peu près au même niveau », se rappelle-t-il en riant.
Pour ce qui est de son père, pourtant, la crainte est fondée : il est cardiaque. « Je savais qu’un jour ou l’autre… ça me terrorisait. » Éric avait 19 ans quand c’est arrivé : un samedi matin à l’hôpital Saint-Sacrement de Québec, son père décède.
« Quand tout arrachait, je racontais au père Yves Girard ce qui m’arrivait. Une fois, il me regarde, et me dit : “Toi, tout ce que tu vis là, tu ne le sais pas, mais c’est ce que ton cœur désirait le plus !” »
« Moi qui avais toujours pensé que je m’effondrerais, j’ai vraiment reçu une grâce à ce moment-là. Quand le cardiologue est entré dans la salle d’attente pour nous annoncer la nouvelle, dans ma tête j’ai entendu : “Que ta volonté soit faite.” Et là, un frisson m’a traversé de la tête aux pieds avec une espèce de chaleur — excusez-moi… l’émotion… », s’arrête-t-il, étranglé. « Je me suis littéralement senti envahi d’une grande paix, une sérénité. Ça a duré peut-être cinq secondes. Je l’ai senti, là. » Pas de doute, c’est une preuve, une manifestation concrète de Dieu dans sa vie.
Après s’être posé quelques questions vocationnelles, il réalise que le sacerdoce n’est pas pour lui et il entre à l’université en génie physique. On l’avait prévenu que ce serait difficile. « J’ai toujours aimé les défis, me donner de la misère. »
En route sur la croute
Son cours terminé, on l’embauche chez Bell Canada, puis il se marie en 1993. De ce mariage naitront deux fils. Jusqu’en 2002, accompagné de sa famille, il habitera à Montréal, à Paris et aux Pays-Bas pour les études ou le travail, avant de revenir s’installer définitivement à Québec.
C’est là qu’il fonde sa première entreprise, Optosécurité. « Ça, ç’a été vraiment une épreuve », me lance-t-il. Les barrières financières étaient pénibles à franchir. « J’ai passé à deux doigts de faire une faillite personnelle, deux fois au début et une fois à la fin. »
Il s’agit de trouver des millions de dollars en capital de risque et en subventions pour la réalisation des projets. Il doit constamment démontrer la valeur de ses projets, puis les vendre, il est toujours en déplacement à l’étranger, il doit également faire face aux retards et aux déceptions des investisseurs sans oublier de payer les employés ; c’était énormément de pression !
« Je pense que c’était une épreuve que je devais vivre. Cette compagnie-là, c’était un chemin initiatique. Mais sans l’aide de Dieu, je n’aurais jamais réussi à survivre au stress que j’ai vécu. »
Il s’en remettait à la Providence, suffisamment pour être « capable de rester sain d’esprit, sans paniquer. Ça m’a pris un an et demi pour obtenir mon premier financement (ça, c’est une preuve de Dieu) : deux-millions ! » Depuis ses débuts en affaires, l’homme a quand même obtenu 38 millions en capital de risque chez Optosécurité, sans compter les subventions. « Donc, j’ai dû réunir plus de 50 millions au fil des années en incluant ma nouvelle compagnie Flyscan. »
Parallèlement, les choses dégénèrent avec son épouse. Et en dépit de tous leurs efforts et les thérapies, le mariage se termine en divorce après 11 ans de vie commune. Il entreprend donc des démarches pour obtenir la nullité de mariage.
Désormais libre, pendant quelques mois, il sort dans les bars, admet-il. Grâce à Dieu, « à un moment donné, je me suis dit : “Ah non ! Sérieux, j’arrête tout ça, je vais me concentrer sur ma compagnie, je me concentre sur mes deux fils que j’ai en garde partagée. Je ne cours plus la galipote. Je veux garder le focus.” Trois mois après, j’ai rencontré celle qui est mon épouse aujourd’hui ».
Histoire de chars
En fait, il la connaissait déjà, mais ils s’étaient perdus de vue. « À l’époque, je la trouvais de mon gout, mais j’étais avec quelqu’un et elle était avec quelqu’un. » Et maintenant, après plusieurs années sans se voir, dans des circonstances étonnantes, ils se retrouvent.
« C’était vraiment le Saint-Esprit. » Un matin où Éric est en route pour faire réparer sa voiture en passant par un chemin qu’il n’emprunte jamais, il aperçoit au feu rouge une « belle brunette » qui chantait au volant de sa voiture. « La dernière fois que je l’avais vue, c’était en 1994. Puis là, je la vois, aussi belle qu’à l’époque. » Pour lui, ça n’a rien du hasard : s’il était parti de la maison une minute plus tôt ou plus tard, il l’aurait manquée.
Aussitôt rentré, il tente d’entrer en communication avec elle. Trois jours plus tard, ils se rencontrent au restaurant. « Notre souper a duré six heures ; on a fermé la place. C’est vraiment le coup de foudre, l’éclair est tombé. C’était incroyable. Mes garçons l’ont adorée dès le début. »
Elle aussi avait porté des souffrances. Alors qu’ils sont en train de se séparer, son conjoint s’enlève la vie. Cette tragédie l’a amenée à demander de l’aide. Alors que Dieu n’existait plus pour elle depuis longtemps, il « est revenu dans sa vie comme une tornade de feu. Dieu attend juste qu’on lève la main dans les épreuves pour venir. Il ne s’impose pas ».
Puis, un autre orage les secoue. À son tour, sa première épouse met fin à ses jours. « C’était le ciel qui me tombait sur la tête. Comment annoncer ça à mes garçons ? Ma nouvelle conjointe qui avait vécu ça, elle aussi, avec son ex… les probabilités que ça arrive… Ça n’allait pas bien. » De facto, la garde des enfants lui revient à temps plein. La gestion de son agenda se complexifie : il doit tenir compte en même temps de ses responsabilités parentales et du développement de son entreprise, qui l’amène à beaucoup voyager.
La tempête apaisée, ils peuvent enfin se marier devant Dieu. Depuis quinze ans, le couple s’entend à merveille : « Jamais de chialage ni de chicanes. » Ils ont plutôt une relation fantastique, à tous points de vue : la foi, les valeurs, la compatibilité de caractère. « Ma nouvelle épouse est un cadeau du ciel. Une femme qui vient avec moi à la messe tous les dimanches, qui a une foi ardente. Une femme qui est de bonne humeur, calme et paisible, sportive et belle comme un cœur. Tous les jours, je remercie le ciel d’être avec elle. »
Carambolage
Comme on n’est pas à Disney, l’histoire ne se termine pas aussi simplement. En 2012, c’est à nouveau la débandade : son entreprise est au bord de la fermeture, car des investisseurs sont sur le point de se retirer ; sa mère décède et un de ses fils a des problèmes de santé majeurs qui demandent l’hospitalisation. « Tout ça en même temps. Là, j’ai eu tellement de stress violent que j’ai eu le zona. J’avais 45 ans. »
« C’était une année affreuse où tout arrachait en même temps. » Mais Éric ne compte pas sur ses forces seules. Son roc, c’est le Seigneur. « Je faisais de la méditation, de la prière et de l’exercice cardiovasculaire. C’est ce que j’appelle mon programme faith and fitness : fais du cardio le plus possible et prie. Et abandonne-toi à Dieu. La prière d’abandon de Charles de Foucauld, je l’ai souvent dite ! »
Il continue à travailler et retrouve sa santé. Au bord du gouffre financier, pour assurer la survie de sa compagnie, il investit la seule chose qui lui reste, son RÉER. Ainsi, la compagnie peut redémarrer avec l’appui d’anges investisseurs. Finalement, en 2015, lui, le fondateur de son entreprise, décide de se retirer. « C’était rendu trop lourd et je n’avais plus de plaisir. » Il reste actionnaire et membre du conseil d’administration, mais il quitte son emploi de chef de la direction. Il retourne alors à l’Institut national d’optique comme « entrepreneur en résidence » et fonde sa compagnie actuelle, Flyscan. « Celle-là aussi, ç’a été tough. Moins, parce que cette fois-ci, je savais quoi faire. »
Et le Seigneur ne l’abandonne pas. Lors de ses retraites chez les moines à Val Notre-Dame, il a eu l’occasion de rencontrer le père Yves Girard. « Quand tout arrachait, je lui racontais ce qui m’arrivait. Et il me regarde, et me dit : “Toi, tout ce que tu vis là, tu ne le sais pas, mais c’est ce que ton cœur désirait le plus !” C’était la dernière chose au monde que je pensais entendre. Il me disait qu’il n’y a pas de croissance sans difficulté. C’est une rencontre marquante dans ma vie. »
Céder la priorité
Que retenir de ce parcours en montagnes russes ?
La reconnaissance. « Aller au Séminaire de Québec, ç’a été une bénédiction majeure dans ma vie. C’est là que j’ai retrouvé la foi, que j’ai rencontré des super profs, autant laïcs que religieux, ainsi que mes vrais amis, toujours présents dans ma vie. Et tous les prêtres que j’ai connus là, ce sont des hommes fantastiques, solides, sérieux, profonds. Il y a entre autres Denis Bélanger, Alain Pouliot, Jacques Roberge, André Gagné. Ils m’ont transmis des valeurs de droiture, d’honnêteté. C’est là que j’ai pris les bases, la fondation de ma personnalité. » Et c’est ce qui fait sa réputation d’homme intègre en affaires.
La liberté. Ses valeurs ont changé ; il s’est détaché des biens matériels. « J’avais des objectifs financiers et matériels qui aujourd’hui ne me disent absolument plus rien. Mon fils le plus vieux, entrepreneur lui aussi, me disait qu’un jour il allait me l’acheter, la voiture Aston Martin, celle dont j’avais toujours rêvé. Je lui ai dit : “Si tu veux me faire plaisir, si tu gagnes assez d’argent pour ça, fais plutôt un don de ce montant-là à une œuvre de charité. Là tu vas me faire plaisir.” La Aston Martin, je trouve ça beau, mais je n’ai plus d’intérêt à posséder ça. »
La profondeur. Vivre toutes ces morts-là lui fait penser plus souvent à sa propre mort. « J’y pense presque tous les jours. » Nécessairement, la souffrance l’a transformé. Il a progressé sur le plan spirituel ; il s’abandonne à Dieu, à la Providence.
Le partage. S’il ne fait pas dans le prosélytisme, ça lui arrive de témoigner de sa foi. « Quand, parfois, je donne des témoignages comme entrepreneur, dans des écoles d’administration, je parle de faith and fitness, ma recette à moi, celle qui m’a permis de rester sain d’esprit. Les gens me trouvent parfois un peu excentrique, mais je m’en fous. Jésus disait : “Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux.” »
La foi. En terminant, Éric ajoute : « Si j’avais quelque chose à dire aux lecteurs de cet article, j’aimerais qu’ils retiennent ce que m’avait dit l’abbé Denis Bélanger : “Mettez Jésus dans votre vie, et votre vie va être une réussite.” C’est-à-dire une vie pleine, fertile. C’est la lumière qui m’a attiré. »
* * *
Ça, c’est ce que j’appelle une histoire sainte. Je veux dire une histoire où Dieu est manifeste, dans les hauts comme dans les bas. Et peut-être surtout dans les bas.
Il est là.
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Source: Lire l'article complet de Le Verbe