L’auteur est journaliste et pair-aidant en santé mentale
Mais d’où me venait donc ce sentiment de tristesse, après quelques semaines de confinement, quand j’apercevais dans les fenêtres des maisons ces arcs-en-ciel naïfs et tremblotants, dessinés et coloriés par des petites mains maladroites d’enfants ? Ces illustrations avec au-dessous le fameux et controversé Ça va bien aller…
Sans verser ici dans le pathos gnagnan, et sans trop de mystère non plus, je dois reconnaitre – comme une majorité de Québécois-es – qu’après deux mois de dure pandémie, je me suis senti, moi aussi, comme un « enfant » floué, voire trahi, par les promesses jovialistes du « bon papa Legault ».
J’aurais tellement espéré mieux, voulu mieux ! D’où mon sentiment de tristesse et de désarroi… Un sentiment d’impuissance, aussi, devant l’ampleur de cette crise et ses inconnus. Bien sûr, on ne peut douter de la bonne foi du Premier Ministre et de son équipe, mais les résultats sont à la fois tellement décevants et navrants. Honteux, même…
Résumer le Québec en lien avec la COVID-19 ? C’est une catastrophe nationale, une tragédie sans précédent ! C’est à la fois St-Jean Vianney, le déluge, le verglas, Lac-Mégantic, la Crise d’octobre et le 11 septembre 2001, tout ça à la puissance dix ! Toutes ces morts, de soignés-es comme de soignants-es, cette négligence, cette impéritie, cette suffisance, ce gaspillage, ce manque de courage, de prévoyance et ces mauvais virages organisationnels et politiques, pendant toute ces années de gouvernance libérale ou péquiste.
Et là, goutte de trop, c’est de voir l’ex-ministre libéral Gaétan Barrette, qui est en partie responsable du gâchis, se dédouaner en jouant les « analystes » sur les chaînes de télé ; c’est de voir des journalistes comme Francine Pelletier et Patrice Bergeron ajouter à la confusion en confondant masque sanitaire et burqa islamiste ; c’est de voir tous ces spécialistes et néo-moralistes auto-proclamés-es qui comparent le cas du Québec avec des incomparables ; c’est de voir Trudeau Jr et le Canada anglais « s’inquiéter » du Québec et de l’usage de cette armée à laquelle nous avons droit nous aussi.
Tristesse, colère, rage, deuils, peur de l’inconnu, désarroi… Que d’émotions négatives dont il faudra se purger, se vidanger, après s’être autorisés à les vivre.
Un vaste chantier de santé mentale
Chose certaine, et si l’on se fie à l’après-catastrophe de Lac-Mégantic, il va falloir que la moitié du Québec soit à l’écoute de l’autre pour contenir le raz-de-marée de maladie mentale qui s’annonce dans les mois et les années à venir.
À peine si j’exagère, ici.
Il faudra détacher une cellule spéciale d’après-crise, quintupler les budgets de la Santé mentale et, à l’instar des pairs-es aidants-es, psychologues et intervenants-es qui sont déjà à pied d’œuvre sur le terrain, lever toute une armée de thérapeutes pour écouter, réorienter et réconforter les centaines de milliers de Québécois-es qui vivront des deuils, des pertes et des traumas de toutes sortes. La psychothérapie universelle et gratuite partout au Québec ? C’est le temps ou jamais, madame Mc Cann ! Ça passe ou ça casse !
Laisser la joie monter
En attendant des jours meilleurs, j’aime à penser que l’on peut encore s’emplir d’émotions positives comme la « joie ». Cette joie que redécouvrent toutes ces personnes qui, à cause des mesures de confinement, renouent avec le sport … Le jogging, la marche, l’effort physique et son florilège d’hormones du bonheur (ocytocine, dopamine, sérotonine, etc.).
La joie ! Grâce au plaisir retrouvé de lire, écrire, chanter, cuisiner, coudre, besogner, jardiner, dessiner, colorier, peindre, photographier les oiseaux, piocher la terre, tailler les arbustes, marcher le long de la rivière, promener le toutou, musarder, respirer, se vautrer dans l’herbe, se retrouver avec soi, rêver… En attendant de se faire coiffer, toucher, masser… En attendant de faire un câlin, donner une bise, faire l’amour ! Oh, que ce sera bon !
Et la joie de redonner, aussi ! Cet incroyable sentiment d’être utile aux autres ! Ici, je pense à Pénélope, cette jeune étudiante du secondaire qui fait du travail humanitaire en résidence d’aînés-es… À Caroline, qui s’ingénie à faire des masques rigolos pour ses voisins de palier… À mes amis-es Nicole, Michèle et Mohammed, trois profs en disponibilité, qui se sont trouvé une nouvelle vocation en CHSLD… À Joël et sa petite Émilie, qui appellent quotidiennement des personnes âgées seules… À Joseph et Francine, qui confectionnent et distribuent des sandwichs aux itinérants-es… À ces choristes, musiciens-es et autres artistes qui font des mosaïques virtuelles et donnent des concerts de balcon ou de quartiers… À ces dizaines de milliers de bénévoles au grand cœur de partout, en ville et en région.
Je pense enfin à toutes ces femmes du CARE, le personnel soignant et dédié des hôpitaux, résidences intermédiaires ou CHSLD : toutes ces femmes, infirmières, médecins, préposées, intervenantes, auxiliaires, techniciennes… Et tous ces hommes, ambulanciers, pompiers, camionneurs, conducteurs d’autobus, de taxis, concierges, livreurs, gardiens et réparateurs, la liste est longue des mille et un métiers que nous réapprenons à apprécier.
Ce sont là des gens de cœur, industrieux, passionnés, ingénieux, fervents, courageux et généreux, de tous âges, toutes cultures et origines.
C’est grâce à ce Québec-là, qu’on est à se guérir et à se réinventer !
C’est ce Québec-là que j’aime !
Crédit photo : Jean-François Bergeron – canva.com
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