Par Scott Ritter
Scott Ritter est un ancien officier du renseignement du corps des Marines américains. Il a servi en Union soviétique comme inspecteur de la mise en œuvre du traité INF, auprès du Général Schwarzkopf pendant la guerre du Golfe et de 1991 à 1998 en tant qu’inspecteur des armes de l’ONU.
Voir ci-dessous la Lettre du Ministre des Affaires Etrangères iranien au Secrétaire Général de l’ONU
Source : RT, le 2 mai 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Le 8 mai 2018, le Président Trump s’est retiré de l’accord sur le nucléaire iranien. Dans le but de décréter des sanctions écrasantes de « snap-back » (rétablissement automatique), son administration prétend maintenant qu’elle n’a rien fait de tel.
« Toutes nos paroles », a observé le poète-philosophe américano-libanais Kahlil Gibran, « ne sont que des miettes qui tombent du festin de l’esprit ». Si les mots sont jugés en fonction de leur poids intellectuel et de leur adhésion à l’intégrité, les déclarations émises par l’administration Trump concernant sa qualité de « nation participante » dans le contexte de l’accord (connu sous le nom de Plan d’action global commun, ou JCPOA) évoquent plus la disette que le banquet.
Les mots ont un sens, une réalité qui échappe à ceux qui formulent aujourd’hui ce qui est présenté comme « la politique iranienne » au Département d’État américain.
Lorsqu’il s’est adressé au peuple américain dans une allocution télévisée prononcée depuis la salle de réception diplomatique de la Maison Blanche le 8 mai 2018, le Président Trump, qualifiant l’accord nucléaire iranien de « défectueux dans son essence même », a déclaré : « J’annonce aujourd’hui que les États-Unis se retirent de l’accord sur le nucléaire iranien. »
Vidéo : https://www.dailymotion.com/video/x7txs71
Il a poursuivi en expliquant : « Tandis que nous nous retirons de l’accord avec l’Iran, nous travaillerons avec nos alliés pour trouver une solution réelle, globale et durable à la menace nucléaire iranienne », avertissant que « si le régime poursuit ses aspirations nucléaires, il aura des problèmes plus importants que jamais. »
Juste avant que le Président ne prononce son discours, un haut responsable du Département d’État a révélé aux journalistes l’essentiel de son message, notant qu’il n’était pas prévu « à ce moment-là » de contacter le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour mettre en œuvre ce que l’on appelle les sanctions « snap-back », tout simplement parce que « [les] États-Unis ne participent plus à l’accord… nous n’allons donc pas utiliser une de ses dispositions comme si nous y participions encore et pouvions invoquer le snap-back ».
Ce point a été développé par le Conseiller à la sécurité nationale de l’époque, John Bolton, qui a parlé aux journalistes de la réimposition de sanctions contre l’Iran, peu de temps après que le Président eut fini de s’exprimer.
« La décision que le Président a signée aujourd’hui remet en place les sanctions qui existaient au moment de l’accord ; cela les met en place immédiatement », a déclaré Bolton. « Cette éventualité est publiée sur le site Web du Département du Trésor depuis 2015 en raison de la possibilité de mettre en œuvre les dispositions de la résolution 2231, que nous n’utilisons pas parce que nous avons quitté l’accord. »
Vidéo : https://www.dailymotion.com/video/x7txs9k
La résolution 2231, qui a été adoptée par le Conseil de Sécurité le 20 juillet 2015, approuve le JCPOA et fixe les conditions de la levée des sanctions des Nations Unies contre l’Iran. Elle prévoyait également des dispositions en vertu desquelles un « participant au JCPOA » pouvait soumettre des plaintes concernant « l’inexécution importante par un autre participant au JCPOA », ce qui déclencherait une action du Conseil de Sécurité menant à la réimposition automatique, ou « snap-back », de toutes les sanctions en place avant l’entrée en vigueur du JCPOA.
Les États-Unis ont fait pression sur leurs alliés européens, en particulier le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, pour qu’ils lancent des mécanismes officiels de règlement des différends concernant l’inexécution iranienne des dispositions de l’accord à la suite du retrait américain et de la reprise des sanctions.
Voir également Nucléaire iranien : Londres, Paris et Berlin cèdent au chantage de Trump et renient leurs engagements
Ces efforts sont cependant entravés par le fait que tout ce que Téhéran a fait a été en réponse à l’incapacité de l’Europe à respecter ses engagements au titre du JCPOA concernant l’engagement économique avec l’Iran. Ces pays ont peur d’être frappés par des sanctions américaines secondaires visant toutes les entreprises faisant des affaires avec l’Iran, ce qui est de fait autorisé par l’accord.
https://twitter.com/JZarif/status/1217495425764081665
« Paris, Londres et Berlin affirment avoir respecté leurs obligations en vertu du JCPOA (accord sur le nucléaire).
Réalité :
– Zéro importation de pétrole iranien
– Embargo sur les banques iraniennes et déconnexion du système de paiement SWIFT
– Non-application de la loi de blocage (visant à empêcher l’application de sanctions américaines extraterritoriales)
– Exode des entreprises européennes en Iran
– Aucune vente à l’Iran des aliments & médicaments ‘exemptés’ de sanctions. »
En fin de compte, le retrait de Trump du JCPOA et la réimposition ultérieure de sanctions économiques strictes n’ont pas empêché l’Iran de renforcer sa capacité à enrichir l’uranium.
Cet échec renforce la perception de l’impuissance américaine face à l’intransigeance iranienne soutenue. En bref, la politique de « pression maximale » exercée par les États-Unis contre l’Iran n’a pas atteint ses objectifs, et Washington peine à trouver une approche alternative.
Cette « approche alternative » a été évoquée par le Secrétaire d’État Mike Pompeo dans une interview à la presse le 23 février 2020, lorsqu’il a confirmé l’existence d’une note de service juridique du Département d’État décrivant une option pour réimposer les sanctions de l’ONU contre l’Iran.
Voir Khamenei : Macron est soit un imbécile, soit une marionnette de Washington
La note fait valoir que les États-Unis pourraient réimposer unilatéralement des sanctions de l’ONU contre l’Iran en utilisant les dispositions mêmes de la résolution 2231 du Conseil de sécurité qui, selon John Bolton, ne pouvaient pas s’appliquer parce que les États-Unis avaient « quitté l’accord ».
La position de Bolton a semblé être renforcée par Brian Hook, le Représentant spécial du Département d’État pour l’Iran, qui, dans des remarques aux journalistes le 5 mars 2020, a déclaré que « nous avons quitté l’accord », notant que « les pays qui sont encore dans le l’accord [c’est-à-dire le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne] prendront des décisions qui relèvent de leur souveraineté. »
Voir également Condamnation du programme spatial iranien par la France : le chien aboie, la caravane passe
Mais dans un exploit de gymnastique sémantique légaliste, le Secrétaire d’Etat Pompeo et le Département d’État ont maintenant fait marche arrière, notant que même si le JCPOA est un accord politique non juridiquement contraignant (conclusion partagée par l’administration Obama qui a négocié l’accord), la résolution 2231 du Conseil de sécurité est en soi juridiquement contraignante.
Et comme son texte n’a jamais été amendé pour refléter le retrait américain de l’accord, les États-Unis continueraient de jouir du même statut que les autres membres nommés du JCPOA et, en tant que tels, conserveraient la capacité de soumettre toute question de non-conformité au Conseil de Sécurité et à appeler à un vote pour « réintroduire automatiquement » les sanctions.
« Nos droits », a noté le Secrétaire d’Etat Pompeo dans un récent tweet, « en vertu de la résolution 2231 du Conseil de Sécurité, sont distincts du JCPOA. » Son sentiment n’était partagé par personne d’autre que Brian Hook, qui a renié la position qu’il exprimait aussi récemment que le 5 mars pour déclarer que les dispositions contenues dans la résolution 2231 définissent clairement les États-Unis comme un « participant » lorsqu’il s’agit de « résoudre tout problème en ce qui concerne la mise en œuvre du JCPOA ».
Il a en outre noté que : « Nulle part dans le dispositif… il n’est dit qu’il faut être membre du JCPOA. Cela aurait pu être spécifié de différentes manières, mais [le Conseil de Sécurité] ne l’a pas fait. »
Actuellement, aucun autre participant au JCPOA, ni membre permanent du Conseil de Sécurité, ne soutient la position américaine. Une bataille politique critique se prépare au Conseil de Sécurité, où les États-Unis se préparent à soumettre un projet de résolution qui, en raison des mécanismes légalistes contenus dans la résolution 2231, garantirait que des sanctions de type « snap-back » soient réimposées contre l’Iran.
Il est largement reconnu par les participants au JCPOA que si les États-Unis réussissent dans cette manœuvre, l’accord sera totalement condamné, et la probabilité que l’Iran quitte le traité de non-prolifération nucléaire sera très forte.
Il reste à voir si les autres membres permanents du Conseil de Sécurité peuvent monter un argument juridique qui prive les États-Unis de leur statut de « nation participante ». Mais l’essentiel est que les États-Unis, étant confrontés à la réalité que leur politique d‘endiguement face à l’Iran a échoué, sont prêts à risquer une catastrophe mondiale afin de sauver la face.
Les mots doivent avoir un sens, notamment en matière de diplomatie internationale. Par ses actions, l’administration Trump a concrétisé une triste réalité : ses mots n’ont aucun sens et aucune valeur.
***
Texte intégral de la lettre de Mohammad Javad Zarif, Ministre des Affaires étrangères de l’Iran, adressée au Secrétaire général de l’ONU
« Le retrait américain du JCPOA et la réimposition subséquente d’un régime de sanctions draconien, total et unilatéral contre l’Iran doivent sonner l’alarme pour la paix et la sécurité internationales. C’est la première fois dans l’histoire de l’ONU qu’un membre permanent du Conseil de Sécurité punit les membres de l’ONU pour avoir respecté une résolution du Conseil de Sécurité. »
Source : Ministère des affaires étrangères iranien, le 9 mai 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
A Son Excellence M. Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations Unies
Excellence,
Suite à ma lettre du 10 mai 2018 (A / 72/869-S / 2018/453), je voudrais attirer votre attention sur plusieurs questions liées au retrait illégal des États-Unis d’Amérique du Plan d’action global commun (JCPOA, ou Accord sur le nucléaire iranien) et l’imposition illégale de ses sanctions unilatérales contre le peuple et le gouvernement de la République Islamique d’Iran, en violation manifeste de ses obligations en vertu du droit international. Je voudrais tout particulièrement attirer l’attention du Conseil de Sécurité – via votre qualité de Secrétaire Général – sur les questions relatives aux cas multiples, continus et graves de violations de la Charte des Nations Unies, en particulier de son article 25, mettant ainsi en péril la crédibilité et l’intégrité de l’Organisation des Nations Unies et menaçant le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
1. Retrait unilatéral et illégal des États-Unis du JCPOA
Comme vous le savez bien, le 8 mai 2018, le Président des États-Unis a officiellement annoncé le retrait unilatéral des États-Unis du Plan d’action global conjoint (JCPOA), en violation substantielle de la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité à laquelle le JCPOA est annexé. En conséquence, l’administration des États-Unis a mis fin à la participation des États-Unis au JCPOA et a réimposé toutes les sanctions américaines levées en rapport avec le JCPOA, commettant ainsi plusieurs cas de « non-respect manifeste » du JCPOA, et en violation flagrante de la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
L’acte illégal de retrait injustifié des États-Unis du JCPOA et la réimposition de ses sanctions entraînent la responsabilité des États-Unis en vertu de la Charte des Nations Unies et du droit international. Les États-Unis ont violé la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations unies, qui a en fait été présentée par les États-Unis eux-mêmes et adoptée à l’unanimité par le Conseil de Sécurité le 20 juillet 2015. L’ONU doit réagir rapidement face à la responsabilité des États-Unis et les tenir responsables des conséquences de leur acte illicite qui va à l’encontre de la Charte des Nations Unies et du droit international. L’impunité des États-Unis dans ce cas et dans d’autres cas compromettrait considérablement la crédibilité de l’Organisation des Nations Unies.
Il est désormais clair pour tous que les comportements illégaux des États-Unis constituent un mépris total du droit international et de la Charte des Nations Unies, sapent le principe du règlement pacifique des différends, mettent en danger le multilatéralisme et ses institutions, indiquent une régression vers l’ère désastreuse de l’unilatéralisme, et encouragent l’intransigeance et l’illégalité ; cela représente une menace évidente pour la paix et la sécurité internationales.
2. Malversations des États-Unis pour saper les dispositions de la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies (2015)
La résolution 2231 (2015) souligne que « le JCPOA est propice à la promotion et à la facilitation du développement de contacts économiques et commerciaux normaux et de la coopération avec l’Iran » et exhorte à « sa pleine mise en œuvre selon le calendrier établi dans le JCPOA », appelant tous les États membres « à prendre les mesures appropriées pour soutenir la mise en œuvre du JCPOA, notamment via des actions proportionnées au plan de mise en œuvre défini dans le JCPOA et la présente résolution, et en s’abstenant de toute action qui compromettrait la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre du JCPOA ».
Non seulement les États-Unis n’ont pas respecté leurs propres engagements au titre du JCPOA, mais ils ont également fait obstacle de manière substantielle au respect des engagements par les autres participants au JCPOA et d’autres États membres de l’ONU. Depuis la prise de fonctions de Trump, les États-Unis ont une fois de plus recouru à la pratique des mesures coercitives unilatérales et ont imposé 129 sanctions à l’Iran, infligeant un préjudice irréparable à l’économie iranienne et à ses relations commerciales internationales. Ces actions ont un effet direct sur le secteur privé iranien, réduisent les revenus des simples citoyens Iraniens et réduisent la capacité de production et d’emploi du secteur privé. Aujourd’hui, la situation est bien pire par rapport au statu quo ante du JCPOA. La liste complète de ces sanctions est jointe à la présente lettre pour plus de clarté.
Le retrait américain du JCPOA et la réimposition subséquente d’un régime de sanctions draconien, total et unilatéral contre l’Iran doivent sonner l’alarme pour la paix et la sécurité internationales. C’est la première fois dans l’histoire de l’ONU qu’un membre permanent du Conseil de Sécurité punit les membres de l’ONU pour avoir respecté une résolution du Conseil de Sécurité.
Il est temps que le Conseil de Sécurité et ses membres assurent et garantissent la pleine application du JCPOA par toutes les parties. Plutôt que de permettre aux États-Unis de répéter ce modèle abusif, le Conseil devrait condamner fermement les États-Unis pour avoir (ré)-imposé leurs sanctions illégales contre l’Iran en violation de la Charte des Nations Unies, de la résolution 2231 du Conseil de Sécurité (2015) et du droit international. Les États-Unis devraient être tenus responsables de ces dommages et la nation iranienne doit être indemnisée de manière adéquate. La communauté internationale doit assurer la mise en œuvre et le respect du JCPOA.
3. Les efforts iraniens de bonne foi pour préserver le JCPOA
À la suite du retrait illégal des États-Unis et de la (ré)-imposition de leurs sanctions qui avaient été levées conformément au JCPOA, tout en réservant son droit immédiat en vertu du paragraphe 26 [1], mon gouvernement a lancé le mécanisme de règlement des différends en vertu du paragraphe 36 du JCPOA le 10 mai 2018. En agissant de bonne foi, nous nous sommes abstenus d’appliquer le « recours » et n’avons pas immédiatement « cessé de remplir [nos] engagements au titre du JCPOA », afin de permettre aux autres participants au JCPOA de tenir leurs engagements.
Comme vous l’avez affirmé dans votre déclaration à la suite du retrait des États-Unis du JCPOA, « Il est essentiel que toutes les préoccupations concernant la mise en œuvre du Plan soient traitées par le biais des mécanismes établis dans le JCPOA » [2] et à la demande des participants au JCPOA et de la communauté internationale ; et alors que l’Iran était en droit d’exercer immédiatement ses droits après le retrait illégal des États-Unis le 8 mai 2018, mon gouvernement a décidé de faire valoir ses droits dans le cadre de la Commission mixte du JCPOA et a poursuivi la mise en œuvre intégrale du JCPOA. Je pense que vous êtes informé de 15 rapports consécutifs de l’AIEA vérifiant tous le plein respect par l’Iran de ses engagements au titre du JCPOA [3].
Comme l’indique clairement la déclaration officielle de la République Islamique d’Iran (S / 2015/550) à la suite de l’adoption de la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies en juillet 2015, « La suppression des sanctions et des mesures restrictives liées au nucléaire par l’Union européenne et les États-Unis signifierait que les transactions et activités visées par le JCPOA pourraient être effectuées avec l’Iran et ses entités partout dans le monde sans crainte des représailles du harcèlement extraterritorial, et que toutes les personnes pourraient librement choisir de s’engager dans des transactions commerciales et financières avec l’Iran. Il est clairement indiqué dans le JCPOA que l’Union européenne et les États-Unis s’abstiendront de réintroduire ou de réimposer les sanctions et les mesures restrictives levées en vertu du JCPOA » [4]. Malheureusement, depuis mai 2018, à la suite des sanctions américaines, l’Iran a été privé des avantages de la levée des sanctions dans le cadre du JCPOA. Dès le début, il était clair que « la réintroduction ou la réimposition, y compris par la prolongation, des sanctions et des mesures restrictives, constitueraient une non-exécution importante qui libérerait l’Iran de ses engagements en tout ou en partie » [5], ce qui est également stipulé au paragraphe 26 du JCPOA.
L’Iran a fait preuve de retenue de bonne foi et a épuisé tous les recours prévus au paragraphe 36 pendant un an après le retrait des États-Unis. Cependant, dans l’atmosphère destructrice qui a suivi le 8 mai, la troïka européenne (France, Allemagne, Royaume-Uni) n’a pas respecté ses engagements et l’Iran n’a eu d’autre choix que de décider d’exercer ses droits en vertu des paragraphes 26 et 36 du JCPOA pour cesser de remplir ses engagements en partie le 8 mai 2019. En fait, l’Iran a officiellement et clairement déclenché et épuisé le mécanisme prévu au paragraphe 36.
Afin de manifester notre bonne foi et notre sérieux désir de protéger le JCPOA, je tiens à souligner une fois de plus que la République Islamique d’Iran reste prête à poursuivre le dialogue à tous les niveaux pour assurer la pleine mise en œuvre du JCPOA par tous les participants et poursuivra une coopération pleine et efficace avec l’AIEA.
Il est de la plus haute importance de noter que le programme nucléaire iranien est surveillé en permanence par la surveillance et la vérification « les plus robustes » de l’AIEA, rendant ainsi matériellement non pertinents les risques perçus quant à la non-prolifération. Même le très récent rapport du directeur général de l’AIEA du 3 mars 2020 indique que « l’Agence continue de vérifier le non-détournement de matières nucléaires déclarées dans les installations nucléaires et dans les emplacements en dehors des installations où les matières nucléaires sont habituellement utilisées (LOFs) déclarés par l’Iran en vertu de son accord de garanties ». [6]
Je voudrais réaffirmer que si les droits et avantages de notre peuple ne sont pas pleinement compensés, L’Iran aura le droit incontestable – reconnu par le JCPOA et la résolution 2231 (2015) du CSNU – de prendre les mesures appropriées en réponse aux actes illégaux persistants des États-Unis.
4. Interprétations abusives par les États-Unis de la résolution 2231 du Conseil de sécurité
Les États membres de l’ONU sont obligés de se conformer aux décisions du Conseil de Sécurité adoptées en vertu de l’article 25. Dans le cas contraire, cela priverait cet organe principal de ses fonctions et pouvoirs essentiels en vertu de la Charte. Pour cette raison, au quatorzième alinéa du préambule de la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Conseil de Sécurité a renvoyé à l’article 25 de la Charte et a souligné que « les États membres sont tenus, en vertu de l’article 25 de la Charte des Nations Unies, d’accepter et de mettre en œuvre les décisions du Conseil de Sécurité ».
La rédaction, l’adoption, l’interprétation et la mise en œuvre des résolutions du Conseil de Sécurité ont un cadre particulier et devraient être soumises aux principes et règles du droit international. Aucun État ne peut se placer au-dessus de la loi (legibus solaus) en bloquant toutes les voies de mise en œuvre de la Résolution 2231 du Conseil de Sécurité (2015) et en la violant par des actes illégaux inacceptables et des interprétations arbitraires. L’interprétation des résolutions du Conseil de Sécurité exige également que d’autres facteurs soient pris en considération. La résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations unies est le produit d’un processus de vote tel que prévu à l’article 27 de la Charte, et le texte final de cette résolution, notamment l’annexe A (JCPOA), représente le point de vue du Conseil de Sécurité dans sa totalité.
En outre, la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies est juridiquement contraignante pour tous les États membres, quelle que soit leur association active ou passive avec sa formulation et son adoption, ou qu’ils aient sapé ou violé gravement ses dispositions en prenant des mesures unilatérales. Il est ironique que l’État qui a participé à l’élaboration et à la négociation de la résolution soit devenu son principal adversaire en la violant gravement.
Les déclarations des représentants des membres du Conseil de Sécurité à l’occasion de l’adoption des résolutions définissent le contexte substantiel de leur interprétation. Le représentant américain à la réunion du Conseil de Sécurité du 20 juillet 2015 a déclaré que « notre travail est loin d’être terminé. La communauté internationale doit appliquer la même rigueur pour garantir le respect du JCPOA que nous l’avons fait pour le rédiger et le négocier. Tout est dans la mise en œuvre » [7]. Le représentant de la France a également précisé qu ‘« il appartient désormais au Conseil de Sécurité d’approuver l’accord de Vienne et de se porter garant de sa mise en œuvre » [8]. L’essence d’une telle garantie n’est pas de renforcer les pouvoirs du Conseil de Sécurité, mais de préserver la dignité et l’intégrité du Conseil et de préserver les objectifs inscrits dans la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité de l’ONU et son annexe A, à savoir le JCPOA.
Il convient de noter que la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies doit également être lue dans le contexte des dispositions énoncées dans le JCPOA (annexe A de la résolution 2231) ; en un sens, la résolution est liée au JCPOA comme par un cordon ombilical. Dans la résolution, le Conseil « Approuve le JCPOA et demande instamment sa pleine mise en œuvre selon le calendrier établi dans le JCPOA ». Ces dispositions du JCPOA visaient à fournir un plan d’action « global » et ont conclu une solution finale à la crise fabriquée de toutes pièces concernant le programme nucléaire pacifique de l’Iran.
En outre, il convient de rappeler que le deuxième paragraphe du dispositif de la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies, dans lequel le Conseil de Sécurité « invite tous les États membres, les organisations régionales et les organisations internationales à prendre les mesures appropriées pour soutenir la mise en œuvre du JCPOA, y compris en prenant des mesures proportionnées au plan de mise en œuvre défini dans le JCPOA et la présente résolution et en s’abstenant de toute action compromettant la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre du JCPOA », oblige évidemment les États à ne pas appliquer les sanctions levées au titre du JCPOA.
Ayant exposé les principales caractéristiques de la résolution 2231 du Conseil de sécurité ci-dessus, trois caractéristiques distinctes de cette résolution pertinentes pour discerner son objet et son but doivent être observées :
- Premièrement, la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies marque un « changement fondamental » dans l’examen par le Conseil de Sécurité de cette question, et contribuera à renforcer la confiance dans la nature exclusivement pacifique du programme nucléaire iranien.
- Deuxièmement, la solution énoncée dans la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies est propice à la promotion et à la facilitation du développement de contacts économiques et commerciaux normaux et de la coopération avec l’Iran, et compte tenu des droits et obligations des États en matière de commerce international.
- Et troisièmement, en ce qui concerne le douzième alinéa du préambule de la résolution 2231 (2015), la fin des dispositions des résolutions précédentes et d’autres mesures est prévue dans la présente résolution, et les États Membres sont invités à tenir compte de ces changements comme il se doit.
Les déclarations de responsables américains indiquant une intention de prendre des mesures contre la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies sont très préoccupantes et peuvent conduire la situation à des développements incontrôlables. Il est un fait reconnu et bien documenté que les efforts en cours des États-Unis pour apporter des modifications substantielles à la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies ne sont pas les premiers du genre ; leur échec en novembre 2019 pour mettre à jour la Liste 2231 était le dernier exemple évident. La résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies a été adoptée pour mettre fin aux sanctions et non pour prolonger celles qui avaient été imposées par les résolutions précédentes ; en ce sens, il ne s’agit pas d’une résolution de sanctions. Toute initiative ignorant ce contexte aura de graves conséquences sur la durabilité et la viabilité des conditions convenues.
Non seulement les États-Unis violent gravement la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies, mais ils tentent de manière flagrante d’inverser la résolution dans un mépris absolu des principes bien établis du droit international. En fait, l’un des principes fondamentaux régissant les relations internationales ainsi établies est qu’un État qui ne s’acquitte pas de ses propres obligations ne peut être reconnu comme conservant les droits qu’il prétend tirer de la relation. Dans ce cas, rien qu’en se retirant du JCPOA, les États-Unis y ont perdu tout droit.
Par conséquent, j’appelle la communauté internationale, et en particulier le Conseil de Sécurité et le Secrétaire Général, à prendre toutes les mesures appropriées pour contrer ces efforts malveillants du gouvernement américain qui sapent considérablement les dispositions de la résolution 2231 (2015) du Conseil de Sécurité. L’ONU doit assumer sa responsabilité contre les récentes actions provocatrices des États-Unis.
Comme spécifié dans la lettre du 8 mai 2019 du Président de la République Islamique d’Iran à ses homologues 4 + 1 [Chine, France, Russie, Royaume-Uni + Allemagne], toute nouvelle sanction ou restriction par le Conseil de Sécurité va à l’encontre des engagements fondamentaux pris envers l’Iran. Dans un tel scénario, les options de l’Iran, comme déjà notifiées aux autres participants du JCPOA, seraient fermes, et les États-Unis et toute entité qui pourrait aider les États-Unis – ou acquiescer à son comportement illégal – en porteraient la responsabilité.
Comme je l’ai déclaré il y a près de 14 ans au Conseil de Sécurité des Nations Unies, « le peuple et le gouvernement de la République Islamique d’Iran ne recherchent pas la confrontation et ont toujours montré leur volonté d’engager des négociations sérieuses et constructives, basées sur le respect mutuel et sur un pied d’égalité. Ils ont également montré, à maintes reprises, leur résilience face à la pression, à la menace, à l’injustice et à la coercition ». [9] Ma nation a déjà montré sa bonne foi et son haut sens de la responsabilité. C’est maintenant au tour de la communauté internationale de rendre la pareille au peuple iranien. En conséquence, j’exhorte les Nations Unies à tenir les États-Unis pour responsables de leur conduite unilatérale et irresponsable qui mettra en péril la crédibilité du Conseil de Sécurité de l’ONU et portera atteinte à l’intégrité de la Charte des Nations Unies.
Je vous serais obligé de bien vouloir faire distribuer cette lettre comme document de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité.
Veuillez agréer, Excellence, l’assurance de ma très haute considération
NOTES
[1] Paragraphe 26 du JCPOA : « L’Iran a déclaré qu’il traiterait une telle réintroduction ou réimposition des sanctions spécifiées à l’annexe II, ou une telle imposition de nouvelles sanctions liées au nucléaire, comme des motifs de cesser ses engagements au titre du présent JCPOA, en tout ou en partie. »
[2] « Déclaration du Secrétaire général sur le Plan d’action global commun (JCPOA) », 8 mai 2018, disponible sur https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2018-05-08/statement-secretary-general-joint-comprehensive-plan-action-jcpoa
[3] Rapports de l’AIEA au Conseil de Sécurité : S / 2016/57 (19 janvier 2016), S / 2016/250 (15 mars 2016), S / 2016/535 (13 juin 2016), S / 2016/808 (22 Septembre 2016), S / 2016/983 (21 novembre 2016), S / 2017/234 (20 mars 2017), S / 2017/502 (14 juin 2017), S / 2017/777 (13 septembre 2017), S / 2017/994 (28 novembre 2017), S / 2018/205 (8 mars 2018), S / 2018/540 (6 juin 2018), S / 2018/835 (12 septembre 2018), S / 2018/1048 (26 novembre 2018), S / 2019/212 (6 mars 2019), S / 2019/496 (14 juin 2019).
[4] S / 2015/550, lettre datée du 20 juillet 2015, adressée au Président du Conseil de Sécurité par le Représentant permanent de la République Islamique d’Iran auprès de l’Organisation des Nations Unies.
[5] S / 2015/550, lettre datée du 20 juillet 2015, adressée au Président du Conseil de Sécurité par le Représentant permanent de la République Islamique d’Iran auprès de l’Organisation des Nations Unies.
[6] AIEA, Rapport du Directeur général, « Vérification et surveillance en République Islamique d’Iran à la lumière de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies », mars 2020. Disponible sur https://www.iaea.org/sites/default/files/20/03/gov2020-5.pdf
[7] Remarques de Mme Power (États-Unis d’Amérique), Conseil de Sécurité, 71e année: 7488e séance, lundi 20 juillet 2015, New York. Disponible sur https://undocs.org/S/PV
[8] Remarques de M. Delattre (France), Conseil de Sécurité, 71e année: 7488e séance, lundi 20 juillet 2015, New York. Disponible sur: https://undocs.org/S/PV.7488
[9] Conseil de sécurité, 61e année : 5500e séance, lundi 31 juillet 2006, New York. Disponible sur: https://digitallibrary.un.org/record/580129?ln=en
Voir également : Après Youtube & Facebook, Vimeo bannit les vidéos de Nasrallah et ‘Le Cri des Peuples’
Pour ne manquer aucune publication et soutenir ce travail censuré en permanence, partagez cet article et abonnez-vous à la Newsletter. Vous pouvez aussi nous suivre sur Facebook et Twitter.
Source: Lire l'article complet de Le Cri des Peuples