À quelques jours de la Journée de la Victoire, le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas et l’historien Andreas Wirsching ont publié dans le magazine Der Spiegel un article à l’occasion du 75ème anniversaire de la capitulation totale et sans condition de l’Allemagne fasciste signée dans la nuit du 8 au 9 mai à Berlin.
Le ministre Maas n’a pas choisi un historien connu dans son pays en tant que coauteur par hasard. Le contenu de la publication devait paraître scientifiquement justifié et non comme une simple déclaration d’un politique à l’occasion d’un anniversaire. Il n’est donc pas à douter que le chef de la diplomatie allemande poursuivait plusieurs objectifs à la fois.
Ce qui se confirme en lisant l’article jusqu’au bout. Étant donné que malgré les sanctions antirusses de l’UE le gouvernement allemand cherche à préserver les bases de la coopération économique russo-allemande, à empêcher leur destruction définitive, la déclaration claire que « l’Allemagne est la seule » responsable pour le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale a forcément suscité une réaction positive à Moscou. C’est pourquoi la plupart des médias russes se sont concentrés avant tout sur cette thèse de Heiko Maas. D’autant qu’elle était suivie par la condamnation de « ceux qui cherchent à faire passer pour coupables d’autres peuples ne commettent pas seulement une injustice envers les victimes. Ils divisent également l’Europe ».
Mais il ne faut pas extrapoler les propos de Heiko Maas selon la vision russe de l’histoire et son développement actuel, même si le ministre appelle l’Allemagne à « l’autocritique » en attaquant le nationalisme et l’antisémitisme qui relèvent la tête en Europe. Derrière cette thèse parfaitement juste on perçoit un objectif national du ministre en tant que représentant des sociaux-démocrates de la coalition dirigeante à Berlin.
Les législatives sont prévues pour 2021, et les perspectives d’y montrer un résultat plus ou moins décent pour le SPD sont dérisoires. Dans tous les sondages et à l’issue des législatives régionales dans l’Est de l’Allemagne la popularité des sociaux-démocrates a chuté jusqu’à environ 10%. Sachant que leur principal concurrent Alternative pour l’Allemagne (AfD) possède plus du double d’avance sur le SPD. De toute évidence, le ministre cherche précisément à blâmer l’AfD en tant que nationalistes et antisémites.
Heiko Maas affirme ensuite que l’Allemagne prône une « Europe forte et unie », parle de la « mémoire des crimes cruels sans précédent de l’Allemagne au XXe siècle prenant la forme monstrueuse de l’Holocauste ». Il écrit que « la Russie et d’autres pays de l’ex-Union Soviétique se souviennent des héros et célèbrent la fin de la guerre avec des défilés de la Victoire. Et les alliés occidentaux organisent des célébrations le 8 mai. Nous remercions à ce jour tous ceux qui ont combattu contre la dictature nationale-socialiste ».
Cependant, la seconde partie de l’article laisse clairement entendre qui a sa place au sein de « l’Europe unie », selon le ministre et l’historien allemands. Et ce n’est pas la Russie.
Parce que, d’après Heiko Maas et, manifestement, de toute la coalition allemande au pouvoir, « les gens en Pologne et dans les pays baltes, ainsi que dans d’autres pays de l’Europe centrale, de l’Est et du Sud-Est ont des sentiments mitigés par rapport au 8 mai. La joie de la victoire sur le national-socialisme est liée pour eux au début d’une nouvelle forme de captivité et de dépendance extérieure – une expérience similaire ont connu les habitants de l’Allemagne de l’Est ». C’est là que nous entendons le « véritable Européen » Heiko Maas. Quant aux « gens en Allemagne de l’Est », le ministre allemand ne devrait pas s’emballer. Leur mémoire ne dépend pas de ses réflexions. C’est pourquoi, malgré l’annulation des activités de masse à cause de la pandémie de coronavirus, beaucoup de personnes ont déposé des fleurs le 8 mai devant les monuments militaires soviétiques. Il faut avouer que tous ces monuments sont très bien entretenus en Allemagne aussi bien par les autorités que par les Allemands ordinaires qui n’ont pas de problème avec la mémoire historique.
À noter que dans son discours à la Neue Wache, après une cérémonie de dépôt de fleurs modeste à cause de la pandémie avec la participation de la chancelière allemande Angela Merkel, le président allemand Frank-Walter Steinmeier a parlé d’une « libération venue de l’extérieur ». Sans aucunement mentionner les alliés ni l’Armée rouge en particulier. Alors qu’il a prononcé assez de mots élogieux. Il ne faut donc pas surestimer le mot « Спасибо » (merci) prononcé en russe devant la porte de Brandebourg.
source : https://www.observateurcontinental.fr
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