Par Ron Unz, American Pravda
Près de 30 000 Américains sont morts du coronavirus au cours des deux dernières semaines, et selon certaines estimations, il s’agit d’une sous-évaluation, alors que le nombre de décès continue à augmenter rapidement. Pendant ce temps, les mesures visant à contrôler la propagation de cette infection mortelle ont déjà coûté leur emploi à 22 millions d’Américains, un effondrement économique sans précédent qui a fait grimper nos taux de chômage au niveau de ceux de la Grande Dépression. Notre pays est confronté à une crise aussi grave que presque toutes celles de notre histoire nationale.
Pendant de nombreuses semaines, le président Trump et ses alliés politiques avaient régulièrement écarté ou minimisé cette terrible menace pour la santé, et soudain, face à un désastre aussi manifeste, ils ont naturellement commencé à chercher d’autres coupables à blâmer.
Le choix évident, c’est la Chine, où l’épidémie mondiale a commencé à la fin de 2019. Depuis une semaine ou deux, nos médias sont de plus en plus nombreux à accuser la malhonnêteté et l’incompétence du gouvernement chinois d’avoir joué un rôle majeur dans la production de notre propre catastrophe sanitaire.
Des accusations encore plus graves sont également portées, de hauts fonctionnaires du gouvernement informant les médias qu’ils soupçonnent que le virus Covid-19 a été développé dans un laboratoire chinois à Wuhan, puis lâché par négligence sur un monde vulnérable. De telles « théories du complot » étaient autrefois confinées à la frange politique extrême de l’Internet, mais on les trouve maintenant dans les pages respectables de mon New York Times quotidien et du Wall Street Journal du matin.
Qu’elles soient plausibles ou non, ces accusations ont les plus graves implications internationales, et il y a des demandes croissantes pour que la Chine compense financièrement les billions de dollars de pertes économiques subies par les USA. Une nouvelle guerre froide mondiale, à la fois politique et économique, pourrait bientôt voir le jour.
Je n’ai pas de compétence personnelle en matière de technologie de guerre biologique, ni accès aux rapports secrets des services de renseignement américains qui semblent avoir été pris au sérieux par nos journaux nationaux les plus élitaires. Mais je pense qu’une exploration minutieuse des précédents affrontements sino-américains de ces deux dernières décennies pourrait donner un aperçu utile de la crédibilité relative de ces deux gouvernements ainsi que de celle de nos propres médias.
Les mensonges officiels américains sur la Chine, depuis le supposé massacre de Tienanmen
À la fin des années 1990, l’Amérique semblait avoir atteint le sommet de sa puissance et de sa prospérité mondiales, se réjouissant de sa victoire historique dans la longue Guerre froide, tandis que les Américains ordinaires ont grandement bénéficié de l’expansion économique record de cette décennie. Un énorme boom technologique était à son apogée, et le terrorisme islamique semblait une chose vague et lointaine, presque entièrement confinée aux films hollywoodiens. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, la possibilité d’une guerre à grande échelle semblait s’être dissipée, si bien que les dirigeants politiques se sont vantés des « dividendes de la paix » dont les citoyens commençaient à profiter; pendant ce temps, nos énormes forces militaires, constituées sur près d’un demi-siècle, se voyaient réduites au moyen de coupes sombres dans le budget de défense gonflé. L’Amérique revenait enfin à une économie régulière en temps de paix, dont les avantages étaient évidents pour tout le monde.
À l’époque, je me concentrais essentiellement sur les questions de politique intérieure, aussi n’avais-je accordé qu’une attention minime à notre seule petite opération militaire de cette période, la guerre aérienne de l’OTAN contre la Serbie en 1999, destinée à protéger les Albanais du Kosovo contre le nettoyage ethnique et le massacre, un projet de l’administration Clinton que j’avais pleinement approuvé à l’époque.
Bien que notre campagne de bombardement limitée ait semblé assez réussie et qu’on ait bientôt forcé les Serbes à s’asseoir à la table des négociations, la courte guerre a comporté un incident très embarrassant. L’utilisation de vieilles cartes avait entraîné une erreur de ciblage qui a fait qu’une de nos bombes intelligentes a accidentellement frappé l’ambassade de Chine à Belgrade, tuant trois membres de sa délégation et en blessant des dizaines d’autres. Les Chinois ont été scandalisés par cet incident, et leurs organes de propagande ont commencé à prétendre que l’attaque avait été délibérée, une accusation imprudente qui n’avait manifestement aucun sens logique.
À l’époque, je regardais le Newshour de PBS tous les soirs, et j’étais choqué de voir l’ambassadeur américain soulever ces accusations absurdes avec l’animateur Jim Lehrer, dont l’incrédulité correspondait à la mienne. Mais lorsque j’ai considéré que le gouvernement chinois s’obstinait encore à nier la réalité de son massacre des étudiants protestataires sur la place Tiananmen une décennie plus tôt, j’en ai conclu qu’il fallait s’attendre à un comportement déraisonnable de la part des responsables de la RPC. En effet, il y avait même des spéculations sur le fait que la Chine exploitait cyniquement ce malheureux accident pour des raisons intérieures, espérant alimenter le genre d’anti-américanisme jingoïste au sein du peuple chinois qui contribuerait enfin à panser les plaies sociales de ce scandale de 1989.
C’est du moins ce que je pensais à ce sujet il y a plus de deux décennies. Mais dans les années qui ont suivi, ma compréhension du monde et de nombreux événements marquants de l’histoire moderne a subi les transformations radicales que j’ai décrites dans ma série Americana Pravda. Et j’ai remis en question certaines de mes hypothèses des années 1990.
Prenons, par exemple, le massacre de la place Tienanmen, qui, chaque 4 juin, suscite encore une vague annuelle de condamnations sévères dans les pages d’information et d’opinion de nos principaux journaux nationaux. Je n’avais jamais douté de ces faits au départ, mais il y a un an ou deux, je suis tombé par hasard sur un court article du journaliste Jay Matthews intitulé « Le mythe de Tienanmen » qui a complètement bouleversé ce mirage.
Selon Matthews, le tristement célèbre massacre n’avait probablement jamais eu lieu, mais n’était qu’un artefact médiatique produit par des reporters occidentaux confus et une propagande malhonnête, une croyance erronée qui s’était rapidement ancrée dans notre scénario médiatique standard, sans cesse répétée par tant de journalistes ignorants au point qu’ils ont tous fini par croire qu’elle était vraie. Au lieu de cela, aussi précisément qu’on puisse le déterminer, les étudiants protestataires avaient tous quitté la place Tienanmen pacifiquement, comme le gouvernement chinois l’avait toujours soutenu. En effet, les principaux journaux tels que le New York Times et le Washington Post ont parfois reconnu ces faits au fil des ans, mais ont généralement enterré ces maigres aveux si profondément au détour de quelque article que peu de gens les ont remarqués. Pendant ce temps, la plupart des grands médias étaient tombés dans le piège de ce qui ressemble bien à un canular.
Matthews lui-même avait été le chef du bureau de Pékin du Washington Post, couvrant personnellement les manifestations à l’époque, et son article est paru dans la Columbia Journalism Review, notre plus prestigieux organe critique des médias. Cette analyse faisant autorité et contenant des conclusions aussi explosives a été publiée pour la première fois en 1998, et j’ai du mal à croire que de nombreux reporters ou rédacteurs en chef couvrant la Chine soient restés ignorants de cette information, alors même que l’impact en a été absolument nul. Depuis plus de vingt ans, pratiquement tous les comptes rendus des grands médias que j’ai lus continuent de promouvoir le canular du massacre de la place Tienanmen, généralement de manière implicite mais parfois explicite.
Plus remarquables encore ont été les découvertes que j’ai faites concernant le bombardement prétendument accidentel de l’ambassade de Chine en 1999. Peu de temps après le lancement de ce site, j’ai ajouté Peter Lee, ancien collaborateur de l’Asia Times, en tant que chroniqueur, en mettant en lien les archives de son blog China Matters qui s’étendaient sur une décennie. Il a rapidement publié un article de 7 000 mots sur l’attentat à la bombe contre l’ambassade de Belgrade, représentant une compilation de matériel déjà contenu dans une demi-douzaine d’articles précédents qu’il avait écrits sur ce sujet à partir de 2007. À ma grande surprise, il a fourni un grand nombre de preuves convaincantes que l’attaque américaine contre l’ambassade chinoise avait effectivement été délibérée, comme la Chine l’avait toujours prétendu.
Selon M. Lee, Pékin avait permis que son ambassade soit utilisée comme site de transmission radio sécurisée par l’armée serbe, dont le propre réseau de communication était une cible principale des frappes aériennes de l’OTAN. Pendant ce temps, les défenses aériennes serbes avaient abattu un chasseur américain F-117A de pointe, dont la technologie furtive top-secrète était un secret militaire américain crucial. Des débris de cette épave extrêmement précieuse avaient été soigneusement rassemblées par les Serbes reconnaissants, qui les avaient livrées aux Chinois pour qu’ils les stockent temporairement à leur ambassade avant de les transporter chez eux. Cette acquisition technologique vitale a ensuite permis à la Chine de déployer son propre chasseur furtif J20 au début de 2011, bien des années plus tôt que les analystes militaires américains ne l’avaient cru possible.
Sur la base de cette analyse, Lee a soutenu que l’ambassade chinoise avait été attaquée afin de détruire les installations de retransmission serbes qui s’y trouvaient, tout en punissant les Chinois pour avoir permis une telle utilisation. Il y avait également des rumeurs répandues en Chine selon lesquelles un autre motif était une tentative infructueuse pour détruire les débris de l’avion furtif qui y étaient entreposés. Des témoignages ultérieurs du Congrès ont révélé que, parmi les centaines de frappes aériennes de l’OTAN, l’attaque de l’ambassade chinoise était la seule à avoir été directement ordonnée par la CIA, un détail hautement suspect.
Je ne connaissais que très peu le travail de Lee, et dans des circonstances normales, j’aurais été très prudent face à ses remarquables affirmations contre la position contraire universellement adoptée par tous nos propres médias d’élite. Mais les sources qu’il citaient ont complètement bouleversé cet équilibre.
Bien que les médias américains dominent le monde anglophone, de nombreuses publications britanniques possèdent également une solide réputation mondiale, et comme elles sont souvent beaucoup moins sous l’emprise de notre propre État de sécurité nationale, elles ont parfois couvert des histoires importantes qui ont été ignorées ici. Et dans ce cas, le Sunday Observer a publié un exposé remarquable en octobre 1999, citant plusieurs sources militaires et de renseignement de l’OTAN qui ont pleinement confirmé la nature délibérée du bombardement américain de l’ambassade de Chine, un colonel américain se vantant même, semble-t-il, que leur bombe intelligente ait touché exactement la pièce visée.
Cette importante histoire a été immédiatement résumée dans le Guardian, une publication sœur, et également couverte par le (concurrent) Times de Londres et par de nombreuses autres publications parmi les plus prestigieuses du monde, mais elle s’est heurtée à un mur de silence absolu dans notre propre pays. Une telle divergence bizarre sur une histoire d’importance stratégique mondiale – une attaque délibérée et meurtrière des États-Unis contre le territoire diplomatique chinois – a attiré l’attention de FAIR, un groupe américain de surveillance des médias de premier plan, qui a publié une première critique et un suivi ultérieur. Ces deux articles totalisent quelque 3 000 mots et résument efficacement à la fois les preuves accablantes des faits et la lourde couverture internationale, tout en rapportant les faibles excuses avancées par les principaux éditorialistes américains pour expliquer leur silence persistant. Sur la base de ces articles, je considère que l’affaire est réglée.
Peu d’Américains se souviennent de notre attaque de 1999 contre l’ambassade de Chine à Belgrade, et si ce n’était à cause de l’agitation rituelle d’un drapeau sanglant tous les 4 juin par nos médias ignorants et malhonnêtes, le « massacre de la place Tienanmen » aurait également disparu depuis longtemps de la mémoire. Aucun de ces événements n’a aujourd’hui une grande importance directe, du moins pour nos propres citoyens. Mais les implications médiatiques plus larges de ces exemples semblent assez importantes.
Ces incidents ont représenté deux des plus graves points chauds entre les gouvernements chinois et américain au cours des trente dernières années. Dans les deux cas, les affirmations du gouvernement chinois étaient tout à fait correctes, bien qu’elles aient été démenties par nos propres dirigeants politiques et rejetées ou ridiculisées par pratiquement tous nos médias grand public. De plus, en quelques mois ou un an, de nombreux journalistes ont pris connaissance des faits réels, qui ont même été rapportés dans des lieux tout à fait respectables. Mais cette réalité est restée complètement ignorée et comme supprimée pendant des décennies, de sorte qu’aujourd’hui, presque aucun Américain dont l’information provient de nos médias réguliers n’en a même connaissance. En effet, comme de nombreux jeunes journalistes tirent leur connaissance du monde de ces mêmes sources médiatiques d’élite, je soupçonne que beaucoup d’entre eux n’ont jamais appris ce que leurs prédécesseurs savaient mais n’osaient pas mentionner.
Rapports entre les médias, les réseaux sociaux et les services de renseignement
La plupart des grands médias chinois sont détenus ou contrôlés par le gouvernement chinois, et ils ont tendance à suivre largement la ligne du gouvernement. Les principaux médias américains ont une structure de propriété privée, d’entreprise, et se vantent souvent de leur indépendance farouche ; mais sur de nombreux sujets cruciaux, je pense que la réalité n’est pas si différente de celle de la Chine.
J’ai tendance à douter que les dirigeants chinois aient un quelconque engagement prioritaire envers la vérité, et les raisons de leur plus grande véracité sont probablement d’ordre pratique. Les informations et les divertissements américains dominent complètement le paysage médiatique mondial et ils ne sont confrontés à aucun rival national important. La Chine reconnaît donc qu’elle est largement dépassée dans tout conflit de propagande, et en tant que partie la plus faible, elle doit nécessairement essayer de se rapprocher de la vérité, de peur que ses mensonges ne soient immédiatement exposés. En attendant, le contrôle écrasant de l’Amérique sur l’information mondiale peut inspirer une arrogance considérable, le gouvernement promouvant parfois les mensonges les plus scandaleux et les plus ridicules dans la conviction que le moindre média américain favorable couvrira toute erreur.
Il convient de garder ces considérations à l’esprit lorsque nous tentons de passer au crible les comptes rendus de nos médias souvent peu fiables et malhonnêtes, dans l’espoir d’extraire les véritables circonstances de l’épidémie actuelle de coronavirus. Contrairement aux études historiques minutieuses, nous travaillons en temps réel et notre analyse est fortement entravée par le brouillard de guerre permanent, de sorte que toute conclusion est nécessairement très provisoire. Mais compte tenu des enjeux élevés, une telle tentative semble justifiée.
Lorsque mes journaux du matin ont commencé à mentionner l’apparition d’une nouvelle maladie mystérieuse en Chine à la mi-janvier, je n’y ai guère prêté attention, absorbé comme je l’étais par les conséquences de notre soudain assassinat du principal chef militaire iranien et la dangereuse possibilité d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Mais les rapports ont persisté et se sont multipliés, avec des décès et des preuves de plus en plus nombreuses que la maladie virale pouvait se transmettre entre humains. Les premiers efforts conventionnels de la Chine semblent avoir échoué à stopper la propagation de la maladie.
Le 23 janvier, après seulement 17 morts, le gouvernement chinois a pris la décision étonnante de mettre en quarantaine les 11 millions d’habitants de la ville de Wuhan, une mesure qui a attiré l’attention du monde entier. Il a rapidement étendu cette politique aux 60 millions de Chinois de la province du Hubei, ensuite, pour en venir à mettre à l’arrêt son économie nationale et à boucler 700 millions de Chinois dans leurs foyers, une mesure de santé publique probablement mille fois plus importante que tout ce qui a été entrepris auparavant dans l’histoire de l’humanité. Soit les dirigeants chinois étaient soudainement devenus fous, soit ils considéraient ce nouveau virus comme une menace nationale absolument mortelle, qu’il fallait contrôler à tout prix.
Compte tenu de ces actions chinoises spectaculaires et des gros titres internationaux qu’elles ont générés, les accusations actuelles des responsables de l’administration Trump selon lesquelles la Chine aurait tenté de minimiser ou de dissimuler la gravité de l’épidémie sont tellement ridicules qu’elles défient toute rationalité. En tout cas, le dossier montre que le 31 décembre, les Chinois avaient déjà alerté l’Organisation mondiale de la santé sur cette nouvelle maladie étrange, et les scientifiques chinois ont publié le 12 janvier le génome complet du virus, ce qui a permis de produire des tests de diagnostic dans le monde entier.
Contrairement à d’autres nations, la Chine n’avait reçu aucun avertissement préalable sur la nature ou l’existence de cette nouvelle maladie mortelle, et se trouvait donc confrontée à des obstacles uniques. Mais son gouvernement a mis en place des mesures de contrôle de la santé publique sans précédent dans l’histoire du monde et a réussi à éradiquer presque complètement la maladie, avec seulement la perte de quelques milliers de vies. Pendant ce temps, de nombreux autres pays occidentaux comme les États-Unis, l’Italie, l’Espagne, la France et la Grande-Bretagne ont traîné pendant des mois et ignoré la menace potentielle, et ont maintenant subi bien plus de 100 000 morts en conséquence, le bilan continuant à s’alourdir rapidement. Pour ces nations ou leurs organes de presse, critiquer la Chine pour son inefficacité ou sa lenteur de réaction représente une inversion absolue de la réalité.
Certains gouvernements ont tiré pleinement parti de l’alerte précoce et des informations scientifiques fournies par la Chine. Bien que les nations voisines de l’Asie de l’Est, comme la Corée du Sud, le Japon, Taïwan et Singapour aient été les plus menacées et aient été parmi les premières à être infectées, leurs réponses compétentes et énergiques leur ont permis de supprimer presque complètement toute épidémie majeure, et elles ont subi un nombre minimal de décès. Mais l’Amérique et plusieurs pays européens ont évité d’adopter ces mêmes mesures précoces telles que les tests généralisés, la quarantaine et la recherche de la chaîne des contacts, et ont payé un prix terrible pour leur insouciance.
Il y a quelques semaines, le Premier ministre britannique Boris Johnson a audacieusement déclaré que sa propre stratégie de lutte contre la maladie pour la Grande-Bretagne était basée sur l’obtention rapide d’une « immunité collective » – encourageant essentiellement la majorité de ses citoyens à être infectés – puis a rapidement fait marche arrière après que ses conseillers désespérés aient reconnu que le résultat pourrait entraîner un million de morts britanniques ou plus.
La réponse de la Chine et de la plupart des pays d’Extrême Orient à cette crise sanitaire mondiale a été absolument exemplaire, alors que celle de nombreux pays occidentaux a été symétriquement désastreuse. Le maintien d’une santé publique raisonnable est une fonction de base des gouvernements depuis l’époque des cités-États de Sumer, et l’incompétence pure et totale de l’Amérique et de la plupart de ses vassaux européens est à couper le souffle. Si les médias occidentaux tentent de prétendre le contraire, ils perdront définitivement la crédibilité internationale qu’ils possèdent encore.
Je ne pense pas que ces faits particuliers soient très contestés, sauf par les partisans les plus aveugles, et l’administration Trump reconnaît probablement qu’il est inutile de prétendre le contraire. Cela explique probablement son récent changement d’orientation vers un récit beaucoup plus explosif et controversé, à savoir l’affirmation que Covid-19 pourrait avoir été le produit de recherches chinoises sur des virus mortels dans un laboratoire de Wuhan, ce qui suggère que le sang de centaines de milliers ou de millions de victimes dans le monde sera sur les mains des Chinois. Des accusations dramatiques, qui, soutenues par une puissance médiatique internationale écrasante, pourraient avoir une profonde résonance dans le monde entier.
Les informations publiées dans le Wall Street Journal et le New York Times ont été relativement cohérentes. Des hauts fonctionnaires de l’administration Trump ont désigné l’Institut de virologie de Wuhan, un laboratoire biologique chinois de premier plan, comme la source possible de l’infection, le virus mortel ayant été accidentellement libéré, se propageant ensuite d’abord en Chine puis dans le monde entier. Trump lui-même a publiquement exprimé des soupçons similaires, tout comme le secrétaire d’État et ancien directeur de la CIA Mike Pompeo dans une interview sur Fox News. Des militants de droite ont déjà intenté des procès privés à la Chine pour plusieurs billions de dollars et les sénateurs républicains Tom Cotton et Lindsey Graham ont évoqué des demandes gouvernementales similaires.
Je n’ai évidemment pas d’accès personnel aux rapports secrets des services de renseignement qui ont servi de base à ces accusations par Trump, Pompeo et d’autres hauts fonctionnaires de l’administration. Mais en lisant ces récents comptes rendus, j’ai remarqué quelque chose d’assez étrange.
En janvier dernier, peu d’Américains prêtaient beaucoup d’attention aux premiers rapports concernant une épidémie inhabituelle dans la ville chinoise de Wuhan, qui n’était guère connue du grand public. Au lieu de cela, l’attention politique était concentrée sur la bataille pour la destitution de Trump et les conséquences de notre dangereuse confrontation militaire avec l’Iran. Mais vers la fin de ce mois, j’ai découvert que les marges de l’Internet étaient inondées d’allégations selon lesquelles la maladie était causée par une arme biologique chinoise accidentellement libérée dans la nature par ce même laboratoire de Wuhan. L’ancien conseiller de Trump, Steve Bannon, et ZeroHedge, un site web populaire conspirationniste de droite, ont joué un rôle de premier plan dans l’avancement de cette théorie. En effet, ces histoires se sont tellement répandues dans ces cercles idéologiques que le sénateur Tom Cotton, un néocon républicain de premier plan, a commencé à les promouvoir sur Twitter et FoxNews, provoquant ainsi un article dans le NYT sur ces « théories de conspiration marginales ».
Je pense qu’il est peut-être plus que purement fortuit que les théories de guerre biologique qui ont éclaté de manière si concertée sur de petits sites web politiques et des comptes de médias sociaux en janvier dernier correspondent si étroitement à celles qui sont maintenant publiquement préconisées par les hauts fonctionnaires de l’administration Trump; et qui sont supposées être basées sur nos sources de renseignements les plus sûres. Peut-être que quelques citoyens activistes intrépides ont réussi à reproduire les conclusions de notre appareil de renseignement obtenues à coups de milliards de dollars, et l’ont fait en quelques jours alors que cela avait nécessité de la part des agences des semaines ou des mois. Mais un scénario plus probable est que la vague de spéculation de janvier avait été alimentée par des fuites privées et des « conseils » fournis par exactement les mêmes éléments qui aujourd’hui lancent très publiquement des accusations similaires dans les médias d’élite. Au départ, la promotion de théories controversées dans des médias moins connus a longtemps été une pratique assez courante dans le domaine du renseignement.
Quelles que soient les origines de l’idée, est-il plausible que l’épidémie de coronavirus ait pu provenir d’une fuite accidentelle de ce laboratoire chinois ? Je ne suis pas au courant des procédures de sécurité des installations du gouvernement chinois, mais en faisant preuve d’un peu de bon sens, on peut élucider cette question.
Bien que le coronavirus ne soit que modérément mortel, avec apparemment un taux de mortalité de 1 % ou moins, il est extrêmement contagieux, y compris pendant une période pré-symptomatique prolongée et également parmi les porteurs asymptomatiques. Ainsi, certaines parties des États-Unis et de l’Europe subissent aujourd’hui de lourdes pertes, tandis que les politiques adoptées pour contrôler la propagation ont dévasté leurs économies nationales. Bien qu’il soit peu probable que le virus tue plus qu’une petite partie de notre population, nous avons vu avec consternation comment une épidémie majeure peut si facilement détruire toute notre vie économique.
En janvier, les journalistes qui ont couvert la crise sanitaire croissante de la Chine ont régulièrement souligné que la mystérieuse nouvelle épidémie virale s’était produite au pire moment et au pire endroit possible, apparaissant dans le principal centre de transport de Wuhan juste avant les vacances du Nouvel An lunaire, alors que des centaines de millions de Chinois se rendaient normalement chez leurs lointaines familles pour les fêtes, ce qui risquait de propager la maladie dans toutes les régions du pays et de produire une épidémie permanente et incontrôlable. Le gouvernement chinois a évité ce triste sort en prenant la décision sans précédent de fermer toute son économie nationale et de confiner 700 millions de Chinois dans leurs propres maisons pendant de nombreuses semaines. Mais l’issue fatale semble avoir été évitée de justesse et si Wuhan était resté ouverte quelques jours de plus, la Chine aurait pu facilement subir une dévastation économique et sociale à long terme.
Le moment d’une libération accidentelle du virus en laboratoire serait évidemment entièrement aléatoire. Pourtant, l’épidémie semble avoir commencé pendant la période précise la plus susceptible de nuire à la Chine, soit la pire fenêtre possible de dix ou peut-être trente jours. Comme je l’ai fait remarquer en janvier, je n’ai trouvé aucune preuve solide que le coronavirus était une arme biologique, mais si c’était le cas, le moment de la dissémination semblait très peu susceptible d’avoir été accidentel.
La logique des évènements
Si le virus a été libéré intentionnellement, le contexte et le motif d’une telle attaque de guerre biologique contre la Chine ne pourraient pas être plus évidents. Bien que nos médias malhonnêtes continuent de prétendre le contraire, la taille de l’économie chinoise a dépassé la nôtre il y a plusieurs années, et a continué à croître beaucoup plus rapidement. Les entreprises chinoises ont également pris la tête de plusieurs technologies cruciales, Huawei étant devenu le premier fabricant mondial d’équipements de télécommunications et dominant l’important marché de la 5G. La vaste initiative chinoise de la Route de la Soie a menacé de réorienter le commerce mondial autour d’une masse terrestre eurasienne interconnectée, réduisant considérablement l’influence du contrôle américain sur les mers. J’ai suivi la Chine de près pendant plus de quarante ans et les tendances n’ont jamais été aussi évidentes. En 2012, j’ai publié un article au titre provocateur « L’ascension de la Chine, la chute de l’Amérique… » et depuis lors, je n’ai vu aucune raison de réévaluer mon verdict.
Quelle superpuissance est la plus menacée par ses ‘élites extractives’ ?Pendant les trois générations qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique s’est imposée comme la puissance économique et technologique suprême du monde, tandis que l’effondrement de l’Union soviétique, il y a trente ans, nous a laissés comme la seule superpuissance restante, face à aucun rival militaire imaginable. Le sentiment croissant que nous étions en train de perdre rapidement cette position incontestée a certainement inspiré la rhétorique anti-Chinoise de nombreux hauts responsables de l’administration Trump, qui ont lancé une guerre commerciale majeure peu après leur entrée en fonction. La misère et l’appauvrissement croissants de larges pans de la population américaine ont naturellement poussé ces électeurs à chercher un bouc émissaire commode, et les Chinois prospères et en pleine ascension ont fait une cible parfaite.
Malgré le conflit économique croissant entre les États-Unis et la Chine au cours des deux dernières années, je n’avais jamais envisagé la possibilité que les choses prennent une tournure militaire. Les Chinois avaient depuis longtemps déployé des missiles à portée intermédiaire avancée dont beaucoup pensaient qu’ils pourraient facilement couler nos transporteurs dans la région, et ils avaient aussi généralement amélioré leur dissuasion militaire conventionnelle. En outre, la Chine était en assez bons termes avec la Russie, qui était elle-même la cible d’une intense hostilité américaine depuis plusieurs années ; et la nouvelle série de missiles hypersoniques révolutionnaires de la Russie avait réduit considérablement tout avantage stratégique américain. Ainsi, une guerre conventionnelle contre la Chine semblait une entreprise absolument désespérée, alors que les hommes d’affaires et les ingénieurs chinois exceptionnels gagnaient constamment du terrain face au système économique américain en déclin et lourdement financiarisé.
Dans ces circonstances difficiles, une attaque de guerre biologique américaine contre la Chine aurait pu sembler la seule carte qui restait à jouer dans l’espoir de maintenir la suprématie américaine. Un démenti plausible minimiserait le risque de représailles chinoises directes et, en cas de succès, le coup terrible infligé à l’économie chinoise la retarderait pendant de nombreuses années, voire déstabiliserait son système social et politique. L’utilisation de médias alternatifs pour promouvoir immédiatement les théories selon lesquelles l’épidémie de coronavirus était le résultat d’une fuite d’un laboratoire de guerre biologique chinois était un moyen naturel de prévenir toute accusation chinoise ultérieure allant dans le même sens, permettant ainsi à l’Amérique de gagner la guerre de propagande internationale avant même que la Chine n’ait commencé à jouer.
La décision de certains éléments de notre sécurité nationale de mener une guerre biologique dans l’espoir de maintenir la puissance mondiale américaine serait certainement un acte extrêmement imprudent, mais l’imprudence extrême est devenue un aspect régulier du comportement américain depuis 2001, en particulier sous l’administration Trump. Un an auparavant, nous avions enlevé la fille du fondateur et président de Huawei, qui était également directeur financier et l’un des plus hauts dirigeants chinois, alors qu’au début du mois de janvier, nous avons soudainement assassiné le plus haut dirigeant militaire iranien.
Ce sont les réflexions qui m’ont traversé l’esprit au cours de la dernière semaine de janvier, lorsque j’ai découvert les théories largement diffusées selon lesquelles l’épidémie massive de maladies en Chine était la conséquence de ses propres recherches sur la guerre biologique. Je n’ai vu aucune preuve solide que le coronavirus soit une arme biologique, mais si c’était le cas, la Chine était certainement la victime innocente de l’attaque, vraisemblablement menée par des éléments de l’establishment américain de la sécurité nationale.
Peu après, quelqu’un a porté à mon attention un très long article d’un expatrié américain vivant en Chine qui se faisait appeler « Metallicman » et qui avait un large éventail de croyances excentriques et invraisemblables. J’ai longtemps reconnu que des individus imparfaits peuvent souvent servir de vecteurs à des informations importantes qui ne seraient pas disponibles autrement, et cette affaire en a constitué un parfait exemple. Son article dénonçait l’épidémie comme une probable attaque de guerre biologique américaine, et fournissait une grande richesse de faits que je n’avais pas considérés auparavant. Depuis qu’il a autorisé la reproduction de l’article ailleurs, je l’ai repris, et son analyse de 15 000 mots, bien qu’un peu brute et non polie, a commencé à attirer un nombre énorme de lecteurs sur notre site web, probablement l’un des tout premiers articles en anglais à suggérer que la mystérieuse nouvelle maladie était une arme biologique américaine. Nombre de ses arguments m’ont paru douteux ou ont été contournés par des développements ultérieurs, mais plusieurs d’entre eux me semblaient assez éloquents.
Il soulignait que, au cours des deux années précédentes, l’économie chinoise avait déjà subi de graves coups de massue de la part d’autres nouvelles maladies mystérieuses, bien que celles-ci aient ciblé les animaux d’évelage plutôt que les personnes. En 2018, un nouveau virus de la grippe aviaire a balayé le pays, éliminant une grande partie de l’industrie avicole chinoise, et en 2019, l’épidémie de grippe porcine a dévasté les élevages de porcs chinois, détruisant 40 % de la principale source nationale de viande, avec de nombreuses allégations selon lesquelles cette dernière maladie était propagée par de mystérieux petits bourdons. Mes journaux du matin avaient quasiment ignoré ces importantes histoires, notant tout de même que l’effondrement soudain d’une grande partie de la production alimentaire nationale chinoise pourrait s’avérer une énorme aubaine pour les exportations agricoles américaines au plus fort de notre conflit commercial, mais je n’avais jamais envisagé les implications évidentes de tout cela. Ainsi, pendant trois années consécutives, la Chine a été gravement touchée par d’étranges nouvelles maladies virales, bien que seules les plus récentes aient été mortelles pour l’homme. Cette preuve était simplement circonstancielle, mais le schéma semblait très suspect.
L’auteur soulignait également que peu avant l’épidémie de coronavirus à Wuhan, cette ville avait accueilli 300 officiers militaires américains en visite, venus participer aux Jeux mondiaux militaires de 2019, une coïncidence de calendrier absolument remarquable. Comme je l’avais alors souligné, comment les Américains réagiraient si 300 officiers militaires chinois avaient effectué une visite prolongée à Chicago et que, peu de temps après, une mystérieuse et mortelle épidémie avait soudainement éclaté dans cette ville ? Une fois de plus, les preuves n’étaient que circonstancielles mais ont certainement suscité de sombres soupçons.
L’enquête scientifique sur le coronavirus avait déjà mis en évidence son origine dans un virus de chauve-souris, ce qui avait conduit les médias à spéculer sur le fait que les chauves-souris vendues comme aliments sur les marchés ouverts de Wuhan pouvaient avoir été le vecteur original de la maladie. Entre-temps, les vagues orchestrées d’accusations anti-Chine avaient mis l’accent sur la recherche en laboratoire chinois sur cette même source virale. Mais nous avons rapidement publié un long article de la journaliste d’investigation Whitney Webb fournissant de nombreuses preuves des énormes efforts de recherche de l’Amérique en matière de guerre biologique, qui s’étaient également concentrés pendant des années sur les virus des chauves-souris. Webb était alors associée à MintPress News, mais cette publication avait étrangement refusé de publier son important article, peut-être par crainte des graves soupçons qu’elle nourrissait à l’égard du gouvernement américain sur une question aussi importante. Et voilà comment, sans le bénéfice de notre plateforme, la contribution majeure de W Webb au débat public aurait pu attirer relativement peu de lecteurs.
L’affaire Charles Lieber (2)
À peu près au même moment, j’ai remarqué une autre coïncidence extrêmement étrange qui n’a pas réussi à susciter l’intérêt de nos somnolents médias nationaux. Bien que son nom n’ait rien signifié pour moi, fin janvier, mes journaux du matin ont publié des articles importants sur l’arrestation soudaine du professeur Charles Lieber, l’un des meilleurs scientifiques de l’université de Harvard et président de son département de chimie, parfois qualifié de futur lauréat potentiel du prix Nobel.
Les circonstances de cette affaire m’ont paru tout à fait étranges. Comme de nombreux autres universitaires américains éminents, Lieber avait entretenu pendant des décennies des liens étroits avec la Chine dans le domaine de la recherche, en occupant des postes conjoints et en recevant des fonds importants pour ses travaux. Mais maintenant, il était accusé d’infractions en matière de rapports financiers dans les parties divulguées de ses demandes de subventions gouvernementales – le type de délit le plus obscur – et sur la base de ces accusations, il a été arrêté par le FBI lors d’une descente matinale dans sa maison de la banlieue de Lexington et menotté et emmené en détention, risquant potentiellement des années d’emprisonnement fédéral.
Une telle action du gouvernement contre un universitaire semblait presque sans précédent. Au plus fort de la guerre froide, de nombreux scientifiques et techniciens américains ont été accusés à juste titre d’avoir volé nos secrets matière d’armement nucléaire pour les livrer à Staline, et pourtant je n’avais jamais entendu parler d’aucun d’entre eux traité de manière aussi dure, et encore moins d’un universitaire de la stature du professeur Lieber, qui était simplement accusé de violation de règles de divulgation technique. En fait, cet incident rappelait les comptes-rendus des raids du NKVD lors des purges soviétiques des années 1930.
Bien que Lieber ait été décrit comme un professeur de chimie, quelques secondes sur Google suffisent pour découvrir que certains de ses travaux les plus importants avaient été réalisés en virologie, y compris la technologie de détection des virus. Ainsi, une nouvelle épidémie virale massive et mortelle avait éclaté en Chine et, presque simultanément, un éminent chercheur américain ayant des liens étroits avec la Chine et une compétence d’expert en matière de virus était soudainement arrêté par le gouvernement fédéral; mais personne dans les médias n’a exprimé de curiosité quant à un lien possible entre ces deux événements!
Je pense que l’on peut supposer sans risque que l’arrestation de Lieber par le FBI était motivée par l’épidémie de coronavirus concomitante, mais toute autre hypothèse n’est que pure spéculation. Ceux qui accusent maintenant la Chine d’avoir créé le coronavirus pourraient sûrement suggérer que nos services de renseignement ont découvert que le professeur de Harvard avait été personnellement impliqué dans cette recherche mortelle. Mais je pense qu’une possibilité bien plus probable est que Lieber ait commencé à se demander si l’épidémie en Chine n’était pas le résultat d’une attaque de guerre biologique américaine, et qu’il ait peut-être exprimé ses soupçons un peu trop librement, attirant ainsi la colère de nos services de sécurité nationale. Infliger un traitement aussi sévère à un scientifique de haut niveau de Harvard intimiderait grandement tous ses collègues moins importants ailleurs, qui y réfléchiraient sûrement à deux fois avant d’aborder certaines théories controversées avec n’importe quel journaliste.
Fin janvier, notre webzine avait publié une douzaine d’articles et de messages sur l’épidémie de coronavirus, puis en avait ajouté beaucoup d’autres à la mi-février. Ces articles totalisaient des dizaines de milliers de mots et attiraient un demi-million de mots de commentaires, représentant probablement la principale source en langue anglaise pour une perspective particulière sur l’épidémie mortelle, ce matériel ayant finalement attiré plusieurs centaines de milliers de pages. Quelques semaines plus tard, le gouvernement chinois a commencé à évoquer prudemment la possibilité que le coronavirus ait été apporté à Wuhan par les 300 officiers militaires américains en visite dans cette ville, et a été violemment attaqué par l’administration Trump pour avoir propagé une propagande anti-américaine. Mais je soupçonne fortement que les Chinois ont puisé cette idée dans notre propre publication.
Alors que le coronavirus commençait à se répandre progressivement au-delà des frontières de la Chine, une autre suite d’évènements est intervenue, qui a fortement multiplié mes soupçons. La plupart de ces premiers cas s’étaient produits exactement là où l’on pouvait s’y attendre, dans les pays d’Asie de l’Est limitrophes de la Chine. Mais fin février, l’Iran était devenu le deuxième épicentre de l’épidémie mondiale. Plus surprenant encore, ses élites politiques avaient été particulièrement touchées, avec 10 % de l’ensemble du parlement iranien bientôt infecté et au moins une douzaine de ses fonctionnaires et hommes politiques mourant de la maladie, dont certains étaient très haut placés. En effet, les militants neocon sur Twitter ont commencé à noter avec joie que leurs ennemis iraniens tombaient maintenant comme des mouches.
Examinons les implications de ces faits. Dans le monde entier, les seules élites politiques qui aient subi des pertes humaines importantes sont celles de l’Iran, et elles sont mortes à un stade très précoce, avant même que des épidémies importantes ne se produisent presque partout ailleurs dans le monde, en dehors de la Chine. Ainsi, nous avons l’Amérique qui a assassiné le plus haut commandant militaire de l’Iran le 2 janvier, puis, quelques semaines plus tard, de grandes parties des élites dirigeantes iraniennes ont été infectées par un nouveau virus mystérieux et mortel, et beaucoup d’entre elles en sont mortes rapidement. Un individu rationnel pourrait-il considérer cela comme une simple coïncidence ?
La guerre biologique est un sujet hautement technique, et ceux qui possèdent une compétence dans ce domaine sont peu susceptibles de faire franchement état de leurs activités de recherche confidentielles dans les pages de nos grands journaux, peut-être encore moins après que le professeur Lieber ait été traîné en prison enchaîné. Mes propres connaissances sont nulles. Mais à la mi-mars, je suis tombé sur plusieurs commentaires extrêmement longs et détaillés sur l’épidémie de coronavirus, qui avaient été publiés sur un petit site web par un individu se faisant appeler « OldMicrobiologist » et qui prétendait être un vétéran retraité après quarante ans dans la biodéfense américaine. Le style et les détails de son apport m’ont semblé assez crédibles, et après un peu plus d’enquête, j’ai conclu qu’il y avait une forte probabilité que son passé soit exactement ce qu’il avait évoqué. J’ai pris des dispositions pour republier ses commentaires sous la forme d’un article de 3 400 mots, qui a rapidement attiré beaucoup de monde et 80 000 mots de commentaires supplémentaires.
Bien que l’auteur ait souligné l’absence de preuves tangibles, il déclarait que son expérience l’amenait à soupçonner fortement que l’épidémie de coronavirus était bien une attaque de guerre biologique américaine contre la Chine, probablement menée par des agents amenés dans ce pays sous le couvert des Jeux militaires qui se sont tenus à Wuhan fin octobre, le genre d’opération de sabotage que nos services de renseignement avaient parfois entrepris ailleurs. Un point important qu’il soulignait, c’est qu’une létalité élevée est souvent contre-productive dans une arme biologique, car le fait d’affaiblir ou d’hospitaliser un grand nombre d’individus peut imposer à un pays des coûts économiques bien plus importants qu’un agent biologique qui ne fait qu’infliger un nombre égal de morts. Selon lui, « une maladie à haute transmissibilité et à faible létalité est parfaite pour ruiner une économie », ce qui suggère que les caractéristiques apparentes du coronavirus étaient proches de l’optimum à cet égard. Les personnes intéressées devraient lire son analyse et juger par elles-mêmes de sa crédibilité et de son pouvoir de persuasion.
Un aspect intrigant de la situation est que, presque dès le premier instant où les médias internationaux ont été informés de l’étrange nouvelle épidémie en Chine, une vaste campagne orchestrée a été lancée sur de nombreux sites web et plateformes de médias sociaux pour identifier la cause comme étant une arme biologique chinoise lancée par négligence dans son propre pays. Entre-temps, l’hypothèse bien plus plausible selon laquelle la Chine était la victime plutôt que l’auteur de l’attentat n’avait reçu pratiquement aucun soutien organisé nulle part, et n’a commencé à prendre forme qu’au fur et à mesure que je trouvais et republiais des documents pertinents, généralement tirés de milieux très obscurs et dont les auteurs étaient souvent anonymes. Il semblait donc que seule la partie hostile à la Chine menait une guerre de l’information active. L’apparition de la maladie et le lancement presque simultané d’une campagne de propagande aussi importante ne prouvent pas nécessairement qu’une véritable attaque de guerre biologique ait eu lieu, mais je pense que cela tend à soutenir une telle théorie.
Conclusion: l’effet boomerang de la stupidité belliciste US
Lorsque l’on considère l’hypothèse d’une attaque de guerre biologique américaine, certaines objections naturelles me viennent à l’esprit. Le principal inconvénient de la guerre biologique a toujours été le fait évident que les agents auto-répliquants employés ne respecteront pas les frontières nationales, ce qui augmente le risque sérieux que la maladie finisse par revenir sur sa terre d’origine et lui infliger des pertes substantielles. Pour cette raison, il semble très douteux qu’un quelconque dirigeant américain rationnel et quelque peu compétent aurait déclenché le coronavirus contre la Chine.
Mais comme nous le voyons absolument démontré dans nos gros titres quotidiens, le gouvernement américain actuel est grotesquement et manifestement incompétent, plus incompétent qu’on ne pourrait presque l’imaginer, des dizaines de milliers d’Américains ayant déjà payé de leur vie une telle incompétence extrême. La rationalité et la compétence sont manifestement introuvables parmi les néoconservateurs des États profonds que le président Donald Trump a nommés à tant de postes cruciaux dans l’ensemble de notre appareil de sécurité nationale.
De plus, l’idée extrêmement servile qu’une épidémie massive de coronavirus en Chine ne se propagerait jamais aux États-Unis aurait pu sembler plausible à des personnes qui supposaient négligemment que les analogies historiques du passé continueraient à s’appliquer. Comme je l’ai écrit il y a quelques semaines : « Des personnes raisonnables ont suggéré que si le coronavirus était une arme biologique déployée par des éléments de l’appareil américain de sécurité nationale contre la Chine (et l’Iran), il est difficile d’imaginer pourquoi elles n’ont pas supposé qu’il se propagerait naturellement aux États-Unis et déclencherait une énorme pandémie ici, comme c’est le cas actuellement. » La conclusion la plus évidente est qu’ils étaient vraiment stupides et incompétents, mais voici un autre point à considérer…
Fin 2002, la Chine a connu l’épidémie de SRAS, un virus apparenté mais bien plus mortel et quelque peu différent par d’autres caractéristiques. Le virus a tué des centaines de Chinois et s’est propagé dans quelques autres pays avant d’être contrôlé et éradiqué. L’impact sur les États-Unis et l’Europe a été négligeable, avec seulement une petite dispersion des cas et seulement un ou deux décès.
Donc, si les analystes américains de la guerre biologique envisageaient une attaque de coronavirus contre la Chine, ne se seraient-ils pas dit que puisque le SRAS n’a jamais eu depropagantion significative aux États-Unis ou en Europe, nous resterions pareillement à l’abri du coronavirus ? Il est évident qu’une telle analyse était stupide et erronée, mais n’aurait-elle pas été plausible à l’époque ?
Comme certains l’ont sûrement remarqué, j’ai délibérément évité d’enquêter sur les détails scientifiques du coronavirus. En principe, une analyse objective et précise des caractéristiques et de la structure du virus pourrait aider à déterminer s’il est entièrement naturel ou s’il est plutôt le produit d’un laboratoire de recherche et, dans ce dernier cas, si la source probable serait la Chine, l’Amérique ou un pays tiers.
Mais nous sommes face à un événement mondial cataclysmique et ces questions ont évidemment d’énormes ramifications politiques, de sorte que tout le sujet est enveloppé d’un épais brouillard de propagande complexe, avec de nombreuses revendications contradictoires avancées par les parties intéressées. Je n’ai pas de formation en microbiologie et encore moins en guerre biologique, je serais donc désespérément à la dérive dans l’évaluation de ces assertions scientifiques et techniques contradictoires. Je soupçonne que cela est également vrai pour l’écrasante majorité des autres observateurs, bien que les partisans engagés répugnent à admettre ce fait et s’empressent de saisir tout argument scientifique qui apporte de l’eau à leur moulin, tout en rejetant ceux qui les contredisent.
C’est pourquoi, par nécessité, je me concentre sur les preuves qui peuvent au moins être comprises par tout profane, si ce n’est nécessairement toujours acceptées. Et je crois que la simple juxtaposition de plusieurs divulgations récentes dans les médias grand public conduit à une conclusion assez éloquente.
Pour des raisons évidentes, l’administration Trump est devenue très désireuse de mettre en évidence les premiers faux pas et les retards dans la réaction chinoise à l’épidémie virale de Wuhan, et a sans doute encouragé nos médias à orienter leur attention dans cette direction.
À titre d’exemple, l’Associated Press Investigative Unit a récemment publié une analyse assez détaillée de ces premiers événements, prétendument basée sur des documents confidentiels chinois. Intitulé de manière provocante « La Chine n’a pas averti le public d’une probable pandémie pendant 6 jours clés », cet article a été largement diffusé, sous forme abrégée, à New York et ailleurs. Selon cette reconstitution, le gouvernement chinois a pris conscience de la gravité de cette crise de santé publique le 14 janvier, mais a retardé toute action majeure jusqu’au 20 janvier, période durant laquelle le nombre d’infections s’est fortement multiplié.
Le mois dernier, une équipe de cinq reporters du WSJ a produit une analyse très détaillée et approfondie de 4 400 mots de la même période, et le NYT a publié un calendrier utile de ces premiers événements également. Bien qu’il puisse y avoir quelques différences d’accent ou des désaccords mineurs, toutes ces sources médiatiques américaines s’accordent à dire que les responsables chinois ont eu connaissance de la grave épidémie virale à Wuhan au début ou à la mi-janvier, le premier décès connu étant survenu le 11 janvier, et n’ont finalement mis en œuvre de nouvelles mesures de santé publique majeures que plus tard dans le même mois. Personne n’a apparemment contesté ces faits fondamentaux.
Mais les conséquences horribles de notre inaction gouvernementale ultérieure étant évidentes, des éléments au sein de nos agences de renseignement ont cherché à démontrer que ce n’était pas eux qui dormaient au bout du fil. Au début de ce mois, un reportage d’ABC News a cité quatre sources gouvernementales distinctes pour révéler que dès la fin novembre, une unité spéciale de renseignement médical au sein de notre Agence de renseignement de la défense avait produit un rapport avertissant qu’une épidémie hors de contrôle se produisait dans la région de Wuhan en Chine, et avait largement diffusé ce document dans les plus hauts rangs de notre gouvernement, avertissant que des mesures devaient être prises pour protéger les forces américaines basées en Asie. Après la diffusion de l’histoire, un porte-parole du Pentagone a officiellement nié l’existence de ce rapport de novembre, tandis que plusieurs autres hauts fonctionnaires du gouvernement et des services de renseignement ont refusé de faire des commentaires. Mais quelques jours plus tard, la télévision israélienne a mentionné qu’en novembre, les services de renseignements américains avaient effectivement partagé un tel rapport sur l’épidémie de maladie de Wuhan avec ses alliés de l’OTAN et d’Israël, semblant ainsi confirmer de manière indépendante l’exactitude complète de l’histoire originale d’ABC News et de ses différentes sources gouvernementales.
Il semble donc que des éléments de l’Agence de renseignement de la défense aient été au courant de l’épidémie virale mortelle de Wuhan plus d’un mois avant tout responsable du gouvernement chinois lui-même!!! À moins que nos services de renseignement n’aient été les premiers à utiliser la technologie de la précognition, je pense que cela a pu se produire pour la même raison que les pyromanes ont la connaissance la plus précoce des incendies futurs.
En février dernier, avant qu’un seul Américain ne meure de la maladie, j’ai rédigé mon propre aperçu du déroulement possible des événements, et je m’y tiendrais encore aujourd’hui : « Considérez un résultat particulièrement ironique de cette situation, pas particulièrement probable mais certainement possible… »
Tout le monde sait que les élites dirigeantes américaines sont criminelles, folles et aussi extrêmement incompétentes. L’épidémie de coronavirus était donc peut-être bien une attaque de guerre biologique délibérée contre la Chine, qui a frappé ce pays juste avant le Nouvel An lunaire, le pire moment possible pour produire une pandémie nationale permanente. Cependant, la RPC a réagi avec une rapidité et une efficacité remarquables, mettant en place la quarantaine de loin la plus importante de l’histoire de l’humanité, et la maladie mortelle semble maintenant y être en déclin.
Pendant ce temps, la maladie se propage naturellement aux États-Unis et, malgré tous les avertissements préalables, notre gouvernement totalement incompétent gère mal la situation, ce qui produit un énorme désastre sanitaire national, ainsi que l’effondrement de notre économie et de notre système politique décrépit.
Comme je l’ai dit, on ne s’y attendait pas, mais c’est certainement une fin très appropriée pour l’Empire américain…
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Notes:
(1) Ron Unz offre les liens des traductions en différentes langues de ses articles, ici:
https://www.unz.com/page/american-pravda-series/ , https://www.unz.com/page/major-translations/
2) Voir l’interprétation très différente de E. Michael Jones sur l’affaire Lieber ici: https://plumenclume.org/blog/543-le-coronavirus-et-la-guerre-culturelle-1
Source:https://www.unz.com/runz/american-pravda-our-coronavirus-catastrophe-as-biowarfare-blowback/
Traduction, notes et intertitres: Maria Poumier
Source: Lire l'article complet de Réseau International