par Mohamed El Bachir.
Trois virus planent sur le Liban
Sur fond de mécontentement social avec la mise à l’index de la classe politique accusée, entre autres, de corruption, le chef du Parti des forces libanaises (chrétien), Samir Geagea, avait déclaré le 19 octobre 2019 : « nous sommes maintenant convaincus que le gouvernement est incapable de prendre les mesures nécessaires pour sauver la situation. En conséquence [notre] bloc a décidé de demander à ses ministres de démissionner »[1].
Décision suivie par l’adresse au premier ministre Saad Harriri, du chef druze, Walid Joumblatt : « vous restez, moi je quitte le pouvoir. Je ne veux pas être un faux témoin, je préfère faire partie d’une opposition calme et constructive »[2]. Dix jours plus tard, le premier ministre libanais, Saad Harriri présenta la démission de son gouvernement. Ce dernier croyait sans doute que sa démission allait créer une vacance de gouvernement suivie d’une crise politique et financière sur fond de mécontentement social entraînant ainsi le Liban dans un état ingouvernable. Et créer ainsi un blocage institutionnel qui empêcherait toute décision politique à la hauteur des dangers internes et externes qui menacent l’unité du Liban. Bref, un Etat failli, exigeant l’intervention de la Banque mondiale (BM) et du Fond monétaire internationale (FMI). C’est à dire de l’impérialisme occidental sous commandement états-uniens. D’où la pression des occidentaux par l’intermédiaire du FMI pour qu’au Liban, un des centres de gravité de la Résistance, advienne un gouvernement de technocrates.
Traduction : Exclure Le Hezbollah et le Courant patriotique libanais des leviers de commande.
Mais encore faut-il que le sunnite Saad Harriri soit irremplaçable. Ce qui n’est pas le cas puisque des patriotes sunnites existent !
C’est ainsi que le 18 janvier 2020, Hassane Diab, ancien ministre et député sunnite indépendant a relevé le gant. Sachant que le Liban est un lieu stratégique de la résistance arabe face à l’impérialisme israélo-occidental, il n’est pas difficile de conclure que les divergences politiques libanaises ne relèvent nullement d’une quelconque cuisine interne mais sont d’ordre géo-stratégique. L’enjeu principal étant le rôle du Liban sur la scène moyen-orientale : Syrie… Palestine… Et en qualifiant le nouveau gouvernement libanais comme étant « le plus proche de la Syrie, de l’Iran et du Hezbollah depuis le gouvernement de Omar Karamé en 2005 »[3], l’ex sous-secrétaire d’État américain Jeffrey Feltman ne fait que définir ce que le Pentagone entend par gouvernement de technocrates.
Le leader druze libanais Walid Joumblatt ne dit pas autre chose en jugeant le Premier ministre Hassane Diab comme étant « rien » et que son gouvernement était dirigé par « le Courant patriotique libre et le Hezbollah »[4].
Encore plus explicite, l’ancien Premier ministre libanais et leader du courant du Futur Saad Harriri « Je suis en faveur de la chute de ce gouvernement s’il venait à échouer, et pour une chute avec fracas »[5].
Quant au troisième virus, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, tout en considérant qu’un renversement du gouvernement peut aggraver la crise, il estime du moins que « le Chef de l’Etat fait partie du problème »[6]… Faut-il rappeler à S. Geagea les massacres de Sabra et Chatila et l’assassinat de Dany Chamoun et de sa famille… ? Sous l’œil bienveillant de l’armée d’occupation israélienne…
Le bloc du 14 mars sous tutelle des États-Unis et de l’Arabie Saoudite
Tandis qu’à Tel-Aviv, comme par le passé, on sait taire les »conflits de voisinage » face aux dangers extérieurs en constituant un gouvernement d’union nationale, 215 km plus loin, à Beyrouth, trois forces politiques-Courant du futur, Parti socialiste progressiste, Forces libanaises- instrumentalisent le mécontentement social, voire l’alimentent, chacun à sa manière, dans le seul but de déstabiliser le nouveau gouvernement libanais.
À commencer par la bourgeoisie sunnite qui, dans sa majorité, est soumise au financier wahhabite et est prête à négocier avec l’État d’Israël. Affaires financières obligent. Mais encore faut-il que le Liban devienne un Monaco moyen-oriental. À cette fin, il faut commencer par couper le cordon ombilical avec la mère Syrie.
Quant à Walid Joumblatt, il pense et agit comme un chef de tribu. Un héritier sans envergure qui inspira, entre autres, l’écrivain et journaliste René Naba : « Remue-méninges pour lutter contre l’Alzheimer précoce des Libanais »[7]…
La rotation politique de 180° de Walid Joumblatt mettant en danger l’unité du Liban entraîne deux questions :
Quelle promesse a été faite par les États-Unis à ce dernier avec l’aval de l’État sioniste ?
Combien lui offre l’Arabie Saoudite ?
Enfin, le troisième homme, Samir Geagea, son passé de mercenaire et ses liens indirects avec des responsables israéliens[8] font de sa présence sur la scène politique libanaise une aberration. Une aberration sans doute incontournable pour des raisons d’équilibre politique interne.
… Le pays du cèdre en ligne de mire
En dénonçant « les intentions malveillantes en coulisses »[9] de ces trois partis afin d’empêcher le gouvernement d’ouvrir les dossiers de corruption, l’actuel Premier ministre libanais Hassane Diab cantonne les divergences politiques dans un cadre gestionnaire afin « d’adoucir » le climat politique libanais. Mais il n’ignore pas que la crise financière est une des armes utilisées pour déstabiliser le Liban avec comme objectif l’exclusion du Hezbollah du gouvernement et son désarmement. Et isoler le Liban de la Syrie. C’est l’un des points de convergence entre les monarchies du Golfe, l’impérialisme occidental et le bloc du 14 mars avec la bénédiction de l’État d’Israël. En Europe, à la grande satisfaction de l’État sioniste, l’État allemand a fini par inscrire, le 30 avril 2020, le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes…Bientôt suivi par l’État français ?
Pendant ce temps, l’État d’Israël continue la réalisation de son rêve d’expansion de la vallée du Nil à l’Euphrate. Ainsi pour l’impérialisme occidental, coloniser la Palestine, occuper le Golan et bombarder la Syrie fait partie du droit naturel de cet État à se défendre… Secondé par la Turquie du frère musulman Erdogan. Sans oublier l’occupation du pays de l’Euphrate par la coalition militaire occidentale sous commandement états-uniens… Tout en prêtant main forte à la coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite qui massacre le peuple yéménite.
Un Yémen qui apparemment n’existe pas sur la carte géo-politique de l’O.N.U…
C’est une brève et modeste description de la situation géo-politique moyen-orientale mais incomplète si on omet le blocus économique et les tensions militaires entretenus par les États-Unis et ses alliés autour de l’Iran jusque dans le Golfe Persique… Étouffer l’Iran étant le but stratégique ultime de l’impérialisme israélo-occidental.
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[1] https://libnanews.com/geagea-met-en-garde-contre-le-renversement-du-gouvernement-hassan-diab/
[2] http://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20191019-liban-climat-insurrection-crise-politique-hariri-saad-colere-rue-complique
[3] http://french.almanar.com.lb/tag/administration-americaine
[4] https://www.lorientlejour.com/article/1215790/joumblatt-aoun-poursuit-sa-politique-delimination-diab-nest-rien.html
[5] https://www.lorientlejour.com/article/1216375/saad-hariri-se-lache-je-suis-pour-la-chute-avec-fracas-du-gouvernement-sil-venait-a-echouer.html
[6] https://libnanews.com/geagea-met-en-garde-contre-le-renversement-du-gouvernement-hassan-diab/
[7] https://www.renenaba.com/liban-presidentielles-remue-meninges-lutter-contre-lalzheimer-precoce-libanais/
[8] https://fr.timesofisrael.com/un-piratage-revele-les-liens-entre-un-israelien-et-un-dirigeant-libanais/
[9] https://french.almanar.com.lb/1734471
Source: Lire l'article complet de Réseau International