On s’en doutait, la poussée chinoise suite au coronavirus ne pouvait qu’entraîner une réaction impériale sous forme de guerre de l’information. Alors que les causes de la pandémie ne sont pas encore connues, la petite musique du labo chinois est maintenant reprise par toutes les officines médiatiques de service qui insistent un peu lourdement sur « le vent qui tourne » pour Pékin.
Sans présager de la plausibilité de la chose, contentons-nous de noter que le procédé est connu, on l’a vu à l’œuvre à de multiples reprises, notamment en Ukraine avec le MH17 : quelques fuites des désormais légendaires « sources anonymes » de la CIA, reprises avec micro et haut-parleur par les responsables politiques de Washington et la rumeur devient vérité universelle. Quant aux preuves, on pourra les attendre encore longtemps…
L’opération a parfaitement fonctionné, en tout cas aux Etats-Unis où l’image de la Chine s’est fortement dégradée dans l’opinion, déjà échaudée par la guerre commerciale :
Notons que, dans sa croisade anti-chinoise, le Donald est en accord complet avec une partie de son Deep State. Nous l’expliquions dès son investiture quand il décida de…
passer le fameux coup de fil à la présidente taïwanaise, diversement apprécié par le système impérial et sa presse – « erreur » pour le New York Times, « coup de génie » pour le Washington Post. Cette décision montre en tout cas que pour Trump, la cible chinoise n’est peut-être pas seulement économique.
Les observateurs avisés de la chose internationale sont dans l’expectative. The National Interest évoque un possible « Nixon à l’envers » : jouer cette fois la Russie contre la Chine. Fait qui ne manque pas de sel, ce retournement est soutenu par le vénérable Kissinger, l’officieux conseiller de Trump et l’éminence grise de Nixon qui avait conseillé le pivot vers Pékin. De quoi faire baver de rage le docteur Zbig, toujours pas guéri de sa russophobie maladive et qui préférerait jouer la carte chinoise contre Moscou.
Dans le grand jeu du bouc émissaire qui passionne les élites américaines, la Chine est en passe de remplacer (temporairement, ne rêvons pas) l’abominable ours des neiges. Cette évolution n’est cependant pas du goût de tout le monde ; c’est évidemment le cas de l’école bzrezinskienne ainsi que des multinationales US, toujours désireuses de faire des affaires avec le dragon et de profiter de sa main d’œuvre bon marché. Preuve que ce ne sont pas elles non plus qui mènent la politique étrangère américaine. Elles décident par contre de la ligne éditoriale des médias qu’elles possèdent, ce qui explique sans doute la grande hétérogénéité de leurs commentaires sur la « responsabilité chinoise » dans la pandémie.
Divorce partiel entre la MSN et l’Etat profond, au sein de la MSN et au sein de l’Etat profond… La situation est assez chaotique mais s’inscrit finalement dans une certaine continuité. On l’a vu plus haut lors de l’intronisation de Trump, l’establishment était de toute façon déjà très divisé sur la place à donner à la Chine : à ceux qui la considéraient comme un ennemi définitivement arrimé à la Russie répondent les optimistes qui, de manière quelque peu illusoire, espèrent encore se l’attacher pour la retourner contre le Heartland. Avec la crise coronavirienne, cette illusion devient mirage, d’autant que la solidarité sino-russe joue à plein.
Jusqu’où ira la dangereuse escalade de mots entre Washington et Pékin ? Sans doute jusqu’aux élections de novembre, la tactique du Donald étant de lier Biden à la Chine pour les attaquer tous deux. A moins que, d’ici là, de nouveaux éléments ne voient le jour…
Nous n’allons pas nous lancer ici dans un grand débat sur les origines du coronavirus ni prendre parti dans cette querelle scientifique qui n’est pas le propos du blog, mais une information importante est tombée qui pourrait (restons prudents) avoir des répercussions dans l’empoignade américano-chinoise. Le fidèle lecteur se rappelle sans doute que :
Zhao Lijian, porte-parole du MAE chinois, a jeté un pavé dans la mare jeudi dernier en affirmant que le coronavirus pourrait avoir été apporté en Chine par l’armée US lors des Jeux mondiaux militaires de Wuhan en octobre. Il s’appuie notamment sur les déclarations du directeur du Centers for disease control and prevention américain qui a révélé, devant le Congrès, que plusieurs patients que l’on croyait morts d’une simple grippe étaient en réalité porteurs du coronavirus.
Notre bonne presse qui, pendant des années, a traqué sans relâche les sombres conspirations que les abominables Russes ne manquaient pas d’ourdir sur les élections américaines, hurle cette fois sa douleur devant ce cas patenté de « complotisme » qui met en cause la tête impériale. Dans les salles de rédaction, la théorie du complot, c’est comme le chasseur des Inconnus : il y a la bonne et la mauvaise…
Elle a toutefois raison sur un point : à ce stade, il est évidemment impossible d’apporter le moindre début de preuve à la thèse de l’ami Zhao qui ne reste, pour l’instant, que simple conjecture. Mais cet esclandre a au moins le mérite de montrer que, pandémie ou pas, l’affrontement titanesque entre Pékin et Washington n’est jamais très loin.
Or, il se trouve que des athlètes français ayant participé à ces jeux auraient contracté la maladie, soit bien avant l’apparition officielle du virus. Encore une fois, restons prudents. Mais si la chose se confirme, elle est susceptible de bousculer sérieusement la narration jusque-là admise et, partant, le bras de fer entre Washington et Pékin. Wait and see…
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