C’est une rubrique sur laquelle je réfléchis depuis un certain temps mais, pour des raisons qui devraient être immédiatement évidentes, j’ai hésité à l’écrire. Il s’agit de la 5G, des vaccins, du 11- Septembre, des extraterrestres et des seigneurs du lézard. Ou plutôt, ce n’est pas le cas.
Permettez-moi de commencer mon argumentation en précisant que je n’ai pas l’intention de me prononcer sur la véracité ou la fausseté de ces débats – pas même celui sur les souverains reptiliens. Mon refus de prendre publiquement position ne doit pas être interprété comme une approbation implicite de l’un de ces points de vue car, après tout, seul un fou à chapeau en papier d’aluminium, sympathisant des théoriciens de la conspiration, refuserait de faire connaître son point de vue sur ces questions.
De même, le fait que j’aie regroupé toutes ces questions disparates ne signifie pas nécessairement que je les considère comme similaires. Elles sont présentées dans la pensée dominante comme une preuve similaire d’un état d’esprit déséquilibré, délirant et conspirateur. Je travaille dans une catégorie qui a été choisie pour moi.
La vérité et le mensonge ne sont pas l’objet de cette rubrique. Examiner ces sujets uniquement sur la base de leur véracité ou de leur fausseté détournerait l’attention de la pensée critique que je souhaite engager ici – d’autant plus que la pensée critique est si largement découragée dans nos sociétés. Je veux que cette chronique refuse un espace sécuritaire à toute personne investie émotionnellement dans l’un ou l’autre côté de ces débats. (Cela ne dissuadera sans doute pas ceux qui préféreraient faire des bêtises et déformer mon argument. C’est un risque qui vient avec le territoire).
Je me concentre maintenant sur cet ensemble de questions parce que certaines d’entre elles se sont exprimées de plus en plus fort sur les médias sociaux alors que nous faisons face à l’isolement dans des espaces fermés. Les personnes enfermées chez elles ont plus de temps pour explorer l’internet, et cela signifie plus de possibilités de trouver des informations souvent obscures qui peuvent ou non être vraies. Ce genre de débats façonne notre paysage discursif et a de profondes implications politiques. Ce sont ces questions, et non des questions de vérité, que je veux examiner dans cette rubrique.
Eamonn Holmes talking about the 5G conspiracy theory. I just can’t. pic.twitter.com/vdwlQe0M1L
— Richard (@gamray) April 13, 2020
Les médias sociaux et les 5G
Prenons l’exemple de la 5G – la nouvelle technologie de téléphonie mobile de cinquième génération. Je ne suis pas un scientifique, et je n’ai pas fait de recherches sur la 5G. C’est une très bonne raison pour laquelle personne ne devrait s’intéresser à ce que j’ai à dire sur la science ou la sécurité de la 5G. Mais comme beaucoup de personnes actives sur les médias sociaux, j’ai été sensibilisé – souvent sans le vouloir – aux débats en ligne sur la 5G et la science.
Comme le présentateur de télévision Eamonn Holmes, je me suis fait inévitablement une opinion face à ce débat. Pour un téléspectateur occasionnel, le débat ressemble (et nous ne parlons ici que d’apparences) à quelque chose comme ça :
Richard : Eamonn Holmes parle de la théorie de la conspiration sur les 5G. Je ne peux tout simplement pas comme le présentateur de télévision Eamonn Holmes, j’ai inévitablement eu une impression de ce débat. Pour un téléspectateur occasionnel, le débat ressemble (et nous ne parlons ici que d’apparences) à quelque chose comme ça :
a) Les conseillers scientifiques de l’État, ainsi que les scientifiques dont les emplois ou la recherche sont financés par l’industrie de la téléphonie mobile, sont absolument certains qu’il n’y a pas de dangers associés à la 5G.
b) Quelques scientifiques (de vrais scientifiques, pas des pasteurs évangéliques prétendant être d’anciens dirigeants de Vodafone) ont averti qu’il n’y a pas eu de recherche indépendante sur les effets de la 5G sur la santé, que la technologie a été adoptée à la hâte pour des raisons commerciales et que les dangers possibles à long terme pour notre santé d’une exposition constante n’ont pas été correctement évalués.
c) D’autres scientifiques dans ce domaine spécialisé, peut-être la majorité, demeurent silencieux.
Les affaires, notre nouvelle religion
Cette impression pourrait ne pas être vraie. Il se peut que ce soit la façon dont les médias sociaux ont fait apparaître le débat. Il est possible qu’au contraire :
- la recherche a été menée avec vigueur, même si elle ne semble pas avoir été largement diffusée dans les médias grand public,
- les industries de la téléphonie mobile et des autres communications n’ont pas financé les recherches qui existent pour tenter d’obtenir des résultats favorables à leurs intérêts commerciaux,
- l’industrie de la téléphonie mobile, très compétitive, est prête à attendre plusieurs années pour que tous les problèmes de sécurité soient résolus, sans se soucier des effets de ces retards sur ses bénéfices,
- l’industrie a évité d’utiliser son argent et ses lobbyistes pour acheter de l’influence dans les couloirs du pouvoir et faire avancer un programme politique basé sur ses intérêts commerciaux plutôt que sur la science,
- et les différents gouvernements, soucieux de ne pas être laissés de côté dans une bataille mondiale où ils se disputent les avantages économiques, militaires et de renseignement : Ils ont tous attendu de voir si la 5G est sécuritaire, plutôt que d’essayer de s’affaiblir mutuellement et de prendre un avantage sur les alliés et les ennemis.
Tout cela est possible. Mais quiconque observe nos sociétés depuis quelques décennies – où les entreprises sont devenues notre nouvelle religion et où l’argent des entreprises semble dominer nos systèmes politiques plus que les hommes politiques que nous élisons – aurait au moins de bonnes raisons de craindre que l’on ait pris des raccourcis, que des pressions politiques aient été exercées et que certains scientifiques (qui sont vraisemblablement humains comme nous tous) aient été prêts à privilégier leur carrière et leurs revenus par rapport à la science la plus rigoureuse.
Le conspirationnisme des Looney-Tunes
Encore une fois, je ne suis pas un scientifique. Même si les recherches n’ont pas été menées correctement et que l’industrie du téléphone a fait pression sur de sympathiques politiciens pour faire avancer ses intérêts commerciaux. Il est toujours possible que, malgré tout cela, la 5G soit tout à fait sécuritaire. Mais comme je l’ai dit au début, je ne suis pas ici pour exprimer un avis sur la science de la 5G.
Je me demande plutôt pourquoi il n’est pas iraisonnable ou totalement irrationnel qu’un débat sur la sécurité de la 5G se soit propagé de manière virale sur les médias sociaux tout en étant ignoré par les médias d’entreprise ; pourquoi un présentateur de télévision très populaire comme Eamonn Holmes pourrait suggérer – à grand renfort de critiques – la nécessité de répondre aux préoccupations croissantes du public concernant la 5G ; pourquoi ces préoccupations pourraient rapidement se transformer en craintes d’un lien entre la 5G et la pandémie mondiale actuelle ; et pourquoi des personnes effrayées pourraient décider de prendre les choses en main en brûlant des mâts de 5G.
Expliquer cette chaîne d’événements n’équivaut pas à justifier l’un des maillons de cette chaîne. Mais de la même manière, rejeter tout cela comme un simple complot de fous n’est pas non plus tout à fait raisonnable ou rationnel.
La question n’est pas vraiment de savoir si le public fait toujours confiance à nos grandes institutions. Ceux qui rejettent toutes les préoccupations concernant la 5G ont un niveau de confiance très élevé dans l’État et ses institutions. Ceux qui s’inquiètent de la 5G – une partie croissante des populations occidentales, semble-t-il – ont très peu confiance dans nos institutions et, de plus en plus, dans nos scientifiques également. Et les personnes responsables de cette érosion de la confiance sont nos gouvernements – et, si nous sommes brutalement honnêtes, les scientifiques aussi.
Surcharge d’informations
Les débats comme celui de la 5G n’ont pas émergé dans le vide. Ils surviennent à un moment de diffusion d’informations sans précédent qui découle d’une décennie de croissance rapide des médias sociaux. Nous sommes les premières sociétés à avoir accès à des données et à des informations qui étaient autrefois l’apanage des monarques, des fonctionnaires et des conseillers de l’État et, plus récemment, de quelques journalistes triés sur le volet.
Aujourd’hui, des universitaires malhonnêtes, des journalistes véreux, d’anciens fonctionnaires véreux – n’importe qui, en fait – peuvent aller en ligne et découvrir une myriade de faits que, jusqu’à récemment, personne en dehors d’un petit cercle d’établissement n’était censé comprendre. Si vous savez où chercher, vous pouvez même trouver certaines de ces thèmes sur Wikipédia (voir, par exemple, l’opération Timber Sycamore).
Cette surcharge d’informations a eu pour effet de désorienter la grande majorité d’entre nous qui n’ont ni le temps, ni les connaissances, ni les capacités d’analyse nécessaires pour passer tout cela au crible et donner un sens au monde qui nous entoure. Il est difficile de faire la part des choses lorsqu’il y a tant d’informations – bonnes ou mauvaises – à digérer.
Néanmoins, ces débats en ligne, renforcés par les événements du monde non virtuel, nous ont donné l’impression que nos hommes politiques ne disent pas toujours la vérité, que l’argent – plutôt que l’intérêt public – l’emporte parfois dans les processus décisionnels et que nos élites ne sont peut-être guère mieux équipées que nous – hormis leurs coûteuses études – pour diriger nos sociétés.
Deux décennies de mensonges
Il y a eu une quantité d’étapes au cours des deux dernières décennies jusqu’à ce qu’on arrive à l’époque actuelle de la grande désillusion. Il s’agit notamment:
- du manque de transparence dans l’enquête du gouvernement étasunien sur les événements entourant le 11-Septembre (parallèlement obscurci par une controverse sur internet pour savoir ce qui s’est passé ce jour-là) ;
- des mensonges documentés sur les raisons du déclenchement d’une guerre d’agression désastreuse et illégale contre l’Irak en 2003, qui a déclenché le chaos dans la région, des vagues d’immigration déstabilisatrices en Europe et de nouvelles organisations politiques islamistes particulièrement violentes ;
- suite au krach de 2008, des renflouements astronomiques sont venus au secours des banques dont les activités criminelles ont pratiquement mises en faillite l’économie mondiale (mais ces banques n’ont jamais eu à rendre des comptes), et ce qui a provoqué plus d’une décennie de mesures d’austérité affectant les populations, ces dernières en ont payé le prix ;
- du refus des gouvernements occidentaux et des institutions mondiales de prendre l’initiative dans la lutte contre le changement climatique, car non seulement la science, mais aussi la météo elle-même ont fait ressortir l’urgence de cette situation, signifiant qu’il faudrait s’attaquer à leurs sociétés en commandite ;
- et maintenant, nous assistons à l’échec criminel de nos gouvernements à se préparer et à réagir correctement à la pandémie de la Covid-19, ce malgré de nombreuses années d’avertissements. Quiconque croit encore tout ce ce que nos gouvernements disent … et bien, j’ai plusieurs observations à vous faire.
Les experts nous ont laissé tomber
Mais les gouvernements ne sont pas les seuls à blâmer. Les erreurs des experts, des administrateurs et de la classe professionnelle ont été également trop évidentes pour le public. Les fonctionnaires ayant bénéficié d’un accès facile aux principales plateformes des médias d’État ont été dévoués aux intérêts de l’État et des entreprises. Ils ont répété ce qu’ils voulaient nous faire entendre, souvent pour que ces informations soient ensuite révélées incomplètes, trompeuses ou carrément fabriquées de toutes pièces. Dans la période précédant l’attaque de l’Irak en 2003, trop de politologues, de journalistes et d’experts en armement ont gardé la tête baissée, soucieux de préserver leur carrière et leur statut, plutôt que de soutenir les rares experts comme Scott Ritter et le défunt David Kelly qui ont osé sonner l’alarme en disant que l’on ne nous disait pas toute la vérité.
En 2008, seule une poignée d’économistes était prête à rompre avec l’orthodoxie des entreprises et à se demander s’il était sage de donner de l’argent aux banquiers désignés comme des criminels financiers, ou à exiger que ces banquiers soient poursuivis en justice. Les économistes n’ont pas fait valoir qu’il doit y avoir un prix à payer pour les banques, comme une participation publique dans les banques qui ont été renflouées, en échange de l’obligation pour les contribuables d’investir massivement dans ces entreprises discréditées.
Et les économistes n’ont pas proposé de réviser nos systèmes financiers pour s’assurer que le crash économique ne se reproduise plus. Au lieu de cela, ils ont également gardé la tête basse, dans l’espoir que leurs salaires élevés se maintiennent et qu’ils ne perdent pas leurs positions privilégiées dans les think tanks et les universités.
Nous savons que, dans les années 50, les climatologues nous mettaient discrètement en garde contre les dangers d’un réchauffement planétaire incontrôlé et que, dans les années 80, les scientifiques travaillant pour les entreprises de combustibles fossiles ont prédit très précisément comment et quand la catastrophe allait se produire – à peu près maintenant. Aujourd’hui, il est merveilleux de voir que la grande majorité de ces scientifiques soient officiellement d’accord sur ces dangers, même s’ils gardent une dangereuse prudence associée à la recherche scientifique conservatrice. Mais ils ont perdu la confiance des gens en laissant ces dernier s’exprimer beaucoup trop tard.
Michael Moore présente : La planète des humains
Et nous avons récemment appris, par exemple, qu’une série de gouvernements conservateurs au Royaume-Uni ont imprudemment réduit les stocks de matériel de protection des hôpitaux, alors qu’ils avaient été avertis depuis plus de dix ans de l’imminence d’une pandémie. La question est de savoir pourquoi aucun conseiller scientifique ou responsable de la santé n’a donné l’alerte plus tôt. Il est maintenant trop tard pour sauver la vie de plusieurs milliers de personnes, dont des dizaines de membres du personnel médical, qui ont été victimes du virus au Royaume-Uni jusqu’à présent.
Panorama : le gouvernement britannique a laissé tomber le NHS.
Le moindre des deux maux
Pire encore, dans le monde anglo-saxon des États-Unis et du Royaume-Uni, nous nous sommes retrouvés avec des systèmes politiques qui offrent un choix entre un parti défendant une version radicale et sans retenue du néolibéralisme et un autre parti soutenant une version légèrement moins radicale et légèrement atténuée du néolibéralisme. (Et nous avons récemment découvert au Royaume-Uni que, après que les membres de la base de l’un de ces partis jumelés aient réussi à choisir Jeremy Corbyn comme chef rejetant cette orthodoxie. L’appareil de son propre parti a conspiré pour organiser les élections plutôt que de le laisser s’approcher du pouvoir). Comme nous sommes avertis à chaque élection, en pensant que les élections seraient en fait futiles, nous avons le choix – entre le moindre des deux maux.
Ceux qui ignorent ou défendent instinctivement ces défaillances flagrantes du système d’entreprise moderne ne sont vraiment pas en mesure de juger convenablement ceux qui souhaitent remettre en question la sécurité de la 5G, ou des vaccins, ou la vérité du 11-Septembre, ou la réalité d’une catastrophe climatique, ou même de la présence de maîtres lézards.
Parce que par leur rejet involontaire du doute, de toute pensée critique sur tout ce qui n’a pas été pré-approuvé par nos gouvernements et par les médias des entreprises publiques, ils ont contribué à défigurer les seuls critères dont nous disposons pour mesurer la vérité ou le mensonge. Ils nous ont imposé un choix terrible : suivre aveuglément ceux qui ont démontré à maintes reprises qu’ils ne sont pas dignes d’être suivis, ou ne faire confiance à rien du tout, douter de tout. Aucune de ces positions n’est celle qu’un individu sain et équilibré voudrait adopter. Mais c’est là où nous en sommes aujourd’hui.
Les régimes de Big Brother
Il n’est donc pas surprenant que ceux qui ont été tellement discrédités par l’explosion actuelle de l’information – les hommes politiques, les entreprises et la classe professionnelle – se demandent comment arranger les choses de façon très susceptible pour maintenir leur pouvoir et leur autorité.
Ils sont confrontés à deux options, éventuellement complémentaires.
La première est de laisser la surcharge d’informations se poursuivre, voire s’aggraver. On peut faire valoir que plus on nous présente de vérités possibles, plus nous nous sentons impuissants et plus nous sommes disposés à nous en remettre à ceux qui revendiquent davantage d’autorité. Confus et désespérés, nous nous tournerons vers les figures paternelles, les hommes forts d’autrefois, ceux qui ont cultivé une aura de détermination et d’intrépidité, ceux qui ressemblent à des francs-tireurs et des rebelles terre-à-terre.
Cette approche donnera naissance à d’autres Donald Trumps, Boris Johnsons et Jair Bolsonaros. Et ces hommes, tout en nous charmant par leur prétendu manque d’orthodoxie, resteront bien sûr exceptionnellement accommodants envers les intérêts corporatifs les plus puissants – le complexe militaro-industriel – qui dirigent vraiment le spectacle.
L’autre option, qui a déjà été testée sous la rubrique « fausses nouvelles », consistera à nous traiter, nous les citoyens, comme des enfants irresponsables, qui ont besoin d’une main ferme et directrice. Les technocrates et les professionnels essaieront de rétablir leur autorité comme si les deux dernières décennies n’avaient jamais existé, comme si nous n’avions jamais vu à travers leur hypocrisie et leurs mensonges.
Ils citeront les « théories du complot » – même les plus vraies – comme preuve qu’il est temps d’imposer de nouvelles restrictions aux libertés sur Internet, au droit de parler et de penser. Ils feront valoir que l’expérience des médias sociaux a fait son temps et s’est avérée être une menace – parce que nous, le public, sommes une menace. Ils font déjà voler des ballons d’essai pour ce nouveau monde Big Brother, sous le couvert de la lutte contre les menaces pour la santé que représente l’épidémie de Covid-19.
Il ne faut pas s’étonner que les « leaders d’opinion » pour mettre fin à la cacophonie de l’internet soient ceux dont les échecs ont été le plus exposés par nos nouvelles libertés d’explorer les sombres recoins du passé récent. Parmi eux figurent Tony Blair, le premier ministre britannique qui a menti à l’opinions publique occidentale dans la guerre désastreuse et illégale contre l’Irak en 2003, et Jack Goldsmith, récompensé en tant que professeur de droit à Harvard pour son rôle – depuis blanchi – dans l’aide apportée à l’administration Bush pour légaliser la torture et intensifier les programmes de surveillance sans mandat.
Besoin d’un nouveau média
La seule alternative à un avenir où nous serons dirigés par des technocrates de type Big Brother comme Tony Blair, ou par de copains autoritaires qui n’ont pas de dissensions, ou un mélange des deux, nécessitera une révision complète de l’approche de nos sociétés en matière d’information. Nous aurons besoin de moins de restrictions à la liberté d’expression, pas plus.
Le véritable test de nos sociétés – et le seul espoir de survivre aux urgences à venir, économiques et environnementales – sera de trouver un moyen de demander à nos dirigeants de rendre véritablement des comptes. Non pas en se demandant s’ils sont secrètement des lézards, mais en se demandant ce qu’ils font pour sauver notre planète de notre instinct d’acquisition trop humain et autodestructeur et de notre soif de garanties de sécurité dans un monde incertain.
Cela nécessitera à son tour une transformation de notre rapport à l’information et au débat. Nous aurons besoin d’un nouveau modèle de médias indépendants, pluralistes, réactifs, interrogateurs, qui rendent des comptes au public et non aux milliardaires et aux entreprises. C’est précisément le type de médias que nous n’avons pas actuellement. Nous aurons besoin de médias en qui nous pouvons avoir confiance pour représenter toute la gamme des débats crédibles, intelligents et informés, et non l’étroite fenêtre d’Overton par laquelle nous obtenons une vision très partisane et déformée du monde qui sert le 1% de la population – une élite si richement récompensée par le système actuel qu’elle est prête à ignorer le fait qu’elle et nous nous précipitons vers l’abîme.
Avec ce type de médias en place – un média qui demande vraiment des comptes aux politiciens et qui célèbre les scientifiques pour leur contribution au savoir collectif, et non pour leur utilité pour l’enrichissement des entreprises – nous n’aurions pas besoin de nous inquiéter de la sécurité de nos systèmes de communication ou de nos médicaments, nous n’aurions pas besoin de douter de la vérité des événements dans les nouvelles ou de nous demander si nous avons des lézards pour gouverner, car dans ce genre de monde, personne ne nous gouvernerait. Ils serviraient le public pour le bien commun.
Cela ressemble à un système de gouvernement fantasque et improbable ? Il a un nom : la démocratie. Il est peut-être temps pour nous d’essayer enfin.
Jonathan Cook
Article original en anglais :
Welcome to the Era of the Great Disillusionment
Cet essai a été publié pour la première fois sur le blog de Jonathan Cook : https://www.jonathan-cook.net/blog/
Traduit par Maya pour Mondialisation.ca
Jonathan Cook a remporté le prix spécial Martha Gellhorn pour le journalisme. Ses livres comprennent « Israël et le choc des civilisations » : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East » (Pluto Press) et « Disappearing Palestine : Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair » (Zed Books). Son site web est www.jonathan-cook.net.
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