Plusieurs étaient étonnés, vendredi dernier, de voir le « bon » Dr Arruda se présenter devant les caméras pour la grand’messe de 13 heures, accompagné seulement d’un haut fonctionnaire. L’explication se trouve sans doute dans les déclarations récentes et répétées de François Legault indiquant qu’il ne ferait rien sans le « go » du Dr Arruda et que celui-ci se défend d’être inféodé au pouvoir politique. Le Dr Arruda avait besoin, vendredi dernier, de réaffirmer son indépendance. Pourtant…
Le Dr Arruda n’écoute pas la science
Dans un éclairant article paru sur le site Internet Ricochet, INSPQ versus Santé publique, deux discours, l’ex-journaliste de La Presse André Noël attire notre attention sur le fait que Dr Arruda n’écoute pas les mises en garde de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Il cite l’exemple de l’avis de l’INSPQ du 22 avril, intitulé « Immunité de groupe et retour des enfants à l’école et à la garderie ». Dans cet avis, l’INSPQ explique que le retour des enfants à l’école à ce moment-ci «risque de provoquer une forte augmentation de la maladie dans la population adulte» et qu’il «est certain que l’infection des enfants contribuerait à une transmission substantielle de la COVID-19 à leurs parents et aux autres adultes qui les entourent et pourrait ainsi entraîner un grand nombre d’hospitalisations sur une courte période avec un potentiel réel de dépassement de la capacité du réseau de la santé tant dans les grands centres urbains que dans les régions».
André Noël explique que la « santé publique » au Québec comprend deux organisations distinctes. La Direction générale de la santé publique (DGSP), que dirige le Dr Arruda et qui appuie la réouverture des écoles. Puis l’INSPQ, que dirige la Dr Nicole Damestoy, et dont les experts ont fait cette mise en garde.
Il précise que la DGSP relève de la ministre de la Santé et des Services sociaux. Le Dr Arruda a le titre de sous-ministre adjoint. C’est un haut poste de l’administration publique. L’autonomie de cette dernière est réelle, mais partielle, compte tenu des relations étroites avec le niveau politique.
De son côté, l’INSPQ est dirigé par un conseil d’administration. Huit des 15 membres n’ont pas de liens avec le gouvernement. La première mission de l’Institut est de rendre disponible son expertise, ainsi que ses services spécialisés de laboratoire et de dépistage. Il est souvent arrivé que l’INSPQ prenne des positions à l’encontre des politiques gouvernementales.
La même divergence existe en France, alors que le Conseil scientifique COVID-19 s’oppose à la décision du président Emmanuel Macron de rouvrir les écoles avant septembre.
Un gouvernement « docile et obéissant »
Au Québec, comme en France, les autorités politiques subissent d’énormes pressions des milieux d’affaires pour rouvrir et relancer l’économie. Et pour que les travailleurs reprennent le chemin de l’usine ou du bureau, il faut qu’on garde leurs enfants, d’où la réouverture des écoles pour les enfants qui, contrairement aux adolescents, ne peuvent se garder eux-mêmes. L’annonce du déconfinement a donc été chaudement applaudie par tout ce que le Québec compte d’organismes patronaux.
Bien entendu, il faudra un jour retourner au travail, mais la gestion incroyablement brouillonne de l’administration Legault depuis le début de la pandémie nous fait craindre le pire.
Pensons, entre autres, au manque de matériel de protection (masques, gants, blouses, gel, visières), l’absence totale de considération des CHSLD dans leur préparatifs alors que les expériences italienne et française avaient démontré que les personnes âgées étaient le plus à risque, l’incroyable bordel organisationnel qui perdure dans le réseau, l’improvisation évidente dans les plans de déconfinement.
Avant de déconfiner, il faut pouvoir fournir le matériel de protection requis aux soignants. De multiples reportages montrent que ce n’est toujours pas le cas dans plusieurs CHSLD.
Il faut aussi s’assurer de la disponibilité de ce matériel dans les garderies, les écoles et les lieux de travail qu’on veut ouvrir et avoir un plan détaillé du nouveau fonctionnement sécuritaire.
Il faut aussi prévoir des masques pour la population. La France, l’Espagne et plusieurs autres pays européens rendent obligatoire le port du masque dans les transports en commun. Pourquoi pas ici?
Il faut également être en mesure de « tester, tester et tester » la population comme le recommande l’Organisation mondiale de la Santé. Le Dr Arruda prévoit augmenter de 6 000 à 14 000 le nombre total de tests. Il qualifie son plan de dépistage « massif ». Massif? Une étude de l’Université Harvard, citée dans The Economist et le Globe and Mail, montre la nécessité de tester au moins 2% de la population – soit entre 132 000 et 160 000 tests par jour ! – pour que la mesure soit efficace.
De toute évidence, le Québec n’a ni ce nombre de tests disponibles ni la logistique pour les administrer et retracer ceux et celles avec lesquels les personnes infectées étaient en contact et leur mise en quarantaine pour freiner la propagation du virus.
Peut-être n’est-il pas nécessaire d’avoir ce nombre de tests pour entreprendre un déconfinement « graduel », mais il faut sûrement plus que les 14 000 tests « promis » par le Dr Arruda.
En fait, pourquoi ne pas prendre son temps, « mettre de l’ordre de la cabane plutôt que de se lancer en fou » et risquer de tout faire dérailler et nous replonger dans une crise encore pire.
Legault nous a habitués depuis son élection à une gestion particulièrement brouillonne, « docile et obéissante » à l’égard de milieux d’affaires qui ne se sont jamais distingués par leur préoccupation pour la santé des travailleuses et des travailleurs, et de la population en général.
Est-ce trop que de leur demander de refaire leurs devoirs avant de déconfiner?
Crédit photo : CP /Jacques Boissinot
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