Et l’autre reste là, Le meilleur ou le pire, Le doux ou le sévère. Cela n’importe pas, Celui des deux qui reste Se retrouve en enfer.
Jacques Brel
Plus les jours passent, moins les nouvelles sont bonnes, il me semble. Les CHSLD, qui font la une des journaux à la place des stars de cinéma, sont le théâtre d’horreurs indescriptibles.
On réalise qu’il y a un sérieux problème dans la manière dont on s’occupe de nos vieux, à l’échelle nationale.
Tout le monde trouve que c’est épouvantable, que ça n’aurait jamais dû se rendre jusque-là ; on essaie de mettre des Band-aids sur l’hémorragie actuelle en payant un peu mieux ceux qui changent les couches et donnent les repas, en envoyant la crème de la crème du milieu médical, nos anges gardiens spécialistes, distribuer des cabarets pour peu-importe-le-salaire, qu’on nous dit. #çavabienaller
On reconnait même, en toute candeur, que le problème dans le traitement de nos « sages », il date d’avant la crise… qu’en fait, il est là depuis un sacré bout de temps.
Tranche de vie
Je pourrais m’étendre sur le pourquoi du comment, sur les décisions politiques prises ou pas prises dans les dernières décennies, sur les raisons philosophiques ou anthropologiques de la patente, mais d’autres l’ont fait et le feront mieux que moi.
J’ai plutôt envie de partager une partie de solution, surement utopique, mais qui vaut tout de même la peine d’être prise au sérieux.
Je parle de prendre soin nous-mêmes de nos vieux.
Je sais, je sais, je n’ai pas l’air très crédible, parce que du haut de mes 27 ans, mes parents à moi ne sont pas près d’avoir besoin d’une cloche à la porte de leur chambre pour m’avertir qu’ils en sortent, de matériel ergonomique pour ne pas se péter la gueule quand ils entrent dans leur douche, ou même que je leur cuisine des repas.
Pour l’instant, s’il y a bien une relation aidant-aidé entre nous, c’est beaucoup plus moi l’aidée qu’eux…
MAIS.
J’ai eu la chance de cohabiter avec ma grand-mère paternelle quelques années avant de quitter le nid familial.
Mes parents ont eu la grâce de l’accueillir chez eux alors qu’elle était déjà âgée de 90 ans, et ce, jusqu’à son dernier soupir, quelque 6 ans plus tard. Ils l’ont accueillie dans toute sa vulnérabilité, sa faiblesse physique et sa force de caractère, ses caprices et sa piété.
C’était une femme de peu de mots et de beaucoup de prières.
Bref, l’adolescente en moi a été longtemps dérangée par sa présence lente et bruyante parmi nous. Jusqu’à un moment précis dont je me souviendrai encore, je l’espère, sur mon propre lit de mort.
L’expérience ultime
Mes parents étaient à l’extérieur pour l’après-midi. Je gardais les petits… et Momo*. Rien de bien compliqué : à 16 h 30, je n’avais que ses patates en canne à faire chauffer au microonde, une boite de sardines à ouvrir et à placer sur son napperon à la table, avec ses médicaments à côté de son verre d’eau. Ben chill.
Mais cette journée-là, elle a eu un petit pépin à la salle de bain, si vous voyez ce que je veux dire.
Peut-être que j’allais même oser lui souhaiter le bon appétit, en esquissant un timide sourire, auquel elle répondrait d’un petit hochement de tête content. Et je retournerais à mes affaires.
Mais cette journée-là, elle a eu un petit pépin à la salle de bain, si vous voyez ce que je veux dire. D’habitude, c’est ma mère qui s’occupait de ça. Mais là, je ne pouvais pas me défiler.
Et j’ai expérimenté quelque chose de vraiment grand à ce moment-là.
J’ai vu la vulnérabilité de cette femme à qui je devais la vie, j’ai pu la servir pour vrai, en m’ouvrant à moi-même, lire le découragement et la honte dans son regard et essayer de la rassurer en souriant et en lui disant que y’avait vraiment pas d’quoi. J’ai pogné de quoi en maudit.
Et ceci me permet de dire cela :
Un commandement oublié ?
La solution à cette hécatombe, celle qui, en fait, aurait pu la prévenir, elle se résume dans le premier commandement. Tu honoreras ton père et ta mère.
C’est sûr que ce n’est pas payant et que ça prend du temps, ça prend le temps.
Le vrai service, celui qui n’est pas reconnu par le gouvernement, celui pour lequel aucun cortège de pompiers ne fera de défilé, c’est de donner ce temps-là à nos vieux, autant qu’on le peut, bien sûr.
En tout cas, c’est ce que je souhaite à mes parents, à mes beaux-parents et à mes propres enfants. Parce qu’eux aussi seront gagnants de cette réalité intergénérationnelle, si Dieu permet qu’elle se concrétise un jour.
*Momo, c’est comme ça que ses petits-enfants l’appelaient.
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