Par James Howard Kunstler − Le 10 avril 2020 − Source kunstler.com
Dans l’angoisse de la séquestration sociale qui tord les tripes, avec la valse des carrières, de l’épargne, de l’avenir et de ses rêves, des voix s’élèvent au-dessus du vacarme des statistiques contradictoires pour se demander : que se passe-t-il ici ?
Pour certains, cela ressemble à une tentative délibérée de démolir ce qui reste de l’économie à des fins politiques. Des nuages de suspicion s’amoncellent sur les deux superstars médicales de l’émission Daily Briefing, les docteurs Fauci et Birx, alors qu’ils révisent, légèrement penauds, leurs chiffres de la contagion et des morts et tentent d’équilibrer les prévision modélisées et les efforts d’atténuation. La panique du restez-chez-vous était-elle nécessaire après tout ? Va-t-elle sauver la situation ou détruire la vie moderne telle que nous la connaissions ?
Bon ! Partout ailleurs le monde se confine, n’est-ce pas ? Est-ce qu’ils ont également tous quitté leurs rocking-chairs ? Au moins une centaine de médecins sont morts en Italie soignant héroïquement les victimes, disent-ils. La Corée du Sud, Taïwan et Singapour ont opté pour une action sanitaire radicale digne de la Gestapo. La Grande-Bretagne, l’Espagne, la France et l’Allemagne aussi, enfin presque, car il manque les tests à grande échelle et le suivi des contacts. Honnêtement, comment est-il possible que la planète entière se soit ainsi laissée humilier ?
Je ne connais certainement pas la réponse à tout cela, bien que les lecteurs me demandent de dévoiler toute l’histoire de la Covid-19 comme «un canular», ce que je ne suis pas prêt à faire. Je le sais : l’Amérique est devenue totalement intolérante à l’incertitude. Et en l’absence de certitude, cette compétence cognitive humaine séculaire appelée reconnaissance des formes, qui a fait de nous une espèce si réussie, passe en mode turbo en balayant le champ de vision pour trouver des réponses. Toute ligne de pointillés à joindre entre eux, qui offre la plausibilité la plus mince, est mise sur la table pour examen, y compris un grand nombre d’histoires étiquetées comme «théories du complot».
Je le sais aussi : le côté financier de l’économie mondiale haletante dérapait bien avant que la Covid-19 ne s’envole de sa grotte de chauves-souris pour atterrir dans le bol de soupe de quelqu’un… ou ne s’évade du laboratoire chinois de virologie de Wuhan, si c’est comme ça que vous le préférez … ou avant qu’elle ne se sauve de l’arche de Noé des secrets de la Fondation Bill et Melinda Gates. Aux États-Unis et en Europe, la finance avait fini par éclipser presque toutes les autres activités humaines de production de richesse – avec le hic que la finance ne produisait en fait aucune richesse réelle, elle ne faisait qu’extorquer et singer la richesse – ou les simples fantômes de la richesse – avec sa magie du dépouillement des actifs, dans les endroits où la richesse résidait jadis. Ou bien elle a boosté des rackets abscons qui ont tenté de remplacer la création d’argent par de purs calculs mathématiques. Ou, quand tout le reste a échoué, elle s’est contentée de recourir à la fraude comptable ordinaire… jusqu’à ce qu’il y ait finalement tellement de choses là-dedans – qui n’en sont pas vraiment – que tout le fantasme holographique a vacillé.
Le rally haussier à Wall Street, après le marché baissier d’avant Pâques, a été une merveille, vous ne pensez pas ? Alors que le nombre de personnes valides sans emploi a explosé jusqu’à plus de dix millions, au cours de la même période, les indices boursiers ont grimpé de trois, cinq, six pour cent par jour ? Tu peux répéter s’il te plaît ? Tu me dis que cela est basé sur la perspective de gains magnifiques au troisième trimestre ? Avec tous les business de la planète se tordant de douleur dans la poussière comme des insectes écrasés ? Et toutes les chaînes d’approvisionnement pour les produits de base, et l’infinité de pièces de rechange … tout cela étouffé ?
Et pendant ce temps, le public américain séquestré couve le ressentiment, en attendant les $1 200 du chèque – promis – qui va réparer… tout ! Avouons-le : c’est une zone crépusculaire alternant entre stupeur et fureur. Personne ne paie plus rien à personne. Toutes les obligations sont suspendues : les salaires, les loyers, les hypothèques, les factures, les prêts, les paris et les petits arrangements, tous figés, flottants … quelque part, mais certainement pas vers leurs destinations assignées. La circulation de l’argent est arrêtée et toutes les nouvelles facilités diverses à terme et les véhicules structurés évoqués par la Réserve fédérale et le Congrès ne représentent qu’une simple ombre chinoise d’argent en mouvement – même s’ils sont représentés par des milliards de dollars présumés tout neufs. Chaque semaine pendant laquelle l’indice boursier Standard & Poor’s augmente de 10%, quelque part, plus tard, de nombreux gestionnaires de fonds spéculatifs se feront dribbler comme autant de ballons de basket jusque dans le panier du jugement final.
La nation a maintenant le long week-end de Pâques pour pouvoir humer le ragoût et ruminer son destin avec un printemps douloureusement vif, faisant signe au-delà des sinistres barreaux des fenêtres de la séquestration. Les petites cochonnerie chocolatées de Pâques avec leurs tranches d’ananas n’offriront pas beaucoup de consolation, surtout avec la découverte abjecte que même Netflix n’a que des suites de la série Frozen à proposer aux enfants que l’ennui rend catatoniques. Les enfants ne sont généralement pas tellement excités par les marchés boursiers et obligataires, mais c’est probablement là que le véritable mélodrame reprendra lundi. Les semaines à venir donneront à l’expression reposer les pieds sur terre un tout nouveau sens.
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
Traduit par jj, relu par Kira pour le Saker Francophone
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