La crise sanitaire a mis à l’arrêt l’économie du pays et fait exploser le chômage. Ce qui pourrait impacter les besoins en main-d’oeuvre et les plans d’immigration.
Des frontières fermées, des vols suspendus sine die, des administrations en télétravail, au ralenti ou débordées… La pandémie a mis à mal bien des projets de mobilité internationale. Pourtant, en 2020, le Canada comptait accueillir 341 000 immigrants au titre de résidents permanents. De son côté, le Québec s’était donné cette année pour objectif d’ouvrir ses portes à plus de 40 000 étrangers désireux de s’établir dans la Belle province.
Pour les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers qui avaient obtenu leur visa avant le 18 mars, il est désormais possible de venir au Canada. Mais ils devront se mettre à l’isolement durant 14 jours, même s’ils ne présentent aucun symptôme, et surtout être en mesure de présenter « un plan d’isolement » convaincant – ne pas sortir de chez soi, y compris pour faire ses courses. Une fois cette (délicate) période passée, ils devront mener à distance toutes les démarches administratives liées à l’installation… Même chose pour ceux qui auraient obtenu leur résidence permanente avant le 18 mars et qui ont désormais la possibilité d’entrer sur le territoire canadien. Pas idéal pour des premiers pas dans un pays d’adoption !
Les jeunes qui espéraient partir dans le cadre d’Expérience Internationale Canada (PVT, stage Coop, permis jeunes professionnels) devront eux prendre leur mal en patience : les rondes d’invitations sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.
Pour les candidats à l’immigration qui n’étaient pas encore au bout du processus d’obtention de la résidence permanente, le ministère canadien de l’Immigration se veut rassurant : « aucune demande en cours ne sera fermée ou refusée en raison de documents manquants à cause de la COVID-19 » indiquent les autorités sur le site officiel. Les postulants disposent de 90 jours supplémentaires pour soumettre des documents certifiés, passer l’examen médical ou collecter les données biométriques. Et les demandes sont toujours traitées, assure le ministère.
Mais pour tous ceux qui mûrissaient un projet ou l’avaient tout juste engagé, la donne pourrait bien changer. Car en mettant l’économie à l’arrêt, la crise sanitaire a provoqué une hausse historique du chômage dans un pays qui s’enorgueillissait jusque-là d’atteindre des records à la baisse : en mars, le taux de chômage a bondi à 7,8% au Canada et même à 8,1% au Québec (contre 4,5% en février dans la Belle province). Les chiffres d’avril devraient être encore plus élevés. « Le Canada connaîtra des taux de chômage à deux chiffres en avril », ont prévenu les analystes de la banque CIBC.
Parmi les activités les plus touchées, on trouve l’hôtellerie-restauration, le commerce de détail, la culture et les loisirs. Autant de secteurs grands « consommateurs » de main-d’oeuvre étrangère. De son côté, le transport aérien, cloué au sol, licencie des centaines de pilotes.
Mardi 14 avril, lors de sa conférence de presse quotidienne, le Premier ministre du Québec a reconnu, en réponse à la question d’un journaliste, que le gouvernement allait tôt ou tard regarder les seuils d’immigration, même si ce n’est pas sa priorité aujourd’hui : « Il faut tout revoir et entre autres le nombre d’immigrants. Avec le taux de chômage élevé qu’on va avoir les prochains mois, on pourrait effectivement réduire le nombre ».
Si le confinement se prolonge trop longtemps, il se pourrait qu’un tiers des cafés-restaurants de la province mettent la clé sous la porte : dans ce cas, les employés mis à pied ne retrouveraient pas leur poste. Et la pénurie de main-d’oeuvre qui obligeait dans certaines régions des restaurateurs à baisser le rideau ou des commerçants à fermer boutique ne serait plus qu’un lointain souvenir…
Toutefois, les choses ne sont pas aussi simples. La crise sanitaire a révélé un manque criant de bras dans le secteur sanitaire et social : ainsi, le Québec manque cruellement de « préposés aux bénéficiaires » (aides-soignants). « Nous n’en formons pas assez et la profession n’est pas assez valorisée », a dit en substance le Premier ministre François Legault. L’immigration apparaît comme une voie de recrutement parmi d’autres pour répondre aux besoins.
Plus généralement, « le vieillissement de la population exercera naturellement une pression à la baisse sur le taux de chômage pour encore plusieurs années », estimait dans un article récent du magazine L’Actualité Jérôme Lussier, directeur associé de l’Institut du Québec, un institut de recherche et d’analyse en politiques publiques.
Au niveau pancanadien, plusieurs experts insistent sur le fait que le pays est fortement tributaire, d’un point de vue économique et social, du commerce extérieur et de l’immigration. Il ne devrait donc pas pouvoir se permettre de garder trop longtemps ses frontières fermées. « Nous avons fait beaucoup, mais économiquement, ce n’est pas durable », a ainsi déclaré Daniel Béland, le directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill, à La Presse Canadienne.
Ce n’est pas pour rien qu’Ottawa a autorisé, malgré le Covid-19, la venue sur son sol des travailleurs agricoles étrangers temporaires : il fallait assurer les récoltes de ce printemps et garantir l’approvisionnement alimentaire de la population. Au-delà de l’agriculture et de l’agro-industrie, de nombreux autres secteurs ont actuellement « de grands besoins de main d’oeuvre pour faire face à la crise, relèvent les spécialistes du cabinet Immetis. C’est le cas de la santé, des assurances, du transport et des services d’urgence ».
Une fois les frontières ré-ouvertes, le Canada devrait aussi rester friand de talents très qualifiés, dans l’informatique et les nouvelles technologies. Des talents et des compétences indispensables à la reprise.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec