par Jean Goychman.
Cette citation apocryphe attribuée à Bossuet vient immédiatement à l’esprit lorsqu’on suit l’actualité.
Alors que, depuis des décennies, on nous vante les incomparables mérites de ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation, on en découvre brutalement les effets pervers.
Un peu d’histoire
Contrairement à ce qui est dit, la mondialisation ne débute pas à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Il y a toujours eu, de mémoire d’homme, une volonté de certains dirigeants d’étendre leur pouvoir par la conquête, que celle-ci soit militaire, religieuse ou économique. Les empires se sont succédé à la surface de la planète, marquant leurs époques.
Il a fallu la conjonction de cet instinct de domination et les avancées technologiques concernant les moyens de transport et les voies de communications pour atteindre réellement une dimension mondiale. Après le « partage du Monde[1] » entre l’Espagne et le Portugal au XVème siècle, c’est d’Angleterre que la mondialisation est partie au XIXème siècle. Les prérequis nécessaires, à savoir une marine la première du monde, position due au blocus Napoléonien, et un système financier concentré sur la « city » étant satisfaits, il ne manquait plus qu’une volonté de conquête. Celle-ci s’exprima vers 1850 au moyen d’un groupe de jeunes lords anglais, tous issus d’Oxford.
La conquête du monde par la finance anglo-saxonne
Valérie Bugault, dans son ouvrage « Les raisons cachées du désordre mondial » publié en 2019 par les éditions Sigest, écrit :
« Caroll Quigley a justement présenté les choses de la façon suivante : les puissances du capitalisme financier (1850-1932) avaient un plan de grande envergure, rien de moins que de créer un système mondial de contrôle financier dans les mains du secteur privé capable de dominer le système politique de chaque pays et l’économie mondiale d’un seul tenant »[2].
Ce plan peut, à la lumière des évènements, s’analyser ainsi :
– Une conquête militaire d’un vaste empire s’étendant de la côte Est africaine et de l’Afrique du Sud vers les Indes en passant par l’Australie avant de se heurter à la civilisation chinoise. À la fin du XIXème, la « Pax Britannica » régnait sur le monde.
– Une Première Guerre Mondiale qui devait faire disparaître les empires « monarchiques ».
– Une Seconde Guerre Mondiale qui allait se révéler fatale aux empires coloniaux.
Parallèlement à cela, il fallait s’emparer de la puissance industrielle américaine et de ses capacités de production afin de faire des États-Unis la première puissance économique et militaire du monde.
Ceci fut réalisé en 1945 après la capitulation de l’empire japonais.
Vers l’unification financière du monde « libre »
Les accords de Bretton Woods[3] (1944) avaient consacré le dollar américain comme monnaie mondiale et surtout permis de créer les véritables instruments de la domination financière que sont le FMI et la Banque Mondiale. Il ne faut pas perdre de vue que, d’après le livre d’Antony Sutton[4], c’est la création à Bâle de la BRI (Banque des Règlements Internationaux) en 1930 qui a permis de financer l’accession d’Hitler au pouvoir.
Dès 1815, Nathan Rothschild, (cité dans le livre de Stephen Mitford Goodson Histoires des banques centrales[5]) a déclaré : « Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation et je me moque de qui fait les lois (page 64) Or, l’exercice du contrôle de la monnaie d’un pays ne peut se faire qu’en fixant deux choses : la valeur de cette monnaie et le taux du crédit. Depuis 1914, la plupart des monnaies européennes étaient devenues fiduciaires[6], et leurs valeurs n’étaient plus fixées par le cours de l’or.
C’est en 1971 que la Réserve Fédérale (banque privée possédée par d’autres banques privées) a réussi à se libérer de cette contrainte imposée par Bretton Woods et, n ‘étant plus contingentée par le cours de l’or (Golden Exchange[7]) a enfin pu émettre toute la monnaie qu’elle souhaitait.
Ce système d’émission, commun à toutes les banques centrales (y compris la BCE) est appelé « argent-dette » car l ‘émission de monnaie se fait en échange d’une reconnaissance de dette venant du trésor public directement, ou par l’intermédiaire de banques privées. Le payeur en dernier ressort est toujours le contribuable, au travers des impôts. Aujourd’hui, ce sont plus de 150 banques centrales qui exercent le pouvoir réel et non plus les dirigeants élus, qui sont totalement dépendants du pouvoir financier.
L’asservissement des nations par la dette
Durant longtemps, la plupart des banques centrales étaient au service du peuple et prétaient sans intérêts les emprunts nécessaires au développement du pays. Cette absence de charge financière contribuait assez largement à l’équilibre budgétaire. Ce n’est qu’après 1971 qu’une action fut menée dans différents pays occidentaux pour que ces prêts génèrent des intérêts, ce qui fit la fortune des « marchés financiers ». En France, c’est la loi du 03 janvier 1973 qui interdit à la Banque de France d’émettre de la monnaie en percevant des bons du Trésor. L’argent fiduciaire étant créé ex-nihilo, ne coûte au préteur que le coût du papier et de l’encre pour les billets émis, et encore moins lorsqu’il s’agit d’une simple écriture informatique. En contrepartie, le prêteur encaisse des intérêts. En termes de droit, cela pourrait s’appeler un enrichissement sans cause, exactement comme pourrait le faire un faux-monnayeur.
C’est ce privilège, détenu par les seules banques centrales et qui sont reliées entre elles sur toute la planète, qui a permis la mondialisation économique en pouvant émettre pour rien (ou presque) la monnaie nécessaire aux transactions. Il ne faut donc pas s’étonner que le choc pétrolier se soit produit en 1973, après l’abandon de l’étalon-or par la FED. Les pétrodollars naquirent ainsi et, comme ils ne devaient en aucun cas revenir sur le sol américain, l’inflation fut maîtrisée.
Comme toutes ces dettes généraient des masses d’intérêts, les charges budgétaires augmentaient et les déficits suivaient la même courbe, ce qui créa un effet « boule de neige ».
L’interdépendance des États les a conduits à la ruine
Les échanges internationaux se faisant au moyen du dollar, ce dernier devenait la monnaie par rapport à laquelle les autres devraient s’ajuster. Cela donnait à la FED, associée à la Banque Mondiale et au FMI un pouvoir financier sans égal. Les « assassins financiers » décrits par John Perkins allaient pouvoir œuvrer.
C’est en 1973 également que fût créée la « Commission Trilatérale » Cette organisation d’apparence assez anodine disposait cependant de pouvoirs très étendus. Une nouvelle architecture planétaire allait voir le jour, destinée à passer d’un monde « bipolaire » né de la guerre froide, à un « nouvel ordre mondial » qui redistribuerait les rôles. Il s’agissait surtout d’instaurer un pouvoir global qui serait confié à des intérêts privés pour diriger le monde futur duquel les nations, « seules réalités internationales », comme disait de Gaulle, doivent disparaître.
Un nouveau système
Prévoyant avec anticipation la fin du communisme, une répartition différente des rôles se mit en place progressivement. La seconde guerre mondiale avait permis une progression sans précédent des capacités de transport, qu’il soit maritime ou aérien. Elles allaient permettre de bouleverser complètement le commerce international qui allait pouvoir vendre dans le monde entier des produits ou des services réalisés n’importe où. Le paramètre essentiel est devenu dès lors leur coût de production et la marge commerciale qu’il permettaient de dégager.
Les pays industrialisés, principalement occidentaux, furent conduits à passer à l’ère « post-industrielle » et les pays « émergeants » devinrent l’atelier du monde. Quant aux autres, ils étaient réduits à fournir les matières premières extraites de leur sol ou sous-sol.
Le « talon d’Achille »
Les années 2010 furent celles d’une prise de conscience. Les classes moyennes qui avaient pu émerger du développement économique permis par le capitalisme industriel commencèrent à se paupériser en raison des délocalisations massives des capacités de production, laissant sans emploi des millions de gens qui vivaient dans ces pays désindustrialisés. La naissance d’un mouvement de contestation souvent appelé « populisme » par ceux qui bénéficient des mannes du capitalisme financier qui dorénavant règne sans partage, trouva sa première expression politique en Europe.
Mais c’est en novembre 2016 que l’ampleur du phénomène fut révélée. L’élection de Donald Trump fut un revers sévère pour les mondialistes. Les projets de traités de libre-échange qui devaient unifier la planète en faisant disparaître toutes les frontières, et donc les nations souveraines, considérées comme « la bête à abattre » des mondialistes, furent laissés en plan. On vit réapparaître, sur le devant de la scène internationale, de grandes nations sûres d’elles-mêmes et de leur destin. Les discours de Donald Trump et de Xi-Jinping dans les temples du mondialisme que sont l’ONU et la réunion annuelle de Davos sont sans ambigüité.
Et Vladimir Poutine, s’imposant sur le terrain militaire au Proche-Orient pour y défendre les intérêts russes, n’est pas en reste.
Et voici qu’apparait, sans que personne n’ait, – du moins en apparence – envisagé la chose, un petit rien qui apparaissait très anodin. Ce grain de sable qui risque d’enrayer toute l’énorme machine et qui s’appelle le « coronavirus ».
Des conséquences économiques mondiales ?
Parti d’une ville chinoise appelée Wuhan, d’après les médias, le virus a été révélé le 09 janvier. Considéré comme local, il a fallu plus d’un mois pour que ses effets commencent à se faire ressentir un peu partout dans le monde. Les aspects médicaux des conséquences de ce phénomènes semblent prendre de l’ampleur mais je limiterai mon propos à l’aspect financier et économique.
Depuis la-mi-février, environ un mois après sa découverte, le virus a fait plonger tous les marchés mondiaux. La perte financière s’élève déjà à plusieurs milliers de milliards de dollars et semble s’amplifier de jour en jour. Les indices ont déjà perdu plus qu’en octobre 1987…
Coté économique, les peuples viennent de prendre conscience du degré de dépendance qu’ils ont envers l’industrie chinoise, et ceci dans des domaines absolument vitaux. On découvre ainsi que la cupidité financière s’est exercée au détriment de la prudence et que l’approvisionnement de nombre de denrées essentielles, comme certains médicaments, proviennent exclusivement de Chine.
Autant dire que les conséquences sont difficilement à appréhender. Cependant, il y a une chose qui peut être annoncée dès maintenant, c’est qu’il y aura un avant et un après.
Ce mondialisme, dont l’élite menée par la finance internationale nous vante les bienfaits depuis des décennies, a-t-il encore un avenir ?
Pour Donald Trump, dans son discours de l’ONU, la réponse est non.
—————————————————————–
[1] https://ehne.fr/article/leurope-les-europeens-et-le-monde/leurope-et-la-regulation-juridique-des-relations-internationales/traite-de-tordesillas-7-juin-1494
[2] tiré du livre Tragedy and hope
[3] https://www.mondialisation.ca/les-etats-unis-l-europe-et-les-accords-de-bretton-woods-ii/10634
[4] https://archive.org/stream/WallStreetEtLascensionDHitlerAnthonyCyrilSutton
[5] http://www.librairiefrancaise.fr/fr/analyses-actualite-etudes/3929-histoire-des-banques-centrales-stephen-mitford-goodson
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_fiduciaire
[7] https://forex.tradingsat.com/lexique-forex/definition-gold-exchange-standard-513.html
source : http://www.revuemethode.org
Source: Lire l'article complet de Réseau International