L’Annonce faite à Laurence

L’Annonce faite à Laurence

À Noël dernier, j’ai lu et relu L’Annonce faite à Marie de Paul Claudel. 

Livre fascinant.

Violaine, jeune fille d’environ 18 ans, dans un moment de joie enfantine, embrasse un pauvre lépreux, triste et déprimé. Un geste innocent, spontané. Comme un élan pour remercier Dieu de tout le bonheur dont il la comble : elle va bientôt se marier avec l’homme qu’elle aime ! 

Bien sûr, elle attrape elle aussi la lèpre et doit dire adieu au fiancé. C’est sa sœur qui l’épousera. Elle, elle se retrouve dans une grotte, isolée de tous, le visage déformé, les yeux consumés. Elle est aveugle et ne voit qu’avec le cœur. 

Des années plus tard, sa sœur vient la visiter. Sa fille, sa petite Aubaine, est morte, la veille de Noël. Elle n’accepte pas cette mort et espère un miracle de sa sœur. « Il faut être sainte quand une misérable te supplie. » 

Violaine se plaint de ne justement pas être sainte. Mais aux sons des cloches de Noël, le bébé entre les bras, grâce au mystérieux lait maternel sortant de son sein, l’enfant ressuscite. Et les yeux d’Aubaine virent au bleu, comme ceux de Violaine…

Une prière à Noël

Livre fascinant, vraiment. Une phrase le résume bien : « L’amour a fait la douleur et la douleur a fait l’amour. » Car le livre dans son entièreté est comme un hymne à la souffrance. L’amour de Dieu est grand ! « Comme celui du feu pour le bois quand il prend », ajoute Violaine.

« C’est bon, cette fois-ci, je veux être mère, pour de vrai. Je prierai pour cela. »

Drôle de livre qui m’a fait dire à mon mari à Noël : « C’est bon, cette fois-ci, je veux être mère, pour de vrai. Je prierai pour cela. » Ce qui a fait plaisir au mari, lui qui se plaignait depuis le début de notre mariage de ma « quasi-joie » à la venue de mes règles chaque mois… Difficile de renoncer à sa liberté, à sa vie intellectuelle bien remplie !

L’amour a fait la douleur

Et l’amour a fait la douleur. Deux semaines après mon élan naïf de joie, je me retrouve enceinte. 

Quelques semaines plus tard, j’ai un diagnostic d’hyperémèse gravidique. Rien de grave pour l’enfant. Juste pas mal de souffrances pour moi, qui vomis plus que la normale, qui passe ses journées entières à dormir, à cause de médicaments qui m’assomment complètement.

Adieu le doctorat. Adieu l’enseignement. Durant environ 3 mois, je vais être contente si je réussis à faire la vaisselle et à écrire un petit article pour le Verbe.

Ça donne le temps de penser. Penser à la souffrance, à la douleur, à l’ennui. Surtout en période de confinement ! À vrai dire, je me sens confinée dans le confinement général, moi qui arrive difficilement à faire quelque chose, même en restant à la maison.

La douleur a fait l’amour

Et la douleur a fait l’amour. Car c’est un nouveau Dieu que j’apprends à connaitre à travers la fatigue et les vomissements. Un Dieu plus nécessaire, plus primordial.

Seigneur, en toi j’ai fait mon refuge. (Ps 15)

Sans lui qui a pris nos souffrances, la mienne est franchement insupportable. Et celle du monde en ce moment. Souffrance qui, quand je me la représente, ajoute à ma propre tristesse. 

Et la douleur a fait l’amour. Car ma vie étant sous silence complet, j’ai eu le bonheur d’entendre hier pour la première fois, chez le médecin, battre le cœur de l’enfant en mon sein. Il résonne encore dans ma tête.

La douleur est grande. Mais l’amour est plus fort encore.


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