Il aura fallu une épidémie mondiale de coronavirus, le Covid-19, pour qu’aux informations on découvre que des ouvriers, de simples employés, sont indispensables à la survie du genre humain…
On peut sans trop de problème laisser confiner à la maison un agent commercial ou un péquenot qui travaille dans la publicité, un avocat ou un agent immobilier. Mais on a un besoin vital des caissières, des magasiniers, des manutentionnaires, des routiers ou des agriculteurs…et bien d’autres « main-d’oeuvres » biens d’autres manoeuvres… le sel du genre humain.
Il aura fallu que des milliards d’humains sur la planète soient confinés, pour que les dirigeants soient obligés de dire et de reconnaître que la plupart de tous ceux qui travaillent dur, bien souvent avec leurs mains, sont indispensables : des aides médicales aux auxiliaires de vie, des livreurs aux ouvriers de production, tous indispensables…et que dire des ouvriers des usines et des chantiers.
Le temps de l’épidémie et des bouleversements qu’elle a provoqués, les journalistes ont découvert l’importance du travail des caissières,l’importance de tous ceux qui nettoient. Ils les appellent les «travailleurs invisibles». Mais ça veut dire qu’ils ne voulaient pas les voir avant. Comme par hasard, tous ces métiers qu’on a découvert comme étant indispensables, ce sont en gros les plus mal payés de la société, ce sont ceux où les horaires sont décalés, à temps partiel, ce sont les emplois les plus précaires. Et s’y trouvent aussi une bonne proportion de nos camarades travailleurs immigrés : par milliers, ils viennent chaque jour de banlieue, pour tout nettoyer, récurer, et rendre sains les lieux de vie et de travail.
Mais, qu’est-ce que c’est donc que cette société ?
Elle traite le plus mal ceux dont elle doit reconnaître qu’ils lui sont indispensables ! On peut être fiers d’être applaudis, comme l’ont été les infirmières ou les conducteurs d’ambulance. On peut être fières que la télé s’intéresse à nous, travailleuses en Ehpad ou caissières de supermarché.
Une chose est sûre, c’est que nous ne sommes pas comme ces parasites du monde de la finance, eux qui mènent l’économie par le bout du nez. Ils vivent du revenu de leurs actions en bourse, ou des intérêts du capital qu’ils placent ici ou là. Sans travailler, sans rien produire. Nous produisons, nous, de vraies richesses, et nous rendons des services utiles. Des travailleurs utiles, il y en a deux sortes aujourd’hui. Il y a ceux que l’on voit, qu’on entend. Et il y a ceux dont on ne parle qu’en situation extraordinaire, la grève, l’épidémie : les simples employés, les simples ouvriers.
Ceux que l’on voit et qu’on entend, ce sont les journalistes, les médecins, les professeurs, les ingénieurs, les architectes. Ils ont souvent -pas toujours- été aidés par de bonnes conditions pour étudier, et ils ont pour eux d’avoir eu un diplôme.
C’est dans leur monde que se font les films, les livres, les journaux. Et dans tout cela, nous n’existons pas. Un ouvrier, une infirmière, n’est jamais un héros, pour eux.
A force de nous ignorer, leur monde a réussi à donner l’impression que nous n’existions pas, que nous ne valons rien. Et moins nous bougeons, moins nous protestons, plus le système capitaliste tout entier en profite, en profitant de notre travail, indispensable. Mais la vérité est que nous pouvons être une force. Car non seulement nous sommes indispensables pour toute la société, mais nous sommes bien plus nombreux qu’ils ne le font croire. Nous sommes en réalité presque aussi nombreux que ceux qu’on voit et qu’on entend.
Sur un total de 30 millions de population active, nous sommes 8 millions d’employés et 6 millions d’ouvriers : 14 millions de travailleurs indispensables.
Et nous sommes les mieux placés pour savoir tout ce qu’il faudrait changer.
Oui, nous méritons d’être respectés, autant qu’un ingénieur, un chercheur, un avocat. Et c’est à nous de défendre cette idée, d’égalité, de fraternité. Contre leur maudite concurrence.
9/4/2020 L’Ouvrier n° 336
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Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec