S’il y a un genre littéraire négligé, c’est bien celui de la liste. Voici donc celle des choses qui m’exaspèrent dans notre réaction commune à la situation flottante et anxiogène qui nous tarabuste l’existence.
François Legault qui répète chaque jour que cette crise représente le plus grand combat de notre vie
Je ne sais pas ce qui me décourage le plus. Que plusieurs parmi nous pensent cela, ou que ça soit peut-être vrai. On se rappelle que la consigne principale est de rester à au moins deux mètres les uns des autres. À l’ère du numérique, de la commande en ligne, des réseaux sociaux et du transport individuel, ça demande juste une dose de repliement supplémentaire.
Que sera, donc, le second combat le plus important de notre vie ? Choisir la bonne marque de savon pour l’exéma du petit ?
Que sera, donc, le second combat le plus important de notre vie ? Choisir la bonne marque de savon pour l’exéma du petit ? Il y a des peuples qui ont lutté pour leur indépendance et leur liberté, je dis ça de même.
On vit une époque qui manque désespérément de tragique.
Les zélés qui appellent la police parce que leur voisin fait le party
Ou sa variante : ceux qui prennent en photo les rassemblements de plus de deux personnes et qui mettent ça sur les réseaux sociaux, assaisonné d’insultes et de mépris.
Résumons. Quand l’homme n’est pas occupé à interdire l’interdit, à argumenter que chacun est libre de vivre comme il veut, quand il prend une pause de sa révolution sexuelle, sociale et morale, il ne faut pas beaucoup de temps pour que les petites lois, la délation et la curie des bonnes intentions reprennent leurs droits sur lui. Comme s’ils avaient été mis en confinement trop longtemps…
La déification des professionnels de la santé
Rien à redire sur leur travail. Mais l’encensement religieux dont ils font quotidiennement l’objet révèle plus la trouille qui nous habite qu’autre chose. Ou un besoin de mythologie mal refoulé. Les superhéros, versions laïques et horizontales des saints d’autrefois, peuplent maintenant l’imaginaire collectif dès que vient le temps de trouver un peu d’abnégation en ce bas monde.
« Il y aura un avant et un après »
Bien sûr. C’est aussi le cas quand je vais me faire couper les cheveux. Sous prétexte qu’ils n’ont jamais vu un centre d’achat vide, certaines personnes prétendent que nous sommes à l’aube de bouleversements sociaux majeurs. Elles ont peut-être l’impression que l’humanité se remet profondément en question.
Oui, les règles sanitaires risquent d’augmenter dans les échanges commerciaux entre pays. On va peut-être encourager un peu plus le télétravail à l’avenir. Ça se peut qu’on installe des distributeurs de Purell dans les autobus.
Mais la vraie révolution, celle qui consisterait à téléphoner à son grand-père seul en CHSLD en pleine période de temps ordinaire, celle qui ferait qu’on soit conscients les uns des autres, qu’on se salue dans la rue, qu’on remercie les préposés même si on n’est pas atteints de la tuberculose, celle-là ne viendra probablement pas.
Les épreuves qui nous rappellent qu’on est des frères avant d’être des hommes d’affaires, des comptables ou des punks sont rares. Ces choses-là exigent plus qu’un confinement volontaire de deux mois. Ça prend une guerre ou une victoire du Canadien en séries, minimum.
Les casse-pieds
« À quelque chose, malheur est bon ». Vous l’avez peut-être entendue celle-là. Dans sa version écologique : baisse des émissions de CO2, augmentation du télétravail, meilleure qualité de l’air. Dans sa version humaine : plus de temps pour être entre nous, pour connaitre nos enfants, nos voisins ; une chaleur sociale retrouvée, etc. Dans sa version intellectuelle et spirituelle : on a enfin du temps pour lire Victor Hugo ou saint Augustin !
Mais cela déplait à certaines âmes sombres et graves. Parce que des gens souffrent et meurent, il serait indécent de nous réjouir de quoi que ce soit. À ceux-là le catholicisme, avec la mort au centre de son espérance, doit être insupportable.
Les 200 textes par jour sur la COVID-19
Incluant le mien. Parfois, je m’arrête et je me dis que ce dont nous faisons l’expérience est quand même un peu surréel. La fermeture des commerces, la distanciation sociale, une conscience commune renouvelée, etc.
Une fois que le flot de paroles aura cessé de nous émousser les sens, nous commencerons peut-être à saisir la période unique que nous vivons. Quelle étrange situation. Surement, on pourra dire qu’il y a eu un avant et un après !
Heureux que Le Verbe existe ? Notre équipe vit d’amour, d’eau fraiche… et de café. Merci de nous aider en nous offrant l’équivalent du prix d’un café par jour !
Source: Lire l'article complet de Le Verbe