La phrase d’Emmanuel Macron du 7 novembre publiée dans The Economist, «ce que nous vivons actuellement, c’est la mort cérébrale de l’Otan»,ne semble avoir été qu’une annonce en faveur de Berlin et de la politique de l’Otan et non un changement de cap militaire. Pendant que tout le monde est bombardé d’informations morbides sur le Covid-19, l’entreprise Otan continue de s’améliorer avec l’aval du président français sous la tutelle allemande.
Pierre Servent, spécialiste des questions de défense, avait déclaré sur France Culture en décembre 2019 qu’ «il faut rappeler que l’Otan est une alliance politique avant d’être un outil militaire». Emmanuel Macron n’a pas du tout pensé remettre en cause le fonctionnement militaire de l’Otan mais a poussé à ce que les chefs de cette organisation changent au profit d’une autre puissance. Pierre Servent expliquait en ces termes les inquiétudes de certains membres de l’Otan: «L’outil militaire fonctionne plutôt pas mal, mais la tête politique et diplomatique, elle, est en état de mort cérébrale parce qu’un des neurones principaux, le neurone américain, est tourné vers l’extérieur, vers l’Asie et pas du tout vers l’Otan. Et puis, nous avons un cheval de Troie aujourd’hui dans ce cerveau: la Turquie. Au moment même où nous parlons, elle fait du chantage à l’intérieur de l’OTAN en disant: «Nous, nous bloquons toutes les mesures prises pour la défense des pays de l’Est». Vous savez que nos amis baltes et polonais ont une trouille bleue de Moscou, donc un certain nombre de dispositifs otaniens ont été pris. Et les Turcs disent: «Si vous ne bénissez pas notre intervention ô combien géniale dans le nord de la Syrie, qui a créé un chaos supplémentaire et favorisé le renforcement de Daech, eh bien, nous bloquons cela». Les média veulent nous montrer que l’Allemagne et la France ont décidé de reprendre en main l’organisation de l’Otan. C’est plus l’Allemagne, avec son allié israélien, que la France, qui en prend le contrôle.
«Nous devons réinventer nos relations avec la Russie sans attendre Trump, qui, s’il est réélu, relancera une dynamique entre les Etats-Unis et la Russie sans tenir compte des intérêts de l’Europe», a déclaré Hubert Védrine dans une interview au Figaro en août 2019 laissant penser à un geste positif envers la Russie. «La relation dont nous avons besoin doit être réaliste et prudente, mais de bon voisinage», a-t-il déclaré dans une autre interview le 15 janvier 2020. A ce moment là, Hubert Védrine se voyait comme l’homme qui allait changer le cerveau malade de l’Otan car le choix d’Emmanuel Macron de son représentant dans le groupe d’experts chargés de réfléchir à l’orientation future de l’Alliance s’était fait sur cet ancien ministre des Affaires étrangères et avocat autoproclamé d’une «politique plus réaliste» envers Moscou.
D’ailleurs, les média continuent en ce mois d’avril de nous faire croire en l’autonomie politique de la France. Le Monde titre: «Paris choisit Hubert Védrine pour réfléchir à l’avenir de l’Otan». En outre, le président français, même si il avait invité le président russe à Brégançon, avait bien évoqué ses doutes envers la Russie en insistant sur le fait qu’il ne se fait aucune illusion sur ce pays et qu’il s’engage dans un projet clairvoyant à long terme pour faire avancer les intérêts de l’Europe en parlant d’une armée européenne, notamment avec Berlin. Et puis, comme l’indique Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique, un think tank parisien, «Hubert Védrine a présidé le premier élargissement de l’Otan de l’après-guerre froide et, à ma connaissance, n’en a jamais été un critique franc».
Hubert Védrine avait déjà bien vu la position allemande qui s’avançait derrière le pion Macron en déclarant le 3 décembre 2019 que «même madame Merkel qui s’effarouche un peu avait dit «comme on ne peut plus compter sur les Américains, il faut s’organiser mieux entre nous». Et finalement, il ne se passe rien. Au lieu de s’organiser dans un pôle européen au sein de l’Alliance, les Européens mettent des cierges pour que les Américains les protègent quand même. Je comprends donc qu’Emmanuel Macron pense que cela n’a plus aucun intérêt de rester dans le non-dit, les euphémismes, la langue de bois et les mensonges. Il espère provoquer une réaction positive».
Le 31 mars, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a annoncé, en plein milieu de la crise du Covid-19, la nomination d’un groupe d’experts pour soutenir les travaux de l’Organisation du traité de l’atlantique nord dans le cadre d’un processus de réflexion visant à renforcer encore sa dimension politique. On apprend que le groupe de cinq hommes et de cinq femmes, Greta Bossenmaier (Canada), Anja Dalgaard-Nielsen (Denmark), Hubert Védrine (France), Thomas de Maizière (Germany), Marta Dassù (Italy), Herna Verhagen (The Netherlands), Anna Fotyga (Poland), Tacan Ildem (Turkey), John Bew (United Kingdom) and Wess Mitchell (United States), sera coprésidé par Thomas de Maizière et Wess Mitchell, ex-sous-secrétaire d’Etat pour les affaires étrangères des Etats-Unis, et fera un rapport au Secrétaire Général de l’Otan.
Hubert Védrine, même si il se trouve présent dans ce groupe, n’en possède pas la direction car c’est Thomas de Maizière, conseiller intime d’Angela Merkel, figure stratégique et politique de l’Etat profond allemand, qui en possède le poste clef à côté d’un proche de Washington, de Donald Trump et de l’élite allemande.
Si quelqu’un pensait que la crise du Covid-19 pourrait inciter Emmanuel Macron à annuler sa pression pour refondre les relations de l’Occident avec la Russie, cette semaine leur a donné tort.
Olivier Renault
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