Hydro financerait les serres québécoises à l’année longue
La crise actuelle nous fait réaliser l’absolue nécessité de la souveraineté alimentaire. Et pour cause !
L’ONU vient de déclarer qu’une pénurie alimentaire est à nos portes, menaçant la sécurité de centaines de millions de personnes. Et si cela se confirme, le Québec ne serait probablement pas épargné. La raison est bien simple : nous sommes dépendants de l’agriculture mondialisée qui peine pourtant à nous nourrir.
Que le spectre d’une pénurie alimentaire se confirme ou non, la situation nous force à réfléchir à l’avenir de l’agriculture au Québec. Ce n’est pas souhaitable que 40 % de ce qui est consommé au Québec provienne ou transite par les États-Unis et que la majorité de la production des grandes cultures soit destinée à des marchés étrangers.
Le système actuel nous place dans une situation de dépendance constante envers des produits et de la main-d’œuvre provenant de l’extérieur, alors que nous avons tout ce qu’il faut au Québec.
Agriculteurs et citoyens mangeurs, nous devons travailler collectivement à assurer notre souveraineté alimentaire. Comment ? En décentralisant la chaîne de production au profit d’une agriculture de proximité qui nourrira les communautés d’ici, d’abord et avant tout.
L’un des premiers pas pour encourager l’agriculture de proximité est de favoriser, en tant que société, l’achat de produits agricoles locaux autant que possible. Le gouvernement a d’ailleurs lancé un appel à l’achat local, et je salue l’initiative. Malheureusement, ça ne suffira pas. Nous devrons réaliser une véritable transformation du système agricole, sans quoi les enjeux reviendront.
Même s’il est encore tôt pour parler des leçons de la crise, je crois que tout le monde s’entend sur le fait que le Québec doit être plus autonome, notamment lorsque les besoins essentiels des Québécois sont en jeu.
Il faut appuyer dès maintenant une forme d’agriculture plus résiliente.
Le gouvernement doit favoriser la multiplication de plus petites fermes en territoire québécois. Des fermes à échelle humaine, avec une production diversifiée, qui fonctionnent en circuit court et redynamisent les campagnes québécoises. Une agriculture qui a du sens.
Nombreux sont ceux qui pensent que notre nordicité et la rigueur de nos hivers nous empêchent d’avoir accès à des légumes frais et locaux à l’année. Pourtant, c’est tout à fait possible d’en cultiver sous des serres chauffées. Le coût exorbitant des frais de chauffage fait en sorte que la production de tomates en plein hiver, de façon durable, sans utiliser de carburant nuisible à l’environnement, a cependant peu de sens.
Par contre, si ces serres servaient à faire pousser des épinards, des laitues, des radis et autres légumes qui nécessitent un chauffage d’air minime ou un chauffage de sol, comme c’est le cas pour les garages, alors là, ça aurait du sens. Et si ces serres bénéficiaient du même taux préférentiel qu’Hydro-Québec donne aux alumineries, ça deviendrait carrément rentable. L’effet d’une telle politique publique permettrait à des milliers de producteurs d’augmenter leur offre, et donc, leur capacité à nourrir les communautés à l’année. En d’autres mots, ça changerait tout pour le système alimentaire au Québec.
Je lance cette idée, car je la connais. Je fais pousser des légumes pratiquement à l’année depuis plus de 15 ans déjà. Différentes variétés de salades, des radis, des navets et surtout des épinards poussent dans mes serres chauffées au minimum. Malgré des températures froides, j’arrive à faire pousser des légumes grâce à la lumière.
On en parle peu, mais il y a une multitude de petits producteurs maraîchers établis sur le territoire qui ne demandent qu’à allonger leur saison pour nourrir leurs communautés. Et si, en tant que société, on demandait à Hydro-Québec d’offrir un taux préférentiel à ces petits producteurs ? Je suis convaincu que cette politique révolutionnerait notre agriculture. C’est concret et réaliste.
Apprenons collectivement de cette crise et profitons du moment pour bâtir les choses autrement.
Sur ce, je retourne travailler dans les champs avec mon équipe. En ces temps difficiles, mon métier de maraîcher n’a jamais été aussi important et il demeure ma priorité. Dans les jours et les semaines qui suivront, je mettrai tout en œuvre pour produire le plus de légumes possible afin de nourrir les gens qui comptent sur moi.
* Jean-Martin Fortier est l’auteur du Jardinier-maraîcher et coauteur de L’avenir est dans le champ avec Marie-Claude Lortie.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec