par Dilma Rousseff.
Mémoire des luttes publie en exclusivité, avec l’accord de l’éditeur, la préface de l’ouvrage Lula. La vérité vaincra (Le Temps des cerises, Paris, 2020, 14 euros). Ce texte intense est signé par l’ancienne présidente du Brésil Dilma Rousseff. Cet ouvrage est disponible en librairie et sur le site du Temps des cerises.
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Ce livre, La vérité vaincra, a pour origine un entretien accordé par l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva, en février 2018, aux journalistes Juca Kfouri et Maria Inês Nassif, au professeur Gilberto Maringoni et à l’éditrice Ivana Jinkings. Lula y parle du Parti des Travailleurs, de l’exercice du pouvoir, du coup d’État de 2016 et des bouleversements que le Brésil a connus ces dernières années, outre les persécutions que l’opération Lava Jato lui inflige depuis qu’il est victime de la guerre juridique.
Condamné et emprisonné, injustement et sans preuves, Lula a été écarté de l’arène politique, placé dans une cellule, et s’est vu empêcher de participer aux élections présidentielles. Grâce à l’action de l’actuel ministre de la Justice du gouvernement Bolsonaro, il a été poursuivi, chassé, jusqu’à devenir un prisonnier politique. Cela s’est passé en avril 2018.
Depuis, le Brésil a connu des jours plus sombres encore, conséquence du processus politique dévastateur engagé avec le coup d’État qui m’a destituée de la présidence en 2016. Aujourd’hui, le pays est gouverné par un néofasciste, en politique et dans les mœurs, perversement néolibéral dans les champs économique et social.
Une véritable calamité pour un pays qui a traversé, entre 2003 et le coup d’État, une période de progrès, de prospérité et d’émancipation populaire. Grâce au Parti des Travailleurs et aux gouvernements que nous avons dirigés, le pays a fait de la prospérité le synonyme de croissance économique, de redistribution des richesses, d’insertion sociale, d’éradication de la faim et de réduction de la misère à un niveau extrêmement bas.
La persécution de Lula a débouché sur l’ascension des putschistes et de l’extrême droite. Le Brésil a été livré au néolibéralisme et il est devenu le laboratoire d’expérimentations rétrogrades et réactionnaires.
En ces temps difficiles, comme cela s’est déjà produit à travers le monde durant d’autres périodes historiques, le serpent a donné naissance au néofascisme dans le plus grand pays d’Amérique du Sud. Bolsonaro est le fruit amer de la criminalisation de la politique, du coup d’État qui m’a renversée et de la persécution de Lula.
L’œuf du serpent a été conçu dans un discours de haine, d’intolérance et de préjugés. Et il s’est développé sous la protection du silence obséquieux du pouvoir judiciaire, qui n’a mis aucun frein aux abus de l’opération Lava Jato, de la complaisance ou du soutien de la presse, et de l’intérêt opportuniste du marché.
L’opération Lava Jato a été l’un des principaux instruments du coup d’État et de la victoire de l’extrême droite. Elle a représenté la ligne de front de la guerre juridique menée contre Lula. Pour attaquer sa réputation, elle a fait fuiter dans la presse des accusations dénuées de preuves, elle a intimidé des témoins, elle a exercé des pressions sur des corrompus pour leur arracher des délations, elle a menti aux tribunaux supérieurs et a piétiné le droit à la défense et à un procès légal.
Mais le pire des abus de l’opération Lava Jato – dirigée par le juge fédéral qui est maintenant ministre de la Justice – a été de condamner et d’arrêter un innocent qui pouvait conduire le Brésil à sortir dignement de la crise.
L’emprisonnement illégal de Lula a privé le Brésil du leader qui lui aurait permis de retrouver la démocratie et de se retrouver lui-même. Lula aurait battu Bolsonaro en 2018 – il était en tête des sondages jusqu’en juillet – et aurait évité au Brésil de connaître le désastre actuel. C’est justement pour cela qu’il a été emprisonné.
La détention du président le plus populaire de notre histoire est devenue une menace pour nous tous : si Lula a pu être arrêté illégalement, n’importe qui peut l’être. Pour cela, également, son emprisonnement a été un coup mortel porté à la démocratie. Pendant 580 jours, tandis que Lula était prisonnier, le Brésil suffoquait et la démocratie était menacée.
À présent, la libération de Lula, intervenue en novembre 2019, éveille une nouvelle fois l’espoir qu’il est possible de rêver de liberté pour le peuple brésilien.
La lutte n’est pas seulement, à présent, une lutte pour la liberté de Lula, mais une lutte pour l’annulation et la révocation de toutes les condamnations judiciaires – injustes et frauduleuses – qui lui ont été infligées.
Cela est fondamental. Il nous faut rassembler nos forces et organiser la résistance pour faire face à l’appareil néofasciste – militaire, judiciaire et médiatique – qui menace de détruire la démocratie, tout en faisant revenir la misère, en abandonnant nos richesses, en marchandant la souveraineté brésilienne, en vendant nos entreprises publiques et en imposant au peuple des sacrifices et des souffrances que nous avions dépassés sous nos gouvernements.
Lula est donc la voix de la résistance. Plus que jamais, Lula symbolise le combat de notre pays pour la démocratie et pour l’État démocratique de droit.
source : http://www.medelu.org
Source: Lire l'article complet de Réseau International