Malgré le chaos, la peur, la peine et le mal qui ont bombardé ma vie – et la vôtre – depuis une semaine, j’ai cette étrange impression d’avoir recommencé à vivre.
Aussi contradictoire que cela ne puisse paraître, l’arrêt brutal et total qu’impose l’explosion des cas d’infection provoque une urgente envie de mouvement, de prise de parole et de renouveau.
En une semaine, j’ai l’impression d’avoir acquis la sagesse qu’aucun moine bouddhiste n’aurait pu m’enseigner l’espace d’une vie; d’avoir reçu l’équivalent d’une décharge de 300 joules d’un défibrillateur cardiaque.
Cette vie que je croyais remplie, heureuse et comblée n’était qu’une succession de moments sans importance, couchés sur une page d’agenda qu’on se dépêche de tourner pour en accumuler de nouveaux.
Parce qu’une petite cellule de 90 nanomètres a trouvé les conditions idéales pour vivre, se reproduire et proliférer, j’ai retrouvé cette envie folle de sentir le sang couler dans mes veines. C’est à la fois gênant et troublant à dire.
C’est en perdant tout ce que je prenais pour acquis et en faisant le vide de mes certitudes que j’ai trouvé le courage d’admettre que plus rien n’avait de sens. Devant le néant, deux choix s’imposent: fuir ou combattre.
Je choisis d’avancer parce qu’assis seul et isolé volontairement dans mon appartement, je ne me suis jamais senti autant connecté.
Ce virus m’oblige aujourd’hui à décider du reste de ma vie: baisser les bras ou reconstruire. De nature assez pessimiste, j’aurais prédit l’effondrement total. Or, c’est tout le contraire qui se produit.
Je choisis d’avancer parce qu’assis seul et isolé volontairement dans mon appartement, je ne me suis jamais senti autant connecté. Au lieu d’être abandonné par la société que je me tue à nourrir, elle m’ouvre les bras et m’accueille dans ma plus grande vulnérabilité. Je ne suis pas seul et vous non plus.
Cette bestiole meurtrière qu’on a baptisé COVID-19 a osé enfoncer le bouton d’arrêt d’urgence d’une société en état d’ébriété qui fonçait droit dans le mur. L’arroseur arrosé: l’humanité qui se bat contre un virus, sauvée par un virus mortel.
La vie – quelle qu’elle soit – engendre la vie qui, un jour ou l’autre, finira par s’éteindre. Ce temps qui s’égrène entre notre naissance et notre mort est le seul témoin de notre passage. Nous comprenons tôt que ce moment qui nous est prêté, entre l’aube et le crépuscule de notre existence, finira par s’effacer. Nous cherchons inéluctablement à en graver des traces, pour que quelqu’un se rappelle de notre passage.
Malgré les guerres, les inégalités et les injustices, l’énergie vitale a eu raison des frontières et des égos tourmentés de nos dirigeants.
Nous avions oublié que la sagesse se mesure en moments de silences seuls face à nous-mêmes. Dopé à l’obligation de vivre au moment présent, l’humain a renié l’une des clés pour assurer sa survie, soit l’apprentissage des expériences passées.
En quelques jours, l’humanité toute entière s’est permis d’accorder son battement de cœur au rythme d’une vague de fond silencieuse et invisible. Malgré les guerres, les inégalités et les injustices, l’énergie vitale a eu raison des frontières et des égos tourmentés de nos dirigeants.
Je suis rassuré et je n’ai plus peur de rien.
Face au néant, notre instinct de survie a trouvé les moyens de choisir la vie.
Source: Je n’ai plus peur de rien