Avec les téléphones mobiles, il n’y a plus aucune façon d’échapper aux oligarques californiens
La distanciation sociale fonctionne, mais dans sa forme la plus élémentaire, elle est brutale et économiquement très dommageable. Nous avons déjà vu comment le dépistage et les tests peuvent améliorer considérablement la situation, en appliquant la distanciation sociale aux bons endroits, autour des personnes infectées. La technologie peut aider davantage. Nous avons besoin d’une approche de distanciation sociale qui permettra à l’économie de redémarrer rapidement et qui pourrait être pratiquée facilement pendant encore une période de 18 à 24 mois, le temps estimé pour les essais cliniques des vaccins et les campagnes de vaccination de masse. En même temps, nous voulons éviter de créer des outils que les gouvernements et les entreprises pourraient ensuite utiliser abusivement pour nous suivre et nous contrôler.
Maintenant, imaginez qu’une application mobile évalue la probabilité que vous soyez infecté en fonction de l’endroit où vous êtes allé et des rencontres que vous avez faites. Elle partagerait aussi cette information avec les téléphones des personnes que vous rencontrez afin que leur application puisse mettre à jour leur propre estimation des risques. Tous ces partages seraient entièrement anonymisés. Ici, le but n’est pas de blâmer ou d’identifier, mais plutôt d’offrir aux citoyens les informations dont ils besoin pour minimiser le risque d’être contaminé par le virus. Imaginez qu’avant d’aller dans un lieu public ou au travail, vous seriez en mesure de savoir quel serait votre risque d’être infecté ou d’infecter d’autres personnes et vous pourriez alors choisir de garder vos distances ou d’ajuster l’heure et le lieu de vos sorties en conséquence.
Imaginez que, lorsque vous rencontrez quelqu’un, vous soyez en mesure de savoir quel risque d’être infecté il présente, et que vous puissiez choisir de garder vos distances ou de ne pas le laisser entrer dans votre magasin, votre maison ou votre véhicule. Imaginez que vous connaissiez en tout temps votre propre niveau de risque : vous seriez plus conscient du risque que vous faites courir aux autres, ce qui vous inciterait à rester à la maison et à vous laver les mains plus souvent. Lors d’un test, le professionnel de la santé disposerait d’une version de l’application dotée d’une technologie de cryptage permettant de transmettre à votre téléphone les résultats du test et de téléverser des données anonymisées (non pas votre trajectoire GPS, mais la séquence des rencontres et les risques associés) vers une fiducie de données non gouvernementale qui recueillera un ensemble de données pour entraîner le prédicteur de risque. En retour, vous obtiendriez une mise à jour de l’application de prédiction des risques afin d’obtenir des prévisions plus précises.
Le dépistage pair à pair ne nécessiterait donc pas de base de données centralisée des déplacements de chacun. Seules les données anonymisées et délocalisées nécessaires pour entraîner le prédicteur seraient centralisées. Les renseignements cruciaux sur les personnes rencontrées, notamment le lieu et le moment des rencontres, resteraient dans votre téléphone. L’application pourrait également répondre à vos questions sur la maladie et vous mettre en contact avec les autorités sanitaires locales pour vous faire tester. À partir d’un bilan de santé quotidien, elle pourrait vérifier qu’aucun nouveau symptôme n’est apparu et mettre à jour l’évaluation des risques que vous présentez.
Si les personnes que vous rencontrez et les propriétaires de magasins étaient en mesure de savoir si vous avez l’application (celle-ci pourrait communiquer avec les autres par Bluetooth dans un rayon de 10 mètres), il y aurait une pression sociale pour télécharger l’application afin de pouvoir se déplacer de façon sécuritaire dans des endroits où se trouvent d’autres personnes. Comme certaines personnes n’ont pas de téléphone intelligent (par exemple, de nombreuses personnes âgées), on peut imaginer que cette application mène à un effort de solidarité sans précédent par lequel des entreprises ou des gouvernements fourniraient à ceux qui en ont besoin des téléphones intelligents bon marché contenant l’application.
Certains des paramètres de l’application pourraient être réglés pour chaque région afin de ne communiquer aux autorités sanitaires que des informations agrégées (sur les niveaux de risque actuels dans certaines régions) afin de maintenir le taux de reproduction (R) du virus en dessous de 1 (pour éviter une croissance exponentielle des cas) dans les régions qui adoptent l’application et d’atteindre le juste équilibre entre les dommages socioéconomiques (les pertes d’emploi et de revenu et la capacité de production de l’économie) et les dommages pour la santé. Le point optimal serait probablement R inférieur à 1, mais pas trop près afin de se protéger contre les fluctuations aléatoires des infections.
De nombreux détails doivent être réglés, et la conception de l’application nécessitera un effort collectif d’experts de différents domaines, de l’épidémiologie aux interfaces utilisateurs en passant par l’informatique mobile, l’apprentissage automatique, le cryptage des bases de données et les questions juridiques entourant la fiducie de données. Toutefois, cela pourrait être développé au moyen d’outils de collaboration à source ouverte et distribué gratuitement sur toute la planète. Rapidement.
Vargha Moayed et Yoshua Bengio
Photo par Erik Mclean sur Unsplash
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec