par Kareem Salem.
L’Espagne est confrontée à une crise sanitaire sans précédent. La pandémie de Coronavirus (Covid-19) a coûté la vie de 6 528 personnes en Espagne et continue de se propager. Au milieu d’une telle crise, le gouvernement espagnol a demandé une aide humanitaire à l’Otan. La Turquie, membre de l’Alliance transatlantique depuis 1952, sera-t-elle prête à fournir une aide humanitaire au peuple espagnol ?
Les relations bilatérales entre Madrid et Ankara
L’Espagne et la Turquie sont deux pays qui entretiennent d’excellentes relations bilatérales. Madrid est l’une des capitales européennes les plus favorables à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Le Parti socialiste de l’actuel Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a toujours présenté l’adhésion de la Turquie comme une façon de rapprocher l’Europe et plus généralement l’Occident des pays islamiques et de souligner le caractère inclusif du processus de construction européenne. L’Espagne a également installé ses missiles Patriot dans la ville turque d’Adana et maintient 150 troupes espagnoles sur la base aérienne d’Incirlik.
Madrid et Ankara sont également liées par de fortes relations économiques. Il convient de noter qu’en 2019, la part des exportations espagnoles vers la Turquie était estimée à 5 milliards de dollars. Pour la Turquie, la part des exportations turques vers l’Espagne en 2019 était estimée à 7,6 milliards de dollars.
Les relations non conflictuelles entre les gouvernements turc et espagnol sont également un facteur important pour encourager les entreprises espagnoles à investir en Turquie. Il convient de noter que l’Espagne est l’un des pays européens qui investissent le plus en Turquie. En 2019, les flux d’investissements espagnols vers la Turquie ont été estimés à 6,60% de tous les investissements directs produits.
Une occasion pour M. Erdogan de montrer son engagement envers l’Otan
Depuis la tentative de coup d’État ratée du 15 juillet 2016, que le gouvernement turc a imputée au mouvement de Fethullah Gülen, les relations entre la Turquie et les pays de l’Otan se sont détériorées. En effet, les pays de l’Alliance transatlantique ont été particulièrement alarmés par la répression sans précédent dont ont été victimes de nombreux membres de la société civile, proches du mouvement Gülen. Le renforcement des pouvoirs de M. Erdogan depuis la réforme de la Constitution turque en 2017 a également affecté les relations entre l’Otan et la Turquie.
Les relations entre l’Otan et la Turquie ont également été endommagées par la politique diplomatique unilatérale et agressive de M. Erdogan. Cela a été notable lorsque le président turc a pris la décision de signer un contrat de 2,2 milliards d’euros avec la Russie en septembre 2017 pour la fourniture de missiles russes antiaériens S-400, qui sont incompatibles avec le system de défense de l’Otan. Les trois incursions de la Turquie sous M. Erdogan dans les régions kurdes de Syrie et son intention de repousser la frontière maritime de la Turquie en Méditerranée orientale, soulignent la détermination de M. Erdogan à mettre en péril les intérêts stratégiques de ses alliés de l’Otan.
Alors que M. Erdogan s’est rapproché de son homologue russe Vladimir Poutine, les intérêts stratégiques turcs ont été sévèrement affectés par les interventions de Moscou et de ses alliés au Moyen-Orient. En Syrie, l’intention de M. Erdogan de faire tomber le régime de Bachar el-Assad a été brisée par le soutien militaire du Kremlin au président syrien, qui a permis à M. Assad de reprendre presque toutes les villes importantes du pays. Actuellement, le régime de Damas contrôle 70% du territoire syrien et a rétabli les principales voies de communication entre les régions.
En Libye, l’accord maritime conclu entre M. Erdogan et le Premier ministre du Gouvernement libyen d’union nationale (GNA) Fayez el-Sarraj est menacé par le soutien du groupe Wagner à Khalifa Haftar qui contrôle 85% du territoire libyen. Le groupe Wagner est connu pour ses relations étroites avec le Kremlin et a joué un rôle important dans la défense des intérêts russes dans le Donbass et en Syrie.
Compte tenu du fait que les intérêts turcs en Syrie et en Libye sont fragilisés par la Russie, jouer un rôle actif avec les pays européens de l’Alliance transatlantique pour fournir une aide médicale à l’Espagne pourrait permettre au président turc de montrer son engagement envers l’Otan et de reconstruire ses relations en particulier avec les pays européens de l’Alliance transatlantique.
Il convient toutefois de noter que la pandémie de Covid-19 se propage rapidement en Turquie. Actuellement, 131 personnes sont mortes et 9 217 ont été testées positives au virus, alors que seulement 47 personnes ont été infectées le 17 mars. Les experts sanitaires craignent que la pandémie de Covid-19 se répande en Turquie de la même manière qu’en Italie si des mesures fortes ne sont pas prises par Ankara.
L’économie turque est vulnérable, surtout si la crise sanitaire perdure. Ankara a très peu de marge de manœuvre pour soutenir l’économie turque étant donné que la Turquie dispose de réserves financières limitées et d’un important déficit budgétaire. Il est à noter que le secteur du tourisme, qui emploie 15 millions de personnes, pourrait être le secteur le plus touché par la crise. Compte tenu de la propagation du virus dans la société turque, il est peu probable que le président turc envisage actuellement de fournir une aide médicale à l’Espagne.
Source: Lire l'article complet de Réseau International