La Chine sort gagnante de cette crise
Pendant des décennies, les Américains étaient prêts à aider l’Europe lorsque les besoins étaient importants. C’est bien différent aujourd’hui. La Russie et la Chine sont en première ligne suite au vide laissé par les États-Unis.
On ne parlera pas ici d’un quelconque changement de paradigme en termes de mondialisation capitaliste ou de politique climatique post-crise. Car cela reste très incertain. Par contre, au niveau géopolitique, le monopole de l’hyperpuissance américaine parait un lointain souvenir. On en a la confirmation aujourd’hui avec la crise sanitaire.
Le journal italien La Repubblica a publié samedi un article qui affirmait que l’envoie de 680.000 masques et de milliers de respirateurs en provenance de Chine avait été retenu par le gouvernement Babis en République tchèque, pour être distribué à ses propres services médicaux. Parfum de scandale. Selon Prague, il s’agissait simplement ‘d’une erreur’. Dans le même temps, des photos et des vidéos d’avions russes IL-76 qui ont atterri à Rome sont fièrement exhibées sur les réseaux sociaux. Ils acheminaient 8 équipes médicales mobiles et du matériel médical, y compris des médecins et des infirmières.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’urgence n’est visiblement pas la même. La lenteur de la réponse de l’administration Trump à la crise du coronavirus laisse une impression d’un pays qui court derrière les faits.
Le Financial Times publie un graphique quotidien qui suit le nombre de nouveaux cas confirmés par pays. Outre l’Espagne, seuls les États-Unis se trouvent du côté du graphique des pays qui connaissent un gain journalier de plus de 33% du nombre de cas enregistrés. Le pire reste donc à venir dans un pays où les gouverneurs, les maires et le gouvernement fédéral prennent tous des décisions différentes.
Pékin et Washington mènent une guerre diplomatique
Cela n’a pas empêché le gouvernement américain de déclencher une guerre diplomatique contre Pékin. Le 25 janvier, Trump remerciait encore son collègue chinois Xi Jinping pour le travail acharné qu’il avait accompli au sujet du coronavirus. Deux mois plus tard, le ton est complètement différent: ‘Nous sommes en guerre’, ça donne toujours bien les années électorales. Il est de bon ton de reparler du fameux ‘virus chinois’ et plus de coronavirus.
La crise sanitaire amène les relations américano-chinoises à un creux historique. Plutôt que de travailler ensemble, les deux plus grandes économies du monde semblent se diriger vers un conflit de plus en plus important.
Trump accuse la Chine d’avoir tenté de masquer le problème trop longtemps. Lors d’une conférence de presse ce jeudi, un photographe de l’agence Getty a réussi à capturer une vue rapprochée du discours de Donald Trump: on peut voir que le mot « coronavirus » a été supprimé avec un marqueur noir et remplacé par « virus chinois ». Ce qui va à l’encontre des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Un nouveau point de tension est atteint après trois ans de guerre commerciale sino-américaine.
Une nouvelle guerre froide?
Blâmer les autres fonctionne encore mieux politiquement en 2020 qu’autrefois. Les Chinois y participent aussi pleinement. Plusieurs médias d’État chinois font de leur mieux pour convaincre la population que l’armée américaine est à l’origine du virus. Qui l’a ensuite répandu à Wuhan. Une stratégie de désinformation comparable à ce qu’on pouvait connaître durant la guerre froide.
La semaine dernière, la Chine a expulsé tous les journalistes du Wall Street Journal, du New York Times et du Washington Post. Mais ce n’était rien de plus qu’une réponse aux restrictions annoncées par Washington sur les visas de journalistes chinois au début du mois. Bref, tout va bien…
La Chine est en tête contre l’épidémie
Reste que la Chine maîtrise mieux la crise sanitaire que les pays occidentaux, cela ressort en tout cas clairement des chiffres que Pékin transmet quotidiennement à l’OMS. Cela fait plusieurs jours de suite que la Chine annonce qu’il n’y a pas de nouveaux cas locaux. Vrai ou faux ? Un indice: il serait surprenant que la Chine envoie ses équipements médicaux et ses meilleurs experts dans le monde entier si la crise dans son pays n’était pas en voie de stabilisation.
Vendredi, le chef de la Croix-Rouge chinoise était à Milan. Il a averti les Italiens que les mesures qu’ils prenaient étaient totalement insuffisantes. Il a appelé à l’arrêt complet de toute activité économique. Conseil suivi par le Premier ministre Conte 24 heures plus tard.
Un nouveau monde après le Covid-19?
Reste cette impression que le monde change sous nos yeux. C’est bien sûr vrai au niveau militaire ou économique, avec la politique isolationniste de Donald Trump. Mais c’est aussi vrai dans d’autres domaines, comme vient nous le prouver cette crise sanitaire.
La Chine et la Russie envoient du matériel et leur expertise à un éventail de pays qui ne sont plus en mesure de faire face seuls à une crise. C’était vrai pour les pays en développement, c’est maintenant vrai pour les pays dits développés. De plus en plus de pays occidentaux font appel à l’aide chinoise. Ici aussi en Belgique où Jack Ma et non Jeff Bezos a apporté un demi-million de masques buccaux et 30.000 kits de test pour lutter contre l’épidémie.
Les États-Unis sont largement à l’écart de cette réponse internationale. Tout comme il y a eu un monde avant le 11 septembre 2001 et un autre après, dirons-nous la même chose après l’épidémie du nouveau coronavirus ?
Les chances que de nombreux pays de l’UE voient l’Asie – Singapour, la Corée du Sud et Taïwan gèrent aussi très bien la crise – et en particulier la Chine comme un concurrent contre le leadership mondial américain augmentent chaque jour un peu plus. Une tendance perceptible depuis un certain temps ne fera que s’accélérer.
Les États-Unis eux pourraient se renfermer un peu plus à l’intérieur de leurs frontières avec une nouvelle élection de Donald Trump. Cela fera alors presque dix ans d’isolationnisme, suffisant pour changer de paradigmes au niveau mondial.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec