Israël veut-il profiter du coronavirus pour décimer la population palestinienne ?
Source : Middle East Eye, le 23 mars 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
C’était comme une scène sortie tout droit d’un film d’horreur.
C’est ainsi que Ibrahim Abu Safiya, 25 ans, a décrit le moment où il a vu quelqu’un gisant par terre près d’un poste de contrôle israélien à la périphérie du village de Beit Sira, à l’ouest de Ramallah.
« Nous nous sommes approchés de l’homme allongé sur le sol et il avait l’air terriblement malade », a expliqué Abu Safiya à Middle East Eye.
« Il avait une fièvre très élevée. Il pouvait à peine bouger son corps et il avait du mal à respirer », a expliqué Abu Safiya.
L’homme allongé sur le sol était un ouvrier palestinien qui travaille en Israël. Il a déclaré à Abu Safiya qu’il montrait des symptômes de coronavirus depuis les quatre derniers jours, et a récemment été dépisté pour le virus. Ce test est par la suite revenu négatif.
Mais avant que l’homme, qui serait un résident de Naplouse, ne puisse recevoir les résultats de ses tests, son employeur israélien aurait appelé les autorités, qui l’ont saisi et déposé de l’autre côté du poste de contrôle de Beit Sira, qui relie le centre d’Israël et la Cisjordanie occupée.
« Il nous a dit qu’ils venaient de le jeter ici par terre et de l’abandonner », a rapporté Abu Safiya.
« Comment ont-ils pu faire ça à un individu, a-t-il demandé ? Peu importe qu’il soit palestinien, israélien ou autre. C’est un être humain. »
Abandonné gisant à la frontière
Quand Abu Safiya et son ami sont tombés sur l’homme, dont l’identité reste inconnue, ils ont commencé à filmer une vidéo qui est maintenant devenue virale sur les réseaux sociaux palestiniens [et arabes].
Abu Safiya a dit qu’il craignait d’être témoin d’une répétition des événements de la veille.
Il allègue qu’au cours du week-end, un autre travailleur palestinien, qui craignait lui-même d’avoir contracté le virus, s’est rendu seul au poste de contrôle de Beit Sira afin de retourner en Cisjordanie.
Lorsque l’homme est arrivé, il a fait état de sa condition, suite à quoi les services d’urgence palestiniens ont été appelés. Ils étaient censés envoyer une ambulance pour le récupérer, mais cela ne s’est pas produit.
Quelques jours auparavant, Israël a approuvé l’entrée de milliers de travailleurs palestiniens dans le pays, à condition qu’ils restent en Israël pendant au moins un mois pour empêcher la propagation du virus en Cisjordanie.
Dans le cadre de l’accord avec l’Autorité palestinienne, à leur retour, dont les modalités doivent être coordonnées avec les autorités israéliennes, tout travailleur serait immédiatement placé en quarantaine de 14 jours.
« Mais le fait que deux travailleurs soient venus, ou aient été jetés ici au point de contrôle le plus proche, sans préavis, et clairement sans coordination, est très inquiétant », a déclaré Abu Safiya.
Alors que le porte-parole de l’Autorité palestinienne Ibrahim Melhem a annoncé que le travailleur malade avait été « remis » à des responsables palestiniens au point de contrôle lundi, Abu Safiya a déclaré que ce n’était absolument pas le cas.
« Ni l’homme d’hier ni celui d’aujourd’hui n’ont été remis [par les forces israéliennes] à une ambulance [palestinienne] », a-t-il dit, ajoutant que dans les deux cas, les médecins palestiniens ont mis près de trois heures pour arriver de Ramallah à Beit Sira.
« Le gouvernement palestinien doit exiger le respect de la coordination avec la partie israélienne pour empêcher que cela ne se reproduise, a-t-il dit. Ils ne peuvent pas continuer à déposer des gens ici sans aucune aide. »
« Le vrai visage de l’occupation israélienne »
Malgré son choc à la vue d’un homme malade « abandonné à la mort » non loin d’un poste de contrôle, Abu Safiya a déclaré qu’il n’était pas surpris par l’incident.
« C’est le vrai visage de l’occupation israélienne, a-t-il déclaré à Middle East Eye. Ils nous tuent quotidiennement, donc ça ne change rien pour eux. »
La vidéo filmée par Abu Safiya et son ami est devenue virale sur les réseaux sociaux palestiniens lundi, alors que le public exprimait son indignation face au traitement du travailleur.
Abu Safiya dit que la raison pour laquelle cette vidéo a eu tant l’écho auprès des Palestiniens est qu’ « elle illustre le problème plus large de la façon dont Israël traite les travailleurs palestiniens et [à quel point] ils méprisent nos vies », a-t-il déclaré.
« Le gouvernement israélien leur a donné l’autorisation d’aller travailler, connaissant les risques », a-t-il dit. Et pour cette raison, le gouvernement devrait également fournir aux travailleurs la protection appropriée.
Abu Safiya a déclaré qu’il comprenait pourquoi tant de travailleurs avaient choisi de risquer leur santé et leur sécurité pour aller travailler en Israël au milieu de la pandémie.
« Ils ont dû faire l’impossible choix de rester en bonne santé ou de laisser leurs familles mourir de faim, a-t-il dit. Tant de gens ont choisi de travailler pour subvenir aux besoins de leur famille. Et nous ne pouvons pas leur en vouloir. »
« Mais Israël veut aussi qu’ils travaillent, alors ils devraient prendre soin d’eux. S’ils ne peuvent pas les soigner en Israël, au moins, qu’ils ne les jettent pas comme des animaux », a-t-il dit, la colère résonnant dans sa voix.
« C’est comme si nous étions leurs esclaves, a-t-il poursuivi. Ils nous utilisent quand ils ont besoin de nous, et quand ils ont fini, ils nous jettent comme des ordures. »
Akram Al-Waarain, Cisjordanie occupée
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L’AP ordonne aux Palestiniens de retourner en Cisjordanie en raison de mauvais traitements en Israël
Source : Middle East Monitor, 25 mars 2020
Traduction : lecridespeuples.fr
Les travailleurs palestiniens en Israël sont exhortés par le Premier ministre de l’Autorité palestinienne Mohammad Shtayyeh à retourner en Cisjordanie occupée. L’ordre vient dans le sillage de la diffusion sur les réseaux sociaux d’images d’un travailleur palestinien souffrant de symptômes de coronavirus, largué sur le bas-côté par des policiers israéliens au poste de contrôle de Beit Sira.
« À la lumière des développements dangereux et successifs en Israël et des mesures d’interdiction de mouvement prévues, nous appelons tous les travailleurs palestiniens à rentrer chez eux », a écrit Shtayyeh sur Facebook. Il a ajouté que le faire « les protégerait et préserverait leur bien-être ».
Shtayyeh a également appelé tous les Palestiniens qui retournent en Cisjordanie occupée à suivre les directives de son gouvernement visant à empêcher la propagation du virus. Quiconque les viole, a-t-il insisté, sera tenu responsable. Tous les Palestiniens, a souligné le Premier ministre, sont tenus de rester chez eux, à moins qu’ils ne sortent pour se procurer des vivres dont ils ont un besoin urgent ou à des fins médicales.
La semaine dernière, Israël a déclaré que les travailleurs et les commerçants palestiniens de Cisjordanie occupée seraient autorisés à entrer dans le pays s’ils restaient un à deux mois avec l’employeur qui leur fournissait le logement. Cependant, les travailleurs se plaignent des mauvaises conditions de vie et des mauvais traitements infligés par leurs employeurs, ce qui a incité l’Autorité palestinienne à les appeler à rentrer chez eux.
Le porte-parole du gouvernement de l’AP, Ibrahim Milhem, a critiqué les mauvaises conditions de vie que certains employeurs israéliens ont fournies à leurs employés palestiniens. « Les dispositions pour dormir ne conviennent pas aux êtres humains », a-t-il déclaré à l’agence de presse Wafa.
Les autorités palestiniennes ont déclaré qu’à ce jour, 60 personnes en Cisjordanie ont été testées positives pour le virus, dont 16 qui se sont rétablies.
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Voir également Histoire juive, religion juive : le poids de trois millénaires (1, 2 et 3) ainsi que notre dossier sur le coronavirus.
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