Une pandémie est, peut-être avec une guerre, le moment où les qualités des chefs politiques apparaissent avec le plus d’éclat. C’est maintenant, plus que jamais, que l’on se réjouit d’être gouverné par un bon chef… ou que l’on regrette d’en avoir un mauvais. Mais qu’est-ce qu’un bon chef, en fait ?
Est-ce un chef compétent et honnête ? Bien sûr, mais là n’est pas l’essentiel face à une crise comme celle de la COVID-19. Deux qualités, cruciales mais difficiles à combiner, sont plus importantes : l’humilité et le courage.
Il s’agit de l’humilité d’écouter les experts avec déférence. Un chef politique, avec tout son succès et l’orgueil qui vient avec, peut s’imaginer que l’opinion des experts n’est pas plus fiable que la sienne. Ou sinon, il peut banaliser les alarmes qu’il reçoit, il peut estimer que les dommages à l’économie — ou à sa réélection — sont trop grands pour mettre en œuvre les mesures recommandées.
Il s’agit du courage d’assumer des décisions drastiques au sujet de mesures dont on ne comprend pas toutes les implications. En effet, un chef politique ne sait pas vraiment à quel point les mesures recommandées par les experts seront efficaces ou dommageables. Néanmoins, il sera responsable de toutes leurs conséquences. Un chef lâche hésitera face aux risques et il perdra du temps précieux.
Les différents exemples
Le Québec est soulagé de découvrir que son premier ministre possède ces deux qualités. À travers les sympathies partisanes, on félicite François Legault pour sa gestion de la crise. Il se fie aux meilleurs experts et il déploie des mesures décisives. Dans les circonstances, on ne pouvait pas souhaiter une meilleure réaction du gouvernement.
Aux États-Unis, Donald Trump n’a pris les experts au sérieux que de façon tardive. Alors que l’Organisation mondiale de la santé se préparait à annoncer la pandémie mondiale, le président américain affirmait encore que le virus allait disparaitre. À part fermer ses frontières à quelques pays, ce qui concordait avec sa politique internationale antérieure, il n’a pas préparé son pays à affronter la crise.
Du côté canadien, c’est plutôt sur le plan du courage qu’on a pu constater à quel point Justin Trudeau est un chef défaillant.
Sur aucun aspect de la crise, le premier ministre canadien n’a pris le risque d’imposer une contrainte qui risquerait de ne pas trouver l’approbation unanime.
On suppose qu’il écoute les experts, mais les mesures qu’il a ordonnées l’ont été à la remorque des autres gouvernements ou de la pression populaire. Sur aucun aspect de la crise, le premier ministre canadien n’a pris le risque d’imposer une contrainte qui risquerait de ne pas trouver l’approbation unanime.
L’Occident et l’Asie
Cette comparaison entre les chefs politiques est importante, mais elle est relative. C’est-à-dire que, si on compare les meilleures réactions des gouvernements occidentaux à celles des gouvernements asiatiques, nous sommes tous très en retard.
La réaction du gouvernement italien n’a pas été spécialement déficiente, et pourtant on anticipe une hécatombe: l’armée doit organiser des convois pour répartir les corps puisque les fours crématoires tournent à plein régime dans la région la plus affectée.
En Asie, les gouvernements ont adopté des mesures rapides et massives. La Chine a imposé une quarantaine sévère à toute sa population en déployant un arsenal sans précédent pour assurer le respect du confinement. La Corée du Sud a traqué chaque cas d’infection de façon agressive. Singapour a tout fermé avant même que le virus ne puisse s’implanter sur son territoire.
Ainsi, les mesures les plus radicales appliquées par les gouvernements occidentaux demeurent inférieures à celles qui furent appliquées très tôt par les gouvernements asiatiques. Même en Espagne et en Italie, où de stricts confinements obligatoires sont ordonnés, la surveillance gouvernementale reste très partielle en comparaison de celle qui a été déployée en Chine.
Le danger de la liberté
Sans surprise, il est plus difficile pour des régimes libéraux que pour des régimes autoritaires d’imposer des contraintes draconiennes à leur population.
La Corée du Sud, par exemple, est une démocratie, mais ses tendances autoritaires se sont manifestées alors que, dès l’apparition des premiers cas, le gouvernement n’a pas hésité à violer la vie privée des personnes infectées afin de détecter toute contamination.
Parmi les citoyens de l’Occident, habitués à une autonomie individuelle quasi totale, plusieurs rechignent à croire les alertes officielles et ne respectent pas les recommandations gouvernementales. Par contraste, les citoyens de l’Asie, héritiers de traditions collectives fermes, se soumettent d’emblée aux ordres reçus et ils se contraignent les uns les autres afin d’assurer la santé publique.
S’il s’avère que la réaction des régimes libéraux entraine beaucoup plus de souffrances et de morts que celle des régimes autoritaires, cet écart sera un dur rappel du prix de la liberté. Les valeurs libérales de l’Occident, qui trônaient en modèle incontesté depuis la Guerre froide, sont aujourd’hui confrontées à leurs limites face aux crises.
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