Par Stratediplo − Le 14 mars 2020 − Source Les Lundis de Stratediplo
Nous évitons généralement les questions de politique intérieure, mais c’est de futures relations inter-microétatiques qu’il s’agit ici.
La cinquième république va bientôt s’effondrer, comme la vingtaine de régimes d’intérim institutionnalisé qui l’ont précédée depuis deux cents trente ans et n’ont jamais survécu à une crise majeure, à l’exception notable de la troisième république qui a résisté à la Première Guerre Mondiale. Or la pandémie de coronavirus est bien pire qu’une guerre mondiale puisqu’elle amène déjà une désorganisation sociale supérieure et se soldera par une mortalité très supérieure, nonobstant l’absence de destructions matérielles.
On doit redire que la mortalité de ce virus n’a rien à voir, en dépit de la propagande politique, avec celle d’une grippe, fût-ce celle dite espagnole qui a moins que décimé l’Europe il y a un siècle. La mortalité de cette épidémie rappelle plutôt celle de la peste dite noire qui a plusieurs fois décimé l’Europe il y a six siècles et demi, abattant entre un tiers et la moitié de sa population selon les estimations. Par exemple on a annoncé le 3 mars « un 4° décès en France sur 204 cas confirmés », or le virus ne tuant pas en une semaine il fallait rapporter ces 4 morts aux 12 cas connus au 24 février, avant la très relative explosion des cas le 25, ce qui n’était pas une grosse base statistique mais représentait quand même 33%. De même, lorsque le 9 mars l’Italie a annoncé 1187 cas de coronavirus résolus- et 8000 plus récents dont 10% à l’agonie – dont 724 par guérison et 463 par décès, cela représentait un taux de létalité de 39%, ou deux morts pour trois guéris. Il est intellectuellement et politiquement malhonnête de rapporter le nombre de décès du jour à celui des cas confirmés au même jour, dont la très grande majorité ont été contaminés très récemment et dont le sort ne sera connu que plusieurs semaines plus tard.
Tout en imposant au système de santé débordé un protocole de médecine de guerre – basant la priorité d’admission sur la probabilité de survie -, le gouvernement français reste très restrictif en matière de détection, interdisant par exemple de contrôler des personnes sans symptômes, et vraisemblablement restrictif en matière de qualification des décès, diffusant des consignes relatives tant à l’admission en réanimation sous atmosphère isolée – les maigres capacités étant dépassées – qu’à la mention des causes de décès sur les certificats, pour la majorité des cas fatals de détresse respiratoire aiguë et fébrile. Ces subterfuges lui ont permis de construire l’illusion que l’expansion de l’épidémie en France suivait de deux semaines celle en Italie, alors que c’est le contraire puisque tout indique que Codogno a été contaminée à partir des Contamines, par un Français revenu ensuite et hospitalisé fin février à Lyon sauf erreur. Le blocage du thanatomètre rappelle le précédent de 2003, où le régime (qui cache encore le génocide d’Oran) avait réussi à cacher pendant plusieurs années les 20 000 à 30 000 décès dus à la canicule, bloquant le compteur à 3 000 en août, tandis qu’en Italie il montait jusqu’à près de 20 000…
Certaines fuites – impossibles à authentifier et coter – d’origine gouvernementale laissent entendre que le gouvernement espère contenir le nombre officiel de décès dans les quatre chiffres – il circule un objectif de quelques milliers – jusqu’en juin. Du point de vue de l’épidémiologie ce n’est pas plausible, mais du point de vue de la communication publique c’est un objectif présentable. Le président de la République pourrait ainsi, à défaut de gouverner la France, du moins occuper la présidence jusqu’à un départ en congés en juillet, dont il ne reviendrait pas.
Partisan avéré du retrait sans conséquences devant les difficultés – au point de donner la nostalgie du duel Mitterrand-Chevènement en 1990/91 -, il a en 2018 laissé déserter son ministre de l’intérieur quelques heures après avoir prétendu refuser sa démission, lequel s’est d’ailleurs « justifié » en prétextant que les populations de France passeraient prochainement du côte-à-côte au face-à-face. Dernièrement il a aussi laissé démissionner son ministre de la santé, lequel s’est d’ailleurs « justifié » en prétextant que l’épidémie de coronavirus était désormais inévitable alors qu’exactement une semaine plus tôt le même ministre assurait qu’il ne fallait pas prendre de précautions car le coronavirus était difficilement transmissible sauf contact charnel prolongé. Ayant fait ou approuvé le choix mensonger de tenter de « guérir plutôt que prévenir » – selon les mots de son dernier ministre de la santé – en sachant parfaitement qu’il n’existe aucune cure à cette maladie artificielle, il interrompra son mandat de président par défaut dès que les difficultés lui paraîtront pesantes.
La principale action du gouvernement devant l’arrivée du coronavirus mortel aura été de lui ouvrir grand les portes – le prétexte de l’idéologie libre échangiste lui épargnant la suspicion de participation à un éventuel programme de dépeuplement mondial -, et d’empêcher la conception et la mise en application de la seule stratégie qui aurait pu donner des chances de l’endiguer, à savoir précisément la levée de digues. Un coup d’État de salut public aurait certainement encore, à la mi-février, permis à la France de se défendre, mais il est maintenant trop tard et l’épidémie a atteint, à la mi-mars, un niveau de diffusion que les Français constateront après les deux semaines d’incubation et les deux à trois semaines d’agonie, c’est-à-dire avant la fin avril, où le nombre de victimes d’insuffisances respiratoires sévères se comptera vraisemblablement à cinq chiffres. Les quelques lecteurs sélectionnés des messages personnels de Stratediplo ont aujourd’hui constaté que nos anticipations et projections depuis le 25 janvier étaient malheureusement correctes.
Dans trois mois l’absence de gouvernement national en France sera manifeste avant même d’être officialisée. Les Français, privés de corps intermédiaires et d’autorités provinciales depuis plus de deux siècles au nom du face-à-face direct et exclusif individu-nation, n’auront plus que l’échelon municipal dont ils vont renouveler l’équipage demain dimanche. Faisant abstraction des étiquettes partisanes périmées, des équilibres parlementaires illusoires, et des sanctions ou soutiens aux politiques et mouvements nationaux bientôt sans objet, ils peuvent s’interroger sur les capacités en temps de crise, et le sens du service public, des élus locaux qui peuvent leur éviter l’anarchie totale dans un contexte qui sera bien pire que les conséquences locales d’une guerre mondiale.
Concrètement, on sait que les tests actuels de dépistage étaient faillibles, insuffisants puisque appliqués seulement aux personnes déjà suspectées de contamination, et d’ailleurs coûteux aux yeux du seul régime au monde qui détourne la moitié de la production du pays actif vers des futilités non régaliennes. Mais il fallait interdire les transports publics, une communauté à taille humaine ayant plus la capacité de mettre en quarantaine la poignée d’occupants d’une voiture individuelle – relevant d’ailleurs souvent d’un seul domicile – que la demi-centaine de passagers d’un autobus ou d’un wagon. Il fallait, évidemment, fermer les écoles et lieux de rassemblement avant la diffusion dans tout le pays, isoler la Haute-Savoie et identifier les contacts de la famille anglaise depuis l’arrivée du porteur, et appliquer la première mesure du niveau 4 d’alerte du plan national de prévention et de lutte contre la pandémie grippale. Mais le gouvernement national, pourtant averti par la Chine de la dangerosité et vraisemblablement de la létalité du virus, a proclamé ne pas chercher à prévenir ou contenir l’épidémie, et n’a pas été renversé suite à cette proclamation.
Les communautés locales, formelles ou spontanées, de France et de Navarre devront organiser elles-mêmes le cloisonnement sanitaire qui leur permettra de contenir, quantifier, délimiter et isoler les foyers de contamination, voire d’identifier et mettre en quarantaine d’observation les potentiels porteurs asymptomatiques. Selon la configuration inter-vicinale elles devront peut-être lever voire armer des barrages et des contrôles à leurs confins. Elles devront, sans l’avantage dictatorial dont bénéficie la Chine communiste et sans les fours crématoires mobiles qu’elle a commencé à construire dès janvier, lever des milices citoyennes d’assainissement. Elles devront suppléer à l’attrition morbide des services pré-existants de santé, de sécurité civile et de police. Elles devront reconstruire des systèmes de distribution rationnée et rationnelle alimentaire après l’effondrement de la logistique capitaliste, voire organiser autoritairement une production alimentaire minimale de salut public. Elles devront sécuriser, sous supervision d’abord médicale puis policière, les systèmes de purification de l’eau et les réseaux de distribution, pour empêcher leur contamination d’abord involontaire par un porteur bien-portant, puis volontaire par un adepte d’une idéologie selon laquelle il gagnera son paradis en tuant avant de mourir.
Le gouvernement actuel a reconnu – après s’en être assuré – que l’épidémie en cours ne pouvait plus être arrêtée. Les projections épidémiologiques, sur la base des connaissances actuelles sur le COVID-19, montrent une contamination des trois-quarts de la population française dans l’année, et le décès d’un quart à un tiers. Voilà une déstabilisation sociale extrême, que l’on n’a pas vue depuis plus de six siècles. Les citoyens sont déjà livrés à eux-mêmes et devront reconstruire des organisations locales responsables et solides. Tel est l’enjeu crucial des ultimes élections municipales sous la cinquième république.
Stratediplo
Note du Saker Francophone Cet article part d'un point de vue très anti-système ou les tenants du pouvoir planifient ou utilisent des crises pour déployer un agenda politique. Dans la journée, nous publierons d'autres points de vue et analyses. A vous de vous faire une opinion.
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