par Robert Stevens.
Le gouvernement Johnson précipitera le passage en force du projet de loi d’urgence du coronavirus au Parlement lundi prochain. Il prévoit des mesures d’État policier qui menacent gravement les droits démocratiques de la classe ouvrière.
L’élite dirigeante en Grande-Bretagne a utilisé l’énorme danger pour la santé publique posé par la pandémie de COVID-19, devant laquelle elle est restée l’arme au pied pendant des semaines, pour mettre en œuvre une série de mesures qu’elle avait depuis longtemps prévu d’imposer.
Le projet de loi de 321 pages n’a été rendu public qu’hier. Mais en quelques jours, sans débat public, il accordera aux ministres des pouvoirs pratiquement illimités pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans, sous prétexte de lutter contre le coronavirus. Certaines clauses donnent également aux ministres le pouvoir de repousser à plusieurs reprises la date d’expiration de toute mesure promulguée en vertu du projet de loi, pour une durée de six mois renouvelables, « s’il est prudent de le faire ».
Il n’y aura pas d’examen parlementaire du projet de loi, car les partis d’opposition ont convenu qu’il pouvait être adopté sans vote, étant donné que la présence de centaines de députés à la Chambre des communes serait trop dangereuse en ce qui concerne la propagation du coronavirus !
Plus tôt cette semaine, le leader travailliste Jeremy Corbyn a rencontré Johnson pour des discussions à huis clos. Pendant quatre ans et demi, Corbyn a soutenu un gouvernement conservateur tellement en crise que deux Premiers ministres, David Cameron et Theresa May, ont été contraints de démissionner. Il est responsable de l’arrivée au pouvoir de Johnson à la tête du gouvernement le plus à droite depuis la Deuxième guerre mondiale. Alors qu’il sera bientôt remplacé à la tête du Parti travailliste, Corbyn a commis son dernier acte de trahison en permettant à Johnson de s’arroger des pouvoirs autoritaires.
Le projet de loi a été longtemps en préparation. Certaines de ses principales dispositions étaient contenues dans le projet de loi de 2020 sur la réglementation de la protection de la santé (coronavirus) adopté le 10 février. Cela a permis « d’imposer de nouvelles restrictions et exigences à certaines personnes afin de réduire ou d’éliminer le risque de contamination ou de contamination d’autres personnes », et qui « permet d’imposer des restrictions et des exigences concernant des groupes de personnes » et « des pouvoirs policiers d’arrestation » des personnes soupçonnées d’être atteintes par le coronavirus.
Tout cela est contenu dans le projet de loi Emergency Coronavirus Bill.
- Le projet de loi permet au gouvernement de restreindre ou d’interdire les événements et les rassemblements en Angleterre et au Pays de Galles pendant la pandémie en tout lieu, véhicule, train, navire ou avion, toute structure mobile et toute installation en mer et, si nécessaire, de fermer des locaux. Il confère un pouvoir temporaire de fermer des établissements d’enseignement ou des garderies, il est étendu à l’Écosse et à l’Irlande du Nord, où il n’existe pas de législation équivalente.
- Le Secrétaire d’État est autorisé « à donner des instructions à une personne responsable de la gestion d’un aéroport, d’un port maritime ou d’un terminal ferroviaire international au Royaume-Uni, lui demandant de suspendre ces opérations » si le manque de personnel de la police frontalière entraîne une menace réelle et importante à la sécurité des frontières du Royaume-Uni ».
- Le respect des procédures judiciaires est effectivement éliminé par le projet de loi indiquant : « L’efficacité et la rapidité des audiences des cours et tribunaux souffriront lors d’une épidémie de COVID-19. Les restrictions de déplacements rendront difficile la comparution des parties au tribunal et, sans réagir, un nombre important d’audiences et de procès seront probablement ajournés ». Il permet aux tribunaux et à autres autorités de détenir pendant une période plus longue des personnes considérées comme une menace pour la sécurité nationale.
- La police nationale a le pouvoir d’arrêter et d’isoler toute personne soupçonnée d’être en mesure de propager le COVID-19.
- Des décès à grande échelle sont envisagés, avec une section du projet de loi intitulée « Pouvoirs par rapport aux corps » donnant aux « autorités locales les pouvoirs nécessaires pour diriger ceux dans le secteur funéraire afin de s’assurer que le nombre de morts excessif causé par COVID-19 ne le submergent pas ». Cette semaine, une immense morgue temporaire a été érigée à côté de la morgue de Westminster, dans le centre de Londres, à seulement quelques encablures du Parlement.
- Dans des conditions où environ un tiers des personnes hospitalisées vont être privées de leurs lits lit afin de les consacrer aux victimes de coronavirus, le projet de loi libère le Service national de santé de l’obligation de fournir des programmes de soins ou des rendez-vous de traitement aux patients que l’on oblige à quitter l’hôpital. Le projet de loi permet de réduire le remplissage de formulaires et les formalités administratives afin que les médecins puissent libérer les patients plus rapidement.
- L’attaque contre les normes démocratiques fondamentales a été préfigurée le 13 mars lorsque Johnson – avec le soutien du Parti travailliste – a reporté les élections locales prévues en mai pour 118 municipalités anglais, l’Assemblée de Londres et l’élection de sept maires de la région, jusqu’en mai 2021. Il ne fait aucun doute que cette mesure a été décidée bien en amont et crée un précédent. L’article 58 « confère au Secrétaire d’État ou au ministre du Cabinet le pouvoir de reporter, par voie réglementaire, d’autres élections et référendums pertinents (non couverts par l’article 57) qui ne peuvent actuellement être anticipés ».
L’interdiction d’événements et de rassemblements couvrira toutes les formes de protestations politiques publiques. Alors que des centaines de milliers de personnes sont déjà licenciées et que des pronostics de 5 millions de chômeurs, de pénuries alimentaires et d’un effondrement des soins de santé et des services sociaux circulent, les troubles sociaux et politiques vont être contrôlés par des soldats dans les rues.
Cette semaine, il a été annoncé que 20.000 militaires avaient été mis en disponibilité – 10.000 militaires régulièrement affectés à des opérations civiles, par exemple lors d’inondations, et 10.000 autres soldats. La mobilisation des forces armées est également en cours de préparation depuis un certain temps et constituait déjà un élément central de la stratégie post-Brexit des conservateurs connue sous le code « d’Opération Yellowhammer ». Yellowhammer prévoyait une « augmentation des troubles publics et des tensions communautaires ».
Des mesures extraordinaires ont été adoptées pour que des milliers de soldats se tiennent prêts. Le Ministre de la Défense, Ben Wallace, a déclaré mercredi : « le Ministère de la Défense et les forces armées se consacrent à faire en sorte que la nation se sorte de cette pandémie mondiale ».
L’annulation des exercices d’entraînement à l’étranger, notamment au Kenya et au Canada a permis la mise à disposition des soldats. D’autres soldats britanniques en mission à l’étranger ont vu leur permission annulée. Environ 200 soldats britanniques impliqués dans la formation de l’armée irakienne ont été rappelés.
Ce qui a été surnommé « Force de soutien COVID » sera sous le contrôle du QG du commandement conjoint permanent de l’Armée Britannique à Aldershot, dans le Hampshire. Aldershot est une « ville militaire » connue comme la « maison de l’armée britannique », avec au moins 11 régiments basés dans la région.
Malgré les tentatives de Wallace de dissimuler la mission des soldats, ils devraient « jouer un rôle en permettant à la police de sécuriser les rues en cas d’une mise sous cloche, qui pourrait être déclenchée à Londres », a déclaré George Parker du Financial Times. Il a écrit : « Les supermarchés seraient gardés par la police, tandis que les pharmacies seraient parmi les quelques autres magasins à rester ouverts ».
Le Guardian a déclaré avec enthousiasme : « Bien que le gouvernement hésite à mettre en évidence une perspective aussi sombre, les forces armées doivent être préparées à la menace d’un effondrement de l’ordre public, étant donné que des troupes ont été déployées dans d’autres pays pour imposer des verrouillages et empêcher le pillage de magasins ».
Le même jour que le projet de loi a été publié, l’éditorial du Daily Telegraph pro-conservateurs a écrit : « En cette période de crise, la critique constante à l’égard de la politique officielle n’aide pas. […] Nous désirons ardemment une direction forte et implacable ».
Un tel langage évoque une crise politique aiguë dans laquelle la bourgeoisie s’oriente pour défendre ses intérêts par des moyens dictatoriaux. Ce danger politique imminent ne peut être combattu que par la mobilisation politique de la classe ouvrière d’appuyant sur la lutte pour un programme socialiste et un gouvernement ouvrier, en lien avec les travailleurs qui se trouvent face aux mêmes attaques dans le monde entier.
Les travailleurs en Grande-Bretagne n’ont qu’à regarder de l’autre côté de la Manche vers la France où la police anti-émeutes et les soldats, qui ont passé l’année dernière à sévir brutalement contre les manifestants Gilets jaunes, mènent maintenant – en utilisant la pandémie de coronavirus – des agressions brutales contre les travailleurs et les jeunes quotidiennement.
source : https://www.wsws.org
Source: Lire l'article complet de Réseau International