Nous voyons beaucoup le mot virus ces jours-ci, ainsi que divers adjectifs en référence aux causes et à la nature du Covid-19, le nom donné à la nouvelle maladie à coronavirus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et désormais utilisé dans le monde entier pour désigner la crise sanitaire qui s’est abattue sur notre planète. Ce nom est utilisé par presque tout le monde, à quelques exceptions près, notamment le Secrétaire d’État américain, l’apparemment jovial mais en réalité profondément toxique Mike Pompeo, et par divers politiciens républicainsdéterminés à détourner l’attention des efforts massifs déployés par la Chine pour contenir, contrôler et au bout du compte, éradiquer la maladie.
Dans l’esprit des obsédés de « La Grandeur de l’Amérique » emmenés par le président Trump, qui portait une absurde casquette avec l’inscription « Keep America Great » lors de sa visite au Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) de Floride le 8 mars, il n’y a pas de plus haute priorité que de maintenir l’ascendant militaire et économique des États-Unis dans le monde, et l’une des façons de le faire est de dénigrer, de harceler et d’insulter ceux qui ne suivent pas la ligne de Washington. Pompeo est un champion dans ce domaine, et il perd rarement une occasion de renforcer ce qu’il imagine être l’ascendant des États-Unis.
L’Organisation mondiale de la santé a été très prudente dans le choix du nom de Covid-19 en déclarant que le nom de la maladie ne pouvait pas « faire référence à un lieu géographique, un animal, un individu ou un groupe de personnes… Ce choix permettra de se prémunir contre l’utilisation d’autres noms qui pourraient être inexacts ou stigmatisants ». Mais pour Pompeo et ses semblables, « stigmatiser » est exactement le but du jeu. Le 7 mars, il a publiquement qualifié la maladie de « virus de Wuhan ». L’animateur de l’émission « Fox and Friends » lui a demandé pourquoi il l’appelait ainsi, à quoi il a répondu que « le Parti communiste chinois a dit que c’est là que le virus a commencé ».
Le monde appréhende la pandémie de Covid-19 (car c’est ainsi qu’elle est maintenant décrite, à juste titre) et on pourrait penser que ce serait le moment, pour tous les pays, de s’unir pour chercher une solution à ce fléau potentiellement désastreux. Mais non : si la plupart des pays du monde semblent certainement coopérer pour surveiller, traiter et soigner cette horrible maladie, il est évident que le Secrétaire d’État américain a de toutes autres priorités. Il est déterminé à concentrer les regards sur la Chine et à la rendre responsable de la crise.
Dans une interview accordée au programme « Squawk Box » de CNBC, Pompeo a déclaré qu’il avait été « incroyablement frustrant » de travailler avec le gouvernement chinois pour obtenir des données sur le virus, « qui seraient in fine la solution pour obtenir un vaccin et combattre ce risque. N’oubliez pas que c’est le coronavirus de Wuhan qui est à l’origine de cette situation, et que les informations que nous avons obtenues au début de cette affaire n’étaient pas parfaites et nous ont amenés à un point où une grande partie du défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui nous a mis en retard. [Sic. Les propos de Pompeo ne sont pas plus cohérents en anglais que dans leur traduction, NdT] Ce n’est pas ainsi que les médecins spécialisés dans les maladies infectieuses me disent que les choses doivent marcher. Ce n’est pas la façon dont l’Amérique travaille, avec la transparence et l’ouverture et le partage de l’information qui doivent être présents ».
Il mentait car, comme annoncé publiquement le 24 février lors d’une conférence de presse de la mission conjointe OMS-Chine sur le Covid-19, « Comme convenu entre les deux parties, la Chine et l’OMS ont invité des experts chinois et étrangers à former une mission conjointe pour enquêter sur la prévention et le contrôle de l’épidémie en Chine. À partir du 16 février, la mission conjointe s’est rendue successivement à Pékin, dans le Guangdong, le Sichuan et à Wuhan, dans la province de Hubei… »
L’allégation de Pompeo selon laquelle il n’y a pas eu de « partage des informations nécessaires » par la Chine était un pur mensonge.
La mission internationale était dirigée par le Dr Bruce Aylward, récemment directeur général adjoint de l’Organisation mondiale de la santé et actuellement conseiller principal du directeur général, qui, avec le Dr Liang Wanniang de Chine, a chapeauté l’équipe d’experts qui a examiné les vastes problèmes auxquels le pays était confronté. Comme le Dr Aylward l’a expliqué, « Face à une maladie jusqu’alors inconnue, la Chine a adopté l’une des approches les plus anciennes pour le contrôle des maladies infectieuses et a déployé probablement l’effort de contrôle de maladie le plus ambitieux, et je dirais même le plus agile et le plus agressif de toute l’histoire. La Chine a pris des mesures à l’ancienne, comme la directive nationale de lavage des mains, le port de masques, la distanciation sociale, la surveillance universelle des températures. Mais très rapidement, à mesure de l’évolution de l’épidémie, la réponse a commencé à changer… Ils ont donc affiné la stratégie à mesure qu’ils avançaient, et c’est un aspect important dans notre examen de l’utilisation de cette stratégie à l’avenir ».
Contrairement à ce que Pompeo a affirmé sur Fox News – qui, malheureusement, est considéré comme une source crédible par des millions d’Américains, dont le président Trump – les Chinois sont totalement coopératifs au niveau international. Par exemple, le 14 mars, le président Xi a envoyé un message au président du Conseil européen, Charles Michel, et à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, leur offrant un soutien total.
Le Dr Aylward n’a pas été interviewé par la Fox, car il aurait été gênant de l’entendre déclarer que « l’OMS est là depuis le début de cette crise, une épidémie, travaillant chaque jour avec le gouvernement chinois… L’OMS était là depuis le début et n’est jamais partie. Ce qui est différent dans cette mission, c’est qu’elle coopère avec beaucoup d’autres experts externes ».
Le thème du « virus de Wuhan » a été adopté par plusieurs législateurs républicains, dont, comme l’a rapporté le New York Times, le sénateur Cotton de l’Arkansas et le membre du Congrès McCarthy de Californie qui, pour ce dernier, a fait plaisir à ses partisans en twittant que la maladie est « le coronavirus chinois ».
Qu’est-ce que ces gens tentent de prouver ? Imaginent-ils que le fait de blâmer le « Parti communiste chinois » va faire quelque chose pour atténuer les effets du Covid-19 ? Pensent-ils que leur attitude stupide a aidé un seul membre de l’espèce humaine à éviter la maladie ou à s’en remettre ? Avec une telle mentalité, ils ne sont pas en mesure d’occuper un quelconque poste à responsabilité législative ou administrative.
Ce qui nous amène au président Trump, qui a pris le train en marche contre la Chine et qui, selon Time magazine, « a retweeté un de ses électeurs, Charlie Kirk, qui l’appelait le ‘virus de la Chine’, le président ayant convenu que ‘nous avons plus que jamais besoin du Mur !’ ». Puis il a utilisé son Discours à la nation pour faire référence à l’épidémie de Covid-19 « qui a commencé en Chine » et a affirmé que les États-Unis faisaient « l’effort le plus agressif et le plus complet de l’histoire moderne pour lutter contre un virus étranger ». Notez qu’il a bien dit, bien sûr, un virus étranger, comme l’a souligné le Guardian.
Trump est allé plus loin dans ses tentatives maladroites de prétendre que les États-Unis avaient pris des mesures rapides et énergiques contre le virus, alors qu’en fait, il a été le leader le plus attentiste du monde. Il a déclaré que l’Union européenne « n’avait pas pris les mêmes précautions et n’avait pas limité les voyages en provenance de Chine et d’autres points chauds. En conséquence, un grand nombre de nouveaux foyers d’infection aux États-Unis ont été déclenchés par des voyageurs venus d’Europe ». Il a ensuite annoncé qu’il y aurait des restrictions sur les voyages en provenance des pays européens, sans avoir le bon sens ou la courtoisie de consulter l’UE, ni même de la notifier de cette décision radicale.
Les dirigeants du Conseil européen et de la Commission européenne ont publié une déclaration commune selon laquelle la décision avait été prise « unilatéralement et sans consultation ». Elle a déclenché un chaos dans les aéroports de tout le continent européen.
Trump et ses troupes ont fait tout leur possible pour gêner, dénigrer et insulter l’Union européenne et la Chine et s’ils pensent que lorsque les affaires internationales reviendront à un état pré-épidémique, il y aura un pardon de la part de l’UE et de la RPC, ils se trompent lourdement. Le ressentiment créé par l’arrogance et les déclarations à l’emporte-pièce de Washington ne va pas disparaître de lui-même. Il y aura un retour de bâton, les États-Unis en souffriront, et la responsabilité en incombera directement à la Maison Blanche, à ses laquais du Congrès et à l’odieux Pompeo.
Brian Cloughley
Traduction Entelekheia
Photo Thiemen/Pixabay
Note d’Entelekheia :
Tweet de Richard Horton, rédacteur en chef de la première publication médicale au monde, The Lancet :
Chinese clinicians and scientists—Chen Wang, George Gao, Chen Zhu, Bin Cao—did the world a great service by immediately sharing their data, warning the world that SARS-CoV-2 was a dangerous new virus. I’m appalled to say that western “experts” failed to heed their warnings.
— richard horton (@richardhorton1) March 17, 2020
(Les cliniciens et scientifiques chinois – Chen Wang, George Gao, Chen Zhu, Bin Cao – ont rendu un grand service au monde en partageant immédiatement leurs données, avertissant le monde que le SARS-CoV-2 était un nouveau virus dangereux. Je suis consterné de constater que les « experts » occidentaux n’ont pas tenu compte de leurs avertissements.)
Tout est dit.
Brian Cloughley est un vétéran des armées britannique et australienne, ancien chef adjoint de la mission militaire de l’ONU au Cachemire et attaché de la défense australienne au Pakistan.
Source: Lire l'article complet de Mondialisation.ca