D’abord, une précision : le film de zombies, un genre en soi, fera l’objet d’un survol individuel ultérieur, d’où son absence parmi les morceaux choisis qui suivent.
Parmi les pandémies les plus notoires, il y a évidemment celle de la peste, au Moyen Âge. Plusieurs films à saveur médiévale l’ont utilisée en guise de toile de fond plus ou moins importante, mais aucun avec l’originalité ou la maestria d’Ingmar Bergman dans Le septième sceau (1957). On y suit un chevalier (Max Von Sydow) qui, au retour des Croisades, trouve sa Suède natale ravagée par la « mort noire ». Sur une plage, il croise la Mort en personne. Et le mortel et la Faucheuse de deviser un brin avant d’entamer une étrange partie d’échecs. L’enjeu ? L’âme du preux chevalier.
Durant ses pérégrinations, le protagoniste interroge tant la volonté divine que le sens de l’existence au vu des atrocités humaines. Or, ce n’est qu’en présence d’une jeune famille de saltimbanques rencontrée par hasard qu’il trouve un rare instant de répit : l’amour qui les unit, l’innocence du petit, leur générosité envers l’inconnu qu’il est… Et si ce film que l’on se plaît tant à complexifier était tout simple ? On perçoit souvent Bergman comme un cinéaste cérébral, et il le fut. Cela ne l’a pourtant pas empêché de mettre du cœur à l’ouvrage — littéralement.
Et si la menace ne venait pas d’ici-bas, mais de là-haut ? Avant de publier son plus gros succès, Le parc jurassique en 1990, Michael Crichton fit paraître en 1969 un roman intitulé La variété Andromède, sur un virus venu de l’espace. Le point zéro : un village décimé où des scientifiques tentent de comprendre, et de contenir, ce mal étrange. C’est au très polyvalent — et à vrai dire sous-estimé — Robert Wise qu’Hollywood confia le mandat d’en tirer un film.
Ancien monteur, entre autres de Citizen Kane, il triompha comme réalisateur avec les comédies musicales à succès West Side Story (1961) et La mélodie du bonheur (The Sound of Music ; 1965), mais sans que soit mentionné son brio technique : maîtrise occultée pour genre snobé. En cela, La maison du Diable (The Haunting ; 1963) est particulièrement éloquent quant au savoir-faire de Wise, en plus de démontrer son aisance avec les mécanismes du suspense, voire de la terreur. Aptitudes qu’il utilise à bon escient dans Le mystère Andromède (Andromeda Strain ; 1971).
Du futur au présent
C’est dans le futur que les scénaristes Janet et David Peoples ont situé la prémisse de L’armée des 12 singes(Twelve Monkeys ; 1995), réalisé avec panache par Terry Gilliam. Dans une espèce de microrégime totalitaire sous-terrain dirigé par l’armée et des scientifiques, un survivant d’un virus lâché près de 40 ans auparavant est sélectionné pour retourner dans le passé afin d’y découvrir l’identité du responsable.
Les circonvolutions brillantes du récit (librement inspiré par le court métrage La jetée, de Chris Marker) jumelées à l’inventivité de la mise en scène de Gilliam, sa meilleure avec celle de Brazil, contribuent grandement à la réussite de l’ensemble. Toutefois, c’est vraiment le jeu investi — et poignant — de Madeleine Stowe, en psychiatre aux convictions chamboulée, et surtout de Bruce Willis, en voyageur du futur hanté par le passé, qui remporte l’adhésion. Sans oublier le survolté Brad Pitt, inoubliable en écoterroriste nanti.
La toute dernière scène, c’est-à-dire cet échange clé dans l’avion entre le détenteur du virus et sa voisine, est capitale eut égard à l’identité de ladite voisine et aux paroles qu’elle formule.
Loin de la science-fiction ou de l’anticipation, c’est dans un hyperréalisme glaçant que Steven Soderbergh campe l’intrigue de son film Contagion, un succès mitigé de 2011 dont tout le monde parle à présent. Le film est en l’occurrence captivant (et, oui, effrayant) dans sa manière de documenter le processus, du micro au macro, menant à une pandémie mondiale. La distribution vaut en outre le détour : Marion Cotillard, Matt Damon, Kate Winslet, Gwyneth Paltrow, Jude Law, Laurence Fishburne, Bryan Cranston… Il y a pire.
À terme, le film de Soderbergh désigne l’exploitation désordonnée des ressources naturelles subordonnée au capitalisme sauvage, comme l’une des principales responsables de ces périls sporadiques encourus par l’humanité. L’ultime rempart ? La science, comme dans le film de Wise, et même dans celui de Gilliam.
Quant au chef-d’œuvre de Bergman, il fait bon méditer ses enjeux philosophiques tout en se concentrant sur ce moment de grâce que vit le protagoniste au contact de ce couple d’artistes aimants et de leur enfant. Autant de concepts et de messages certes simples, mais qu’il fait bon se rappeler, oui, encore et encore.
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Épidémie(Outbreak ; 1995), de Wolfgang Petersen, avec Dustin Hoffman et Renée Russo. Un thriller haletant d’abord crédible pour sa description de l’évolution et la transmission d’un virus, mais qui devient un peu ridicule (quoiqu’éminemment divertissant) dès lors que Dustin Hoffman se transforme en héros de film d’action.
Black Death(2011), de Christopher Smith, avec Sean Bean et Carice van Houten. Autre récit campé dans un Moyen Âge frappé par la pestilence où l’enjeu de l’isolement joue un rôle clé. Très bien mené, et avec une excellente « twist ».
The Hot Zone(série ; 2019), avec Julianna Margulies. Une minisérie de six épisodes basée sur l’ouvrage du même nom à propos de l’épidémie d’Ebola de 1994.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec