Moins d’une semaine après l’annonce du confinement par Macron, le coronavirus continue de se répandre en France et dans toute Europe, qui est devenue le centre de la pandémie mondiale et a dépassé la Chine en nombre de décès. Les hôpitaux français sont déjà en surchauffe notamment dans la région du Grand Est, dévoilant l’état fragile des infrastructures hospitalières et sociales, dévastées par les décennies d’austérité de gouvernements successifs et de l’Union européenne (UE).
Le Pr Jérome Salomon, directeur général de la Santé lors d’un point sur la situation de mercredi a indiqué qu’ «Il y a un doublement des cas tous les jours, l’épidémie s’étend sur le territoire national et s’aggrave rapidement». En France, 10.995 cas sont confirmés par test diagnostic PCR, 4.461 sont hospitalisés, 1.122 cas graves sont en réanimation. Selon les chiffres officiels, 5.500 sont à domicile, confinées ou guéris; 372 décès sont comptabilisés.
Vu qu’aucun dépistage massif n’a été effectué, ces chiffres sont probablement en dessous de la réalité. Une personne qui présente des symptômes du coronavirus n’est pas automatiquement contrôlée mais est invitée à rester chez elle et ne doit appeler le Samu (Service d’Aide Médical urgent) que si elle présente des difficultés respiratoires.
Le Covid-19 met à rude épreuve le système hospitalier. Certains services d’urgences et de réanimation sont déjà au bord de la saturation malgré le déclenchement du plan blanc par le ministre de la Santé, Olivier Véran. Dans le Grand Est, région la plus touchée de France avec 1.820 cas positifs et 61 décès recensés, les hôpitaux étaient déjà saturés avant même l’annonce du confinement lundi soir par Macron.
Le chef du service des urgences de Mulhouse, Marc Noizet, tirait la sonnette d’alarme ce lundi au micro de France Inter: «Alors que nous étions très sollicités, depuis trois semaines, sur la partie pré hospitalière – régulation, médecine de ville – avec des cas relativement banals de syndrome grippal, depuis cinq jours, nous sommes sur-sollicités avec des patients qui arrivent à l’hôpital avec de véritables signes de gravité et de sévérité qui nécessitent une prise en charge obligatoire en milieu hospitalier. Et puis, depuis trois jours, on accueille un nombre de cas excessivement sévères, en détresse, qui nécessitent une prise en charge en réanimation et qui ont d’ores et déjà saturé toutes nos capacités de réanimation dans le département du Haut-Rhin et progressivement, dans le département du Bas-Rhin et les départements avoisinants.»
Le Dr Noizet alertait aussi sur le manque de moyens humains et matériels indispensables pour maintenir les malades en vie: «Il y a une vraie problématique de disponibilité de stocks de matériel, non seulement sur les respirateurs, mais également sur tout l’environnement technique nécessaire pour armer un lit de réanimation. Donc, les industriels sont sollicités, mais évidemment il y a la problématique de stocks. Je sais qu’en Italie on va faire venir du matériel de Chine. Nous avons sollicité les pouvoirs publics pour nous y aider. Nous avons aussi sollicité d’autres établissements, notamment dans les régions qui ne sont pas encore soumises à la pression, de manière à trouver ce matériel pour équiper de nouveaux lits.»
Pour désengorger les hôpitaux du Grand Est, un hôpital de campagne militaire avait été déployé pour y installer 30 lits de réanimation. L’armée a été appelé en secours pour évacuer six patients de l’hôpital de la métropole du Haut-Rhin contaminés par le coronavirus vers l’hôpital de Toulon dans le Var, moins touché par l’épidémie.
Dans le même temps, un document remis à la Direction générale de la Santé (DGS), intitulé «Priorisation de l’accès aux soins critiques dans un contexte de pandémie», prévoit d’opérer une sélection des personnes devant être soignées où non. Selon le Conseil consultatif national d’éthique, «Les ressources telles que les lits de réanimation et leur équipement lourd sont déjà des ressources rares qui risquent de s’avérer insuffisantes si le nombre de forme graves est élevé. Dès lors, les médecins peuvent devoir établir des priorités, parfois dans de mauvaises conditions et avec des critères toujours contestables.»
Cette crise sanitaire montre la faillite du supposé modèle social à la française, et plus largement du capitalisme européen. Trois décennies après la chute de l’URSS, les politiques d’austérité ont servi à détruire le système social acquis par la classe ouvrière après la Seconde Guerre mondiale. Des centaines de milliards ont été transférés vers l’aristocratie financière et pour mener des guerres néocoloniales.
Le système de santé a été systématiquement attaqué par les différents gouvernement désorganisant les hôpitaux. Le budget de 2019 prévoyait une baisse de 3,8 milliards de budget pour la santé, soit 11,4 milliards sur 4 ans. Ces sommes auraient largement pu contribuer à l’achat de matériels comme les appareils respirateurs indispensables pour les personnes ayant besoin d’oxygénation du sang pour vivre.
Alors que la France est la 6e puissance économique mondiale et a vu en 2019 la plus forte augmentation au monde des revenus pour le 1 pour cent le plus riche, la France est classé 19e en termes de lits en soins intensifs pour ses habitants, selon l’OCDE.
Le Japon possède 7,8 lits pour 1.000 habitants, il y en a 7,1 pour 1000 en Corée du Sud et 6 pour 1000 en Allemagne. La France est surclassée par beaucoup d’ex-pays soviétiques de l’Est: Lituanie (5,5), République slovaque (4,9), Pologne (4,8), Hongrie (4,3), Slovénie (4,2), République tchèque (4,1), Estonie (3,5) et Lettonie (3,3). La France est devant l’Italie (2,6), les Etats-Unis (2,4), l’Espagne (2,4) et le Royaume-Uni (2,1). Le Chili (2), le Canada (1,9) et le Mexique (1,4) ferment la marche.
Un scénario à l’italienne est en cours en France avec une semaine de retard, mais il y aura, comme l’a annoncé Buzyn, «des milliers de morts».
Alors que les gouvernements s’empressaient d’injecter des milliers de milliards sur les marchés, le gouvernement Macron a abandonné le système de santé, sans matériel ni préparation durant des mois, livré à lui même pour faire face à la contamination au coronavirus.
Les élites dirigeantes n’ont que du mépris pour les travailleurs pendant cette catastrophe sanitaire. L’éruption de grèves et de débrayages, en Italie comme en France, contre l’obligation de travailler à des postes non-essentiels en pleine pandémie n’est qu’un début de réaction de la classe ouvrière.
Les travailleurs ne peuvent rien attendre du gouvernement Macron. Il faut mobiliser les travailleurs politiquement pour exiger le traitement gratuit de tous les malades du coronavirus; un soutien financier aux travailleurs, indépendants et commerçants dont l’activité est menacée par les mesures de quarantaine et un programme international d’investissements publics, financés en réquisitionnant les fortunes des milliardaires afin d’assurer les ressources financières et industrielles nécessaires pour traiter les centaines de milliers de malades du coronavirus à l’échelle internationale.
Anthony Torres
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