Cette approche thérapeutique ne date pas d’hier. « Anciennement, on transférait le sérum d’un individu immunisé à une personne en phase infectieuse. On utilisait même le sérum d’animaux, dont celui de chevaux qui avaient été immunisés et qui avaient beaucoup d’anticorps contre le virus qu’on voulait combattre », rappelle Alain Lamarre, expert en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « Des anticorps monoclonaux — c’est-à-dire tous identiques — sont déjà utilisés pour traiter plusieurs maladies infectieuses, comme la rage, pour lesquelles ils fonctionnent bien. »
Au Centre de recherche en infectiologie de l’Université Laval, dirigé par Gary Kobinger, on a réussi à identifier 100 millions d’anticorps différents dirigés contre le SRAS-CoV-2 dans des échantillons sanguins prélevés chez des personnes ayant été atteintes de la COVID-19 et ayant guéri. « Il s’agit maintenant de choisir ceux qui seront les plus protecteurs contre le coronavirus, [qui seront les plus aptes à le neutraliser]. Il nous faut déterminer les trois meilleurs parmi les 100 millions. Ensuite, on produira in vitro ces trois anticorps pour faire un traitement », précise M. Kobinger.
« Si on utilise un seul [type d’]anticorps, il y a des risques que le virus puisse muter et échapper à cet anticorps [qui ne reconnaîtrait plus les virus], car les probabilités sont très faibles qu’un virus puisse développer en même temps trois mutations d’échappement », souligne M. Lamarre.
On espère que les autorités sanitaires canadiennes permettront de procéder à des essais cliniques plus rapidement, compte tenu de l’urgence de la situation
Chacun de ces trois types d’anticorps visera une partie différente de la protéine de surface du virus. « L’un d’entre eux visera probablement la protéine S — spike protein — du spicule du virus qui reconnaît le récepteur cellulaire. C’est une région qu’on veut cibler pour empêcher la liaison du virus au récepteur de la cellule. Il peut y avoir aussi d’autres régions importantes de la protéine, dont celle qui joue un rôle dans la fusion du virus avec la membrane cellulaire, parce qu’une fois que le virus a reconnu sa cible — le récepteur — sur la cellule, il doit fusionner avec la membrane pour pouvoir y transférer son matériel génétique. Des anticorps pourraient donc empêcher cette étape-là. Il y a toutes sortes d’étapes dans le processus infectieux qui peuvent être ciblées par des anticorps », explique M. Lamarre.
Une contribution des plantes
L’entreprise biopharmaceutique Medicago de Québec utilisera une technologie très particulière à base de plantes pour produire les trois anticorps choisis par l’équipe de Gary Kobinger. Une fois que cette dernière aura déterminé la séquence génétique de ces trois anticorps, on les introduira dans des végétaux. « On fera incuber ces plantes dans des chambres de croissance pendant quatre à dix jours pour leur permettre de produire des anticorps. Après, on les purifiera. Le tout prendra moins de deux semaines. On devra ensuite procéder d’abord à des tests précliniques chez l’animal pour vérifier leur innocuité et leur efficacité avant de les expérimenter chez l’humain. Mais on espère que les autorités sanitaires canadiennes permettront de procéder à des essais cliniques plus rapidement, compte tenu de l’urgence de la situation », explique Nathalie Charland, directrice principale des affaires scientifiques et médicales chez Medicago.
Les souhaits de Medicago pourraient être exaucés, car, sur son site Internet, l’Agence de la santé publique du Canada invite « les entreprises et les chercheurs qui ont des médicaments, des instruments médicaux ou des produits de santé naturels pouvant traiter ou dépister efficacement [la] COVID-19 à communiquer avec [elle] afin qu’[ils puissent] faciliter l’exécution des essais cliniques ».
« Les essais cliniques sont des études visant à déterminer si un médicament ou un instrument médical est efficace et sécuritaire pour la population. Nous pouvons autoriser un essai clinique rapidement dans des situations d’urgence », précise-t-elle.
Empêcher l’infection
Les anticorps monoclonaux identifiés et produits par des chercheurs de Québec « empêcheront le coronavirus d’aller infecter de nouvelles cellules. Si on les transfère directement dans le sérum des individus infectés, ils vont rapidement se distribuer dans l’organisme et neutraliser les virus qui sont en circulation. Ils auront toutefois peu d’effet sur les cellules qui sont déjà infectées, car l’anticorps ne pénètre pas dans la cellule. C’est la raison pour laquelle il est important d’administrer ce traitement tôt, lorsque l’infection se déclare, afin d’éviter que le virus ait le temps d’infecter beaucoup de cellules. Une fois qu’un grand nombre de cellules ont été infectées, il faut passer à d’autres types de traitement, comme des antiviraux », explique M. Lamarre.
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