Union entre l’extrême droite sioniste et les Arabes israéliens : le nouveau gouvernement de Benny Gantz ?

En , le coronavirus aura au moins fait un heureux : Benyamin Netanyahou, le Premier ministre sortant dont le procès relatif à trois affaires de « corruption, malversation et abus de confiance » est reporté à deux mois pour cause d’épidémie. En attendant, il faut bien constituer une majorité parlementaire et décider de la composition d’un gouvernement, exercice là-bas des plus complexes en raison d’un système politique reposant sur un mode de scrutin à la proportionnelle intégrale, lequel donne aux petits partis un poids politique démesuré par rapport à leur poids réel.

Avec 120 députés à la Knesset, le Parlement local, il convient donc de rallier un minimum de 61 voix. À trois élus près, Benyamin Netanyahou a échoué. Et c’est donc à son rival de centre gauche, l’ancien chef d’état-major de Tsahal, , que le président Réouven Rivlin a confié le soin de former un gouvernement susceptible de passer l’été.

Et là où cela devient intéressant, c’est que ce militaire s’étant vanté d’avoir, à l’été 2014, « renvoyé une partie de Gaza à l’âge de pierre » vient de faire alliance avec les quinze députés arabes israéliens, représentant globalement 20 % de la population israélienne, élus sous la bannière du mouvement Liste unie, actuellement troisième force électorale du pays. Évidemment, Benny Gantz avait promis de ne s’appuyer que sur « une majorité juive ou sioniste ». Nous sommes certes loin du compte. Mais nous sommes, aussi et avant tout, en Israël…

Autre facétie typique de la vie politique locale, la future majorité sera confortée par les six députés d’Israel Beitenou, mouvement d’extrême droite ultra-laïc, fondé par Avigdor Liberman. Plusieurs fois ministre sous des gouvernements de gauche comme de droite, ce dernier représente la récente immigration russe en Israël ; ce qui est une assez belle réussite sociale pour un ancien videur de boîte de nuit d’origine moldave. Histoire de compliquer ce qui n’était déjà pas simple, on notera que les élus de Liste unie ne viennent pas tous exactement du même moule, puisque coalition d’Arabo-Israéliens de confession musulmane et chrétienne, sans oublier quelques islamistes, communistes et autres Israéliens juifs de gauche. Pour tout arranger, parmi les quatre délégués chargés de mener à bien ces négociations, il y avait deux déléguées : la musulmane Iman al-Khatib et la chrétienne Aida Touma. Complexités orientales, comme toujours…

Hormis Benyamin Netanyahou, victime de l’usure du pouvoir et de ses tracas judiciaire, il y en a encore une autre à déplorer : la mouvance juive nationaliste et ultrareligieuse qui, sous le règne du Netanyahou en question, le Premier ministre le plus durable de toute l’histoire de l’État hébreu depuis sa naissance, en 1948, avait le pouvoir de faire et de défaire les majorités. Son appui était indispensable, mais le prix à payer, pour les sionistes de tradition nationale et socialiste, celle des mères et pères fondateurs, de David Ben Gourion à Golda Meir, devenait chaque jour plus élevé.

En effet, très en pointe dans la colonisation sauvage des terres palestiniennes, ce qui oblige l’armée israélienne à consacrer nombre de ses effectifs à leur seule protection, ces juifs traditionalistes font tout pour se soustraire à leurs obligations militaires, souvent ne travaillent pas, se contentant d’étudier Thora et Talmud, tandis que leurs épouses sont chargées de nourrir la famille. Pis : formant une sorte d’État dans l’État, ils se mêlent de vouloir réglementer la vie sociale de leurs compatriotes en exigeant la fermeture des cinémas et des restaurant le jour du shabbat, allant même, pour les plus radicaux, jusqu’à caillasser les voitures de leurs frères impies.

Ils ne devraient donc pas être de la prochaine coalition. Ensuite, l’avenir dira si la vie de Benny Gantz sera plus reposante avec ses nouveaux alliés. Une chose est sûre : elle ne pourra pas être plus épuisante.

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