Alors qu’une posture officielle attentiste privilégie la communication, il y a de bonnes raisons de s’inquiéter et de se mobiliser au plus vite, sans paniquer, avec méthode et recherche de l’efficacité.
Un expert reconnu du pilotage des crises, Xavier Guilhou, a publié récemment un appel salutaire à la raison. Son approche non conventionnelle part du constat que les crises ont « la fâcheuse habitude » de contrarier les certitudes. Or, dans toute situation de crise, le facteur temps est crucial pour collecter et exploiter au plus vite « la bonne information ». Selon une méthode de « force de réflexion rapide » (FRR), les données doivent permettre d’évaluer et de qualifier correctement la situation, de définir des stratégies d’anticipation et de prendre des décisions adaptées.
Autre principe général : renforcer les « chaînes préventiques » en intégrant les chaînes logistique et sécuritaire. On se souvient que la pandémie de grippe espagnole de 1918 et 1919, qui a causé plus de cinquante millions de morts dont deux millions quatre cent mille Africains, s’est propagée par les flux de véhicules et par les regroupements massifs dans des camps. La plus grande décentralisation possible est souhaitable, avec l’implication des acteurs locaux.
Mais l’expérience nous apprend aussi que l’expérience ne suffit pas. Partant par définition du connu, elle est confrontée ici à une situation inédite face à un danger viral nouveau. Les spécificités locales (socio-culturelles, géographiques, économiques, politiques) doivent être prises en compte à toutes les étapes du pilotage de la crise.
On pourrait penser que les populations africaines, jeunes, sont naturellement résistantes. Or, la pauvreté et une mauvaise hygiène de vie les rend fragiles. De plus, leur réaction immunogénétique à ce coronavirus est inconnue, de même que sa mutabilité.
Autre particularité, le niveau local pertinent ne correspond pas aux frontières des États. Les populations transfrontalières franchissent sans contrôle les frontières poreuses. De plus, les mécanismes de coopération internationale sont inefficaces ; par manque de volition, les discours officiels ne se traduisent pas en action.
Les budgets nationaux de santé publique, largement financés par les aides internationales, sont mal employés, quand ils ne sont pas détournés. Or, le manque de moyens invoqué pourrait être comblé par l’effet d’une meilleure gouvernance.
Cette crise sanitaire met en évidence le gouffre entre une minorité de privilégiés qui échappent facilement au danger et aux contraintes du Covid-19 et les populations agglutinées dans des zones urbaines saturées et insalubres.
Par « effet domino », les habitudes socioprofessionnelles se modifient, avec un impact économique cumulé négatif pour les populations précaires. Entre tétanisation irrationnelle et surréaction contre-productive, il convient d’adopter la bonne posture en repoussant l’imposture.
Il revient à une société civile plus affirmée et à des corps intermédiaires plus indépendants de contrôler l’usage effectif des fonds publics, alors que les ressources financières locales sont détenues par l’administration centrale qui les redistribue partiellement et de façon arbitraire. Un vrai contrôle parlementaire et citoyen doit émerger, de même que la communauté internationale doit imposer une ferme conditionnalité, a priori, de toutes formes d’aides déguisées en partenariats et des contrôles, a posteriori, plus stricts des politiques publiques.
Il en va de ce virus biologique comme d’autres, informatiques et bientôt bio-informatiques, qui démultiplieront la viralité et la dangerosité combinées des deux : il n’existe pas de modèle unique universel, il y a autant de réponses que de pays.
C’est un cas concret et utile d’étude en vue de l’ouverture des frontières intra-africaines (Zone de libre-échange continentale africaine, ZLECA) qui offrira des chances pour le développement assorti, en corollaire, de nouveaux risques.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec