Un amendement à la loi fondamentale, ajouté mardi à la surprise générale à une réforme plus vaste, permettra à l’homme fort de la Russie de «réinitialiser» son compteur de mandats présidentiels, afin de lui donner le droit de se représenter en 2024 et 2030. La Cour constitutionnelle doit valider la manoeuvre.
Adoptée en troisième lecture mercredi par les députés puis par les sénateurs mercredi, la réforme, qui inclut aussi un renforcement des prérogatives présidentielles, des mesures sociales et des principes sociétaux conservateurs, doit désormais être approuvée par les deux tiers des parlements régionaux, puis lors d’un «vote populaire» le 22 avril.
Pour l’opposition, prise de court, cette mesure prouve que Vladimir Poutine compte bien rester indéfiniment au Kremlin, même s’il a assuré le contraire par le passé.
Une lettre ouverte d’une vingtaine de figures de la société civile a appelé les Russes à un «dénigrement cynique» de la loi russe.
Cette réforme vise à préserver un «système autoritaire et profondément corrompu dans son ensemble», indique la lettre publiée dans le journal d’opposition Novaïa Gazeta.
Faire face aux ennemis
Les alliés du président se sont pour leur part réjouis de la perspective du maintien au pouvoir de M. Poutine, 67 ans, aux commandes de la Russie depuis 20 ans.
Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, a fait valoir la «stabilité» du pouvoir face aux ennemis «intérieurs et extérieurs» de la Russie, qui «tentent de saper notre indépendance et notre économie».
Le président de la chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine, a estimé que la réforme «renforcera le pays». La présidente de la chambre haute, Valentina Matvienko, a salué en M. Poutine celui qui a «redressé la Russie» et «l’un des plus grands dirigeants au monde».
Justifiant ses décisions, le président russe a aussi jugé mardi qu’un «pouvoir présidentiel fort est absolument nécessaire à la Russie». Il n’a pas pour autant annoncé qu’il sera candidat à sa propre succession.
Les détracteurs du pouvoir ont en outre dénoncé la décision mardi de Sergueï Sobianine de bannir les rassemblements de plus de 5000 personnes, pour cause d’épidémie de coronavirus.
Car cette annonce est intervenue juste après que l’opposition a indiqué vouloir défiler courant mars à Moscou, théâtre cet été de vastes manifestations réprimées.
Des Moscovites interrogés par l’AFP affichaient, eux, une certaine indifférence.
«Si Poutine a pris cette décision, nous ne pouvons pas faire grand-chose», note Elena Volkova, 62 ans, disant ne «voir aucun autre dirigeant» potentiel pour la Russie.
«Je ne m’intéresse pratiquement pas à la politique et beaucoup de mes amis ne se sentent pas concernés. Ils ont d’autres problèmes», abonde Ilia Alekseïev, étudiant de 17 ans.
Un «putsch»
La figure de proue des opposants, Alexeï Navalny, a dénoncé une réforme qui permet à Poutine de briguer un mandat «comme si c’était la première fois».
«Techniquement, ce qui se passe aujourd’hui est un putsch», a lâché son bras droit, Leonid Volkov.
La mobilisation dans la rue reste néanmoins faible : une centaine de manifestants près des murs du Kremlin mardi, et une nouvelle action d’ampleur réduite mercredi devant le Parlement.
Pour des analystes, si le calendrier de l’annonce a surpris, son fond pas du tout. «Nous savions que Poutine cherchait à rester au pouvoir par n’importe quel moyen (…) Maintenant, tout est clair», résume Andreï Kolesnikov du centre Carnegie.
Le politologue Alexeï Makarkine, estime lui qu’à moyen terme, la perspective d’un Poutine au pouvoir à vie pourrait donner une «impulsion et un argument» à l’opposition pour mobiliser les masses.
La révision constitutionnelle concerne le système politique, renforçant notamment les pouvoir de l’exécutif, mais donne aussi des droits socio-économiques tels qu’un salaire minimum garanti et une indexation des retraites.
Elle entérine aussi sa vision conservatrice de la Russie avec la mention de la «foi en Dieu», de la nécessité de politiques natalistes ainsi que le principe d’un mariage possible uniquement entre un homme et une femme.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec