Le secrétaire d'État américain, Mike Pompeo, a immédiatement fustigé la décision, diffamant le tribunal en le qualifiant d'«institution politique non responsable, se faisant passer pour un organe juridique».
Les États-Unis ne reconnaissent pas l’autorité de la cour Internationale de Justice depuis 2002, quand George W. Bush a soustrait son pays de sa compétence. Les Américains ne voulaient pas qu’un jour ce soit leurs politiciens, leurs généraux et leurs soldats qui doivent répondre de leurs crimes devant le tribunal de La Haye. Les Américains font partie de la race des Seigneurs. Les respects de conventions, des règles, c’est pour le reste de l’humanité. «Might is right». Les États-Unis estiment que leur rôle en tant que puissance militaire dominante de la planète doit garantir à leurs militaires et à leurs espions l’immunité pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
D’ailleurs, la cour de La Haye ne devrait pas limiter son enquête à l’Afghanistan. Depuis 20 ans, les États-Unis sont responsables d'une part significative des crimes de guerre commis dans le monde.
Pour montrer son mépris face à de tels crimes et pour donner l’exemple, Trump a récemment gracié, contre l'avis du Pentagone, un sous-officier dont sept membres de son unité ont dit qu'ils l'avaient vu commettre des crimes de guerre en Irak.
En 2011, le célèbre politologue américain Stephen M. Walt de l’Université Harvard avait noté dans son blogue de la revue Foreign Policy que la justice américaine ne fait absolument rien pour enquêter sur des crimes de guerre commis par les États-Unis et en accuser des responsables. Comment pourrait-elle en effet porter des accusations contre George W. Bush, Donald Rumsfeld et Dick Cheney, pour ne parler que des cas les plus notoires? Dès son arrivée au pouvoir, Barack Obama avait d’ailleurs exclu de traîner son prédécesseur et ses complices devant les tribunaux pour répondre de leurs crimes.
Le Pr Walt rappelait que l’administration Bush a violé le droit international quand elle a décidé d’envahir l’Irak en 2003; que de hauts responsables américains ont perpétré des crimes de guerre quand ils ont ordonné le recours à la torture de prisonniers en Irak et dans des «sites noirs» un peu partout sur la planète. Et quand ils ont autorisé des «assassinats ciblés» à l’aide de drones.
Ces assassinats à l’aide de drones de personnes soupçonnées d’être leurs ennemis sans autre forme de procès, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, sont contraires au droit international. Pour l’ONU, il s’agit d’exécutions sommaires ou arbitraires extralégales. Ça semble aussi la position des conseillers juridiques du Pentagone, puisque les militaires américains refusent d’accomplir ces missions. Ce sont des pilotes-assassins de la CIA qui pulvérisent ainsi des terroristes ou supposés tels, tuant aussi des civils qui ont la malchance de se trouver à proximité. D’ailleurs, la décision de Trump d'assassiner par drone en Irak le général iranien Qassem Soleimani a toutes les apparences d’un crime de guerre.
L’enquête du tribunal de La Haye pourrait avoir des incidences canadiennes. Témoignant devant un comité de la Chambre des communes, Richard Colvin, un diplomate canadien de haut rang, a allégué que les talibans transférés par des militaires canadiens aux autorités locales de Kandahar étaient probablement tous torturés et qu’Ottawa était au courant. Colvin, le deuxième diplomate en importance à l’ambassade canadienne à Kaboul en 2006 et en 2007, a déclaré avoir tenté en vain à plusieurs reprises de sonner l’alerte auprès de hauts responsables civils et militaires à Ottawa.
Le Comité international de la Croix-Rouge a aussi signalé en 2007 que trois talibans capturés par les forces spéciales canadiennes ont disparu après avoir été remis aux autorités afghanes. En tout, 130 prisonniers talibans ont été remis par les forces canadiennes aux autorités afghanes.
Les documents de WikiLeaks révèlent que les assassinats sélectifs perpétrés par les forces spéciales américaines contre des dirigeants talibans et d’al-Qaida entraînaient souvent des «bavures» où des innocents étaient tués plutôt que les ennemis ciblés. Des militaires canadiens, membres de l’unité spéciale JTF-2, étaient intégrés aux forces spéciales américaines en Afghanistan. Ont-ils été impliqués dans de telles «bavures»?
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec